Fin de vie: Marie de Hennezel écrit au Président de la République

Le père Nicolas Jouy, vicaire général a relayé sur la page Facebook de sa paroisse, cette lettre ouverte de Marie de Hennezel au président de la République concernant le projet de loi sur la fin de vie. C’est avec son autorisation que nous la partageons avec vous.

« Monsieur le Président,
Je me fais ici la porte-parole de gens qui n’ont pas les moyens de vous interpeller. Des personnes de 80 à 100 ans, fragilisées bien que souvent encore autonomes, qui perçoivent le danger d’une loi qui établira un continuum entre les soins de fin de vie et l’euthanasie.
Solitaires pour beaucoup d’entre elles, souvent abandonnées par leurs proches, redoutant de terminer leur existence dans un établissement mal traitant faute de personnels, cette future loi les tourmente.
Trouveront-elles des médecins qui s’engageront à ne pas les abandonner et à leur permettre de terminer leur vie comme elles le souhaitent : chez elles, dans leur lit et pas à l’hôpital, sans souffrir, sans être obligées de s’alimenter si elles n’ont plus faim, entourées de vie, de paroles, de gestes de tendresse, de douceur ? Ou bien leur fera-t-on comprendre qu’elles sont devenues inutiles, qu’elles représentent un fardeau pour la société, et que l’élégance serait qu’elles consentent à s’en aller, à s’auto-effacer, pour reprendre l’expression d’un de vos derniers ministres. À la moindre plainte, ne leur proposera-t-on pas la mort comme porte de sortie ?
Vous le savez bien, Monsieur le Président, l’intrication soins palliatifs et euthanasie, au sein d’une même loi d’aide active à mourir, signera à terme la mort des soins palliatifs.
Permis de conduire : êtes-vous favorable à des examens de santé réguliers ?
Qui se formera au maniement subtil des antalgiques, à l’accompagnement de la souffrance globale, quand il suffira de pousser une seringue ? Un acte facile et peu coûteux, pour accomplir ce qui sera alors considéré comme un « soin ultime ».
Cette idée d’une aide active à mourir qui commencerait par des soins palliatifs, – et encore là où ils existent – et se terminerait par une injection létale est une idée perverse.
Est pervers, n’est ce pas, ce qui ne tient pas compte de la réalité. Or la réalité est que 500 personnes meurent tous les jours sans avoir eu accès à ces soins, et que l’urgence n’est pas d’accéder à la volonté d’un petit pourcentage de personnes qui pour des raisons philosophiques veulent décider du moment de leur mort. L’urgence est de couvrir le territoire de structures de soins palliatifs, maintenant et pas d’ici dix ans. L’urgence est de former tous les médecins au traitement de la douleur et à l’accompagnement de la fin de vie. L’urgence est d’embaucher et de former suffisamment de soignants pour que les Ehpad et les équipes de soins à domicile puissent accompagner au mieux les personnes fragiles et vieillissantes.
Je sais, pour en avoir été témoin pendant dix ans, comme psychologue de la première unité de soins palliatifs française, que des soins palliatifs bien conduits par des personnes compétentes peuvent venir à bout de toutes les souffrances, même les plus réfractaires.
Le drame est de constater qu’au lieu de soutenir le développement de ces soins, on les a freinés. Le drame est de constater qu’on a perdu confiance dans leur efficacité.
Peut-être avez-vous été convaincu, Monsieur le Président, qu’en légalisant l’aide active à mourir vous réglerez le problème ? Peut-être d’autres ont-ils réussi à vous persuader que donner la mort pourrait être un soin ultime ?
Vous savez cependant que la grande majorité des médecins et des soignants en refusent l’idée. La pensée même que l’injection létale pourrait être la réponse aux inquiétudes de nos contemporains, hantés par la peur de souffrir avant de mourir, en inquiète plus d’un.
Vous rendez-vous compte de ce que cette perversion du concept de soin fera peser sur une profession déjà malmenée ? Qui fera désormais confiance à son médecin ? Comment ferez-vous pour restaurer cette confiance, pour protéger les plus vulnérables de notre société ? »