Message de Mgr Le Stang pour la journée mémorielle des victimes d’abus dans l’Église

Le dimanche 10 mars : Souviens-toi !

Ne tournons jamais la page !

160000 agressions sexuelles d’enfants en France chaque année. Non pas hier, mais aujourd’hui. C’est le résultat du rapport de la CIVIISE, commission mise en place par la gouvernement, résultat vite mis sous le tapis. 5,5 millions d’adultes de notre pays avancent dans la vie avec cette blessure qui ne se ferme pas. Voyez aussi le monde du cinéma et des arts en général, en attendant celui du sport. Des actrices ou des athlètes courageuses dévoilent une réalité connue de tous et tue par tous, spectateurs et médias compris, qui essaient certes de se rattraper, mais sans mea culpa. Tout cela met en lumière l’immense travail à mener encore dans notre société pour arrêter tout cela : emprises sur les enfants et les jeunes, et agressions dont bien souvent des viols. Quiconque dit de taire le sujet devra en rendre compte devant Dieu. Ce que vous avez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Souviens-toi, fais mémoire, pour préserver ton avenir !

Et dans l’Église, où en est-on ? Pas de leçon de morale à donner, tout le monde connaît le rapport de la CIASE désormais, au moins de nom, rapport qui a fait école ailleurs, du reste, c’est tant mieux. Grâce à une mobilisation de beaucoup de baptisés, ce rapport a été pris au sérieux, repoussant les tentatives de le faire passer par pertes et profits. Citons les deux commissions de justice restaurative, (INIRR et CRR), une nouveauté en France, qui prennent au sérieux les victimes (y compris d’abuseurs décédés), les accompagnant sur leur chemin de relèvement. Citons les groupes de travail sur les préconisations de la CIASE dont les propositions sont peu à peu intégrées dans la vie des diocèses. 150 prêtres de la Province de Reims viennent de vivre une belle semaine sur le sacrement de pardon, intégrant dans cette formation la prise en compte des abus. Citons enfin le lent travail d’éducation, de prévention, de protections des enfants, de dépassement des stratégies d’évitement mises en place peu à peu dans beaucoup de diocèses, y compris le nôtre. Beaucoup de paroisses ont à s’y mettre encore. Cela devra être fait dans les mois à venir.

Tout cela est encourageant. Il y a des résistances, parfois réflexes, parfois volontaires, y compris d’acteurs ecclésiaux, ne le cachons pas. Le sujet fait peur à certains. Nous savons tous que dans notre entourage proche, des personnes portent en elle la plaie vive d’une agression. L’Église n’a pas à craindre pour elle-même. Elle est composée de pécheurs depuis les origines. Mais Jésus lui a donné sa confiance dès le début. Plus elle se libèrera de son péché, plus elle affrontera la réalité des abus, – non comme une histoire passée mais actuelle -, plus elle sera exemplaire, plus elle sera belle, attirante, aimée et respectée.

Aussi ce dimanche, en famille, en paroisse ou à la cathédrale, prenez le temps de la mémoire et de la prière, le temps de la prise de responsabilité et peut-être de la prise de parole, au risque de ne pas être écouté. Autour de vous, des personnes qui dans la solitude, portent en eux ce malheur, vous en seront reconnaissantes. Merci pour elles de ne pas « tourner la page ».

+ Gérard Le Stang.
Évêque d’Amiens.

Temps de prière
Dimanche 10 mars
 16h15
Cathédrale Notre Dame d’Amiens