Les sanctuaires mariaux

Comme tous les diocèses de France, celui d’Amiens possède sur son territoire de très nombreux sanctuaires voués à la mère de Dieu. De la plus petite chapelle à la croisée des chemins à l’immense cathédrale d’Amiens, ce sont plusieurs centaines de lieux de culte qui parsèment nos villes et villages. Aurélien André, archiviste de notre diocèse, nous présente trois d’entre eux…

Chapelle Notre-Dame des Vertus

A une douzaine de kilomètres au sud d’Amiens, le long de la vieille route de Beauvais, s’élève à Coppegueule, hameau dépendant de Nampty un des sanctuaires mariaux les plus célèbres de l’Amiénois : la chapelle Notre-Dame des Vertus, qu’il faut distinguer de l’église paroissiale dédiée à saint Brice. On ignore à quand remonte la création de ce sanctuaire marial ; les premières mentions historiques datent de 1175.

L’actuelle chapelle est un modeste édifice du XVIe siècle construit en craie locale, plusieurs fois remanié comme en attestent les réparations en briques visibles ici et là. La façade formant pignon est surmontée d’un clocher en charpente. Le chœur est, à l’extérieur, plus élevé que la nef.

A l’intérieur, est érigée dans une niche en brique greffée sur le chœur au XIXe siècle, la statue de la Vierge et de l’Enfant. Prenant place dans un décor de nuées constellées de têtes d’angelots, elle est éclairée zénithalement par une verrière. Datant du XVIIe siècle, inscrite au titre des Monuments historiques depuis 1979, cette statue a été restaurée en 2019 par Christine Bazireau, restauratrice de sculpture. Autrefois s’élevait au pied de la niche le maître-autel de la chapelle. Sculptée dans la pierre calcaire, la Vierge et l’Enfant, couronnés de diadèmes en métal, sont recouverts de plusieurs couches de peinture et de dorure.

Jadis les pèlerins se rendaient à la chapelle de Nampty pendant la neuvaine qui suivait le 12 mai, pendant l’octave de l’Assomption et pour la fête de la Nativité de la Sainte Vierge le 8 septembre (qui correspondait à l’époque de la fin des moissons). Aujourd’hui c’est surtout le 15 août que les pèlerins affluent en plus grand nombre à Nampty. Au XVIIIe et au XIXe siècles de nombreux couples choisissaient de s’unir dans la chapelle de Nampty. On attribue à l’intercession de Marie la protection du village de Nampty dont les enfants furent épargnés lors des guerres de 1870, de 1914-1918 et de 1939-1945. Les pèlerinages furent particulièrement importants après la Grande Guerre, grâce à l’impulsion des évêques d’Amiens, Mgr de la Villerabel et Mgr Lecomte. Trois monuments furent élevés en 1921 et en 1922 pour honorer la mémoire des combattants : le Calvaire du Souvenir, la Piéta et la statue du Sacré-Cœur.

Chapelle Notre Dame des Vertus
4 Rte de Beauvais
80160 Nampty

Notre Dame de Monflières
2 Imp. de la Chapelle,
80132 Bellancourt

Notre-Dame de Monflières

Le pèlerinage en l’honneur de la vierge Marie de Monflières, sur la paroisse de Bellancourt, est l’un des plus importants du diocèse d’Amiens. La chapelle abrite une statue en chêne de la Vierge et de l’Enfant dont l’origine est dite miraculeuse, comme celle de Notre-Dame de Brebières à Albert.

Au début du XIIe siècle, un berger de Bellancourt avait coutume de conduire son troupeau près de l’orme qui séparait les terroirs de Bellancourt de ceux de Vauchelles. Il s’aperçut qu’une de ses brebis s’arrêtait chaque fois au même endroit pour sautiller autour de l’arbre, levant la tête en bêlant : il découvrit ainsi au milieu du tronc de l’orme une image de la Sainte Vierge. La statue, regardée comme miraculeuse, fut contestée entre les habitants de Vauchelles et ceux de Bellancourt. Il fut convenu qu’elle serait placée sur un chariot, auquel on attellerait quatre chevaux pour Vauchelles et un seul cheval pour Bellancourt. Ce dernier entraîna sans effort le chariot et les quatre chevaux de la commune rivale et s’arrêta obstinément au lieu dit Monflières.

Vers 1160, les religieuses bénédictines de l’abbaye Berteaucourt-les-Dames firent construire une chapelle pour abriter la statue. Elle fut placée sous le vocable de l’Annonciation. Celle-ci fut richement dotée par les habitants et seigneurs des environs. Les pèlerins affluaient surtout le 25 mars pour la fête de l’Annonciation. De nombreux ex-votos témoignaient de la reconnaissance des fidèles pour les grâces obtenues en ces lieux. Notre-Dame de Monflières fut particulièrement invoquée par les Abbevillois et les habitants du Vimeu lors de la terrible épidémie de peste de 1599 et lors des épidémies de choléra. Jusqu’à la Révolution ils se rendirent en pèlerinage pour remercier la Vierge de sa protection. Plusieurs confréries furent instituées pour organiser culte et dévotions.

La popularité du sanctuaire de Monflières gagna jusqu’à Versailles. En 1778, sur les conseils de sa modiste, l’abbevilloise Rose Bertin, la reine Marie-Antoinette offrit à la Vierge de Monflières une robe de drap d’or pour la remercier de la naissance de son premier enfant, Marie-Thérèse, la future Madame Royale (1778-1851). Lors de la Révolution la chapelle fut fermée mais ne fut pas profanée et la statue échappa aux iconoclastes. La paix religieuse revenue, la statue retrouva son sanctuaire et Monflières demeura aimée des habitants du Ponthieu, les pèlerins la visitant chaque jour, et plus particulièrement au mois de mai et pour la fête de l’Assomption.

L’ancien orme, devant la chapelle, a disparu depuis bien longtemps. Un tilleul le remplace de nos jours. D’après la tradition, il marque l’emplacement où le chariot s’est arrêté lors du débat survenu entre Bellancourt et Vauchelles.

 La Basilique Notre-Dame de Brebières à Albert

La statue de Notre-Dame de Brebières fut, selon la tradition, découverte miraculeusement par un berger qui gardait son troupeau à peu de distance de la ville d’Ancre (aujourd’hui Albert). La date de cette découverte n’est pas connue. La statue fut transférée dans l’église paroissiale d’Albert en 1727 qui vit affluer un pèlerinage. Ce pèlerinage connut un regain de ferveur avec l’arrivée du chemin de fer dans la deuxième moitié du XIXe siècle. En 1885, Mgr Jacquenet, évêque d’Amiens, posa la première pierre la nouvelle église construite par Edmond Duthoit. L’initiative de cet imposant chantier revenait à l’abbé Anicet Godin, curé de la paroisse. La statue de pierre de Notre-Dame de Brebières prit place dans la chapelle axiale au haut d’un escalier que les pèlerins pouvaient emprunter pour l’approcher. La Vierge et l’Enfant furent couronnés en 1900 ; les précieuses couronnes en or constellées de diamants sont aujourd’hui conservées au trésor de la cathédrale. Erigée en basilique mineure par le pape Léon XIII en 1895, la nouvelle église fut presque intégralement détruite lors de la Première Guerre mondiale. La statue de la Vierge et de l’Enfant fut abritée à la cathédrale d’Amiens en 1915. Relevée selon les mêmes formes par l’architecte Louis Duthoit, fils d’Edmond, la basilique continue d’accueillir de nombreux pèlerins du diocèse d’Amiens et des diocèses voisins, notamment lors de la neuvaine pour la fête de la Nativité de la Sainte Vierge le 8 septembre.

Basilique Notre-Dame de Brebières
20 Rue Anicet Godin
80300 Albert

Notre-Dame de Moyencourt
2 rue de Péronne
80240 Roisel

 Notre-Dame de Moyenpont à Marquaix-Hamelet

A la frontière Nord-Est du diocèse d’Amiens (dans la partie relevant, avant la Révolution, de l’ancien diocèse de Noyon), le sanctuaire de Notre-Dame de Moyenpont attire depuis plusieurs siècles les pèlerins de notre région. Comme à Albert, la tradition rapporte que c’est un berger qui découvrit la statue dans les prairies d’Hamelet. Au XVIIIe siècle, un petit oratoire fut établi entre deux bras de la rivière de Cologne, sur une île appelée Moyen Pont, media inter pontes. Entaillée dans le bois, la Vierge, portant l’Enfant, est offerte à la vénération des fidèles couverte d’un manteau qui ne laisse voir que les deux têtes. La provenance de cette statue est inconnue et il n’est pas aisé de la dater. Bon nombre des statues découvertes « miraculeusement » sont originaires d’anciens sanctuaires détruits ou pillés lors de telle ou telle invasion. On attribue à l’intercession de la Vierge de nombreux miracles en ces lieux, dont celui de la d’un enfant mort-né en 1640. Détruite en 1917, la chapelle fut relevée en 1926 et la statue reprit sa place au-dessus du maître-autel. Fidèles et pèlerins des environs se rendent aujourd’hui toujours à Notre-Dame de Moyenpont.

 Notre-Dame de Guadalupe à Abbeville

L’église Saint-Sépulcre d’Abbeville abrite une très belle représentation de Notre-Dame de Guadalupe. La Vierge de Guadalupe est une figure très importante du catholicisme en Amérique latine, particulièrement au Mexique, depuis le début du XVIe siècle ; elle y est fêtée le 12 décembre. Cette image serait apparue à un indigène du Mexique en 1531. Le pape Benoît XIV définit Notre-Dame de Guadalupe comme patronne du royaume de Nouvelle-Espagne en 1754.
L’image abbevilloise, peinte à l’huile sur parchemin au commencement du XVIIIe siècle, fut offerte à la supérieure de la Visitation d’Abbeville en 1710 par son frère, le R. P. de Gouy, jésuite, procureur général des missions d’Amérique. Le monastère de la Visitation d’Abbeville fut supprimé lors de la Révolution mais la sainte image de la Vierge immaculée fut heureusement préservée. Retrouvée chez un brocanteur, elle fut achetée par le curé de la paroisse Saint-Sépulcre au début du XIXe siècle et fut installée dans l’église. Un culte se développa en ces lieux, dont témoignent plusieurs opuscules. Marie est représentée adolescente, la tête inclinée entourée d’une auréole et d’un soleil aux rayons d’or ; son pied droit est posé sur un croissant de lune, qui repose lui-même sur la tête d’un ange (« un grand signe a apparu dans le ciel, c’était une femme toute revêtue de soleil » ; « elle est belle comme la lune »). Sur cette image, Marie porte le grand signe iconographique de l’Immaculée Conception : elle est représentée sans l’Enfant Jésus, ce qui indique l’âge où elle n’était pas encore mère.
Quatre médaillons accompagnent le tableau : le premier, en haut à gauche, représente la première apparition de la Vierge au berger indien ; le deuxième la seconde apparition ; le troisième montre le berger indien recevant de Marie les fleurs qu’elle lui a apportées ; le quatrième, en bas à droite, fait voir l’Indien portant sur son vêtement l’image de Marie, qu’elle y a imprimée elle-même. Le pape Léon XIII a autorisé le culte de Notre-Dame de Guadalupe dans l’église Saint-Sépulcre d’Abbeville par un rescrit en date du 26 avril 1882.
Classée au titre des Monuments historiques depuis 1983 cette peinture a été restaurée en 2014.

Eglise du Saint Sépulcre
Place du Saint Sépulcre
80100 Abbeville