Homélie et photos de la messe chrismale

Depuis quelques jours, l’Eglise est mise à mal. Ne nous trompons pas : le seul vrai scandale est celui de ceux qui, prêtres pour servir le corps du Christ, l’ont profané à travers l’agression d’enfants. « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait », dit Jésus dans l’Evangile. A travers ces enfants, c’est donc le Corps du Christ qui est profané. Et il n’y a pas de prescription pour la souffrance. Alors nous prions tout particulièrement pour les victimes, au côté  desquelles nous voulons être. Et nous demandons au Seigneur la vigilance et la détermination requises.

Je me disais aussi qu’à travers la pression médiatique actuelle, il se pourrait que le Seigneur veuille purifier son Eglise. Cela passe parfois par l’humiliation. Laissons donc le Seigneur purifier tout ce qu’il y a à purifier en nous.

C’est au cœur de cette actualité que nous vivons la messe chrismale. Dans quelques instants, les prêtres renouvelleront les promesses de leur ordination. Nous le ferons comme chaque année, mais peut-être plus encore cette année, avec gravité. Je voudrais vous redire à tous, chers frères prêtres, ma confiance et la joie que j’ai de vous recevoir comme collaborateurs de la part du Seigneur et de travailler avec vous à la mission. Je voudrais vous redire aussi la reconnaissance du peuple de Dieu – beaucoup de personnes, baptisées ou non, m’en témoignent-  pour votre engagement et votre fidélité.

Votre vocation est un don pour l’Eglise et pour le monde. Si toute la famille souffre de ceux qui le défigurent, cela ne doit pas nous faire oublier tous ce qu’il y a de beau et la très grande majorité qui en vit.  Ainsi, je voudrais ce soir prendre le temps de m’émerveiller  du don que Dieu fait à l’Eglise et au monde par le ministère ordonné.

L’étude attentive de l’Ecriture montre très clairement que le Seigneur Jésus a voulu structurer sacramentellement son Eglise – c’est à dire signifier qu’elle est un don de sa part et que c’est lui qui la fait vivre.  Là est l’origine du ministère ordonné. C’est de l’intimité du Père et du Fils que naît l’Eglise par l’appel des Douze (Jésus appelle les apôtres alors qu’il vient de passer toute la nuit en prière, précise Luc au chapitre 6 de son évangile). C’est de l’intimité du Père et du Fils que naît le ministère ordonné. Ainsi, tout prêtre ne devient tel que par l’appel du Seigneur et le don de Dieu. Aucun d’entre nous ne peut prétendre à quelque mérite et s’étonnera toujours d’avoir été appelé à ce ministère, à ce service. Pourtant, c’est bien le don de Dieu qui l’a appelé là, et se serait être infidèle à ce don que de ne pas l’accueillir, en rendre grâce et demander à l’Esprit saint de le déployer toujours de manière renouvelée au service de ses frères.

On dit aussi du prêtre qu’il est configuré au Christ Pasteur. Parmi les baptisés, certains sont appelés à devenir signe sacramentel du Christ pasteur. De ce Christ, visage de la miséricorde du Père, qui aime ses brebis et donne sa vie pour elle. De ce Christ, engagement de Dieu dans notre chair, qui se fait vivifiant pour tous ceux qu’il rencontre. De ce Christ qui n’a de cesse de chercher la brebis perdue et ne se résigne jamais à ce qu’une seule d’entre elle se perde. La vérité de cela se manifeste tout particulièrement dans les sacrements où le prêtre agit « in personna Christi » – c’est-à-dire en lieu et place du Christ -, par lequel le Christ surgit dans la vie des baptisés, continuant ainsi d’une certaine manière l’incarnation.  Nous sommes ici devant le mystère d’un don d’où ne cesse de naître l’Eglise.

Frères et sœurs, ne faites donc jamais des prêtres des « fonctionnaires de Dieu » ou des « prestataires de sacrements ou d’animation ».  Chers frères prêtres, ne vous laissez jamais enfermer dans de telles postures. Configurés au Christ pasteur, serviteurs du baptême et de l’eucharistie, vous devenez serviteurs du Corps du Christ qu’est l’Eglise. Au ministère de sanctification est ainsi directement lié le ministère de gouvernement et d’enseignement. Célébrant l’édification du corps du Christ – la finalité de l’eucharistie est que nous devenions ce que nous recevons, il n’y en a pas d’autres – le prêtre est appelé à répondre de ce qui fait l’identité de ce corps sous le double aspect de communion et d’évangélisation.

Chers frères prêtres, l’heure est à replonger avec force dans la source du don qui nous a faits prêtres. A y croire vraiment. Je me souviendrai toujours de ce baptisé qui  me disait il y a quelques années : « mais Olivier, est-ce que tu vas croire un jour au don de ton ordination ? Cela n’a rien à voir avec tes mérites, mais vas-tu croire un jour enfin au don que Dieu fait à l’Eglise et au monde par ton ministère, plutôt que de le dissoudre dans une fausse humilité ? » Cela ne cesse de m’impressionner.

Pourtant qui serais-je pour nier le don de Dieu ? Que le Seigneur nous renouvelle dans son appel, le don qu’il nous a fait et le don qu’il fait de nous pour l’Eglise. Et demandons par-dessus tout la grâce de la conversion.

Et vous frères et sœurs, priez pour les prêtres. Ceux qui vous servent. Ceux avec lesquels vous collaborez. Ceux que vous connaissez. Ceux du diocèse. Ceux que vous aimez et ceux que vous aimez moins. Ceux que le Seigneur veut et va nous donner. Aidez-les à être vraiment prêtres selon le cœur de Dieu.  Ils ne peuvent être prêtre sans vous parce qu’ils sont prêtres pour vous. Aucune vocation n’est supérieure à une autre parce qu’elles ont toutes Dieu pour source, mais l’articulation des vocations n’est heureuse que quand chacun habite joyeusement sa propre vocation. Vous nous connaissez. Vous connaissez nos richesses, mais aussi nos limites. Alors,  priez pour notre conversion. Sachez que nous prions pour la vôtre !

On me dit parfois : « vous prenez la défense des prêtres », sous-entendu « contre les laïcs. » Frères et sœurs, quand arrêterons-nous de penser les choses en opposition ou en concurrence ? Il y a là un poison mortifère pour nos communautés.  Oui, avec vous je veux soutenir les prêtres, comme je veux vous soutenir. Un prêtre épanoui  aide les baptisés à vivre à plein leur baptême, il devient serviteur de la miséricorde et de la joie de tous.

Dans quelques instants, les prêtres vont renouveler les promesses de leur ordination. Et ensuite, je bénirai les huiles qui serviront pour la célébration des sacrements. « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction » disait Jésus, qui continuait : «  il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remette en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur ». Bref, faire œuvre de miséricorde. C’est là le cœur et le secret du ministère presbytéral. Que le Seigneur soit béni !

+ OLIVIER LEBORGNE, ÉVÊQUE D’AMIENS

MGR OLIVIER LEBORGNE