Homélie du 2e dimanche «La Miséricorde du Seigneur, à jamais je la chanterai »

2ème Dimanche de Pâques Année A

Homélie du Père Louis-Pasteur

Textes : Actes des Apôtres 2, 42-47 ; Psaume 117 (118) ; 1ère Lettre de Pierre 1, 3-9 ; Jean 20, 19-31

 

«La Miséricorde du Seigneur, à jamais je la chanterai » (Psaume 89, 1)

Un restaurant gastronomique de la place, fermé comme ses pairs dans le cadre des mesures prises pour lutter contre le virus du Covid-19, a proposé ce week-end un menu traiteur pour la « Fête de la Quasimodo en confinement. »

Quasimodo, et l’on pense tout de suite au personnage du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, publié en 1831. Quasimodo, cet enfant de 4 ans, bossu, borgne et boiteux, abandonné sur parvis de Notre-Dame, un dimanche de Quasimodo (d’où son prénom), trouvé et adopté par le curé, qui devient sonneur de cloches et qui rajoute, au palmarès de ses handicaps déjà bien lourds, la surdité.  Quasimodo, cet amoureux d’Esméralda, la danseuse gitane et qui sera condamné sans être entendu après avoir tenté cette dernière.

L’expression quasimodo vient de l’antienne d’ouverture de la messe de ce 2ème dimanche de Pâques inspirée de la 1ère Lettre de Pierre 2, 2 : « Quasi modo geniti infantes : rationabiles, sine dolo concupiscite, alléluia : Comme des enfants nouveau-nés ont soif du lait qui les nourrit, soyez avides du lait pur de la parole, afin qu’il vous fasse grandir pour le salut, alléluia.» Quasimodo, 2ème dimanche de Pâques !

2ème dimanche de Pâques appelé aussi Dominica in Albis, c’est-à-dire le dimanche en blanc ; le dimanche où l’on est tout de blanc vêtu, car les nouveaux baptisés de la nuit de Pâques entraient à la messe vêtus de leurs habits blancs qu’ils portaient depuis leur baptême et les quittaient, alors seulement, pendant la cérémonie…

2ème dimanche de Pâques, officiellement institué «Dimanche de la Divine Miséricorde» par le pape saint Jean-Paul II, le 30 avril 2000. Il répondait ainsi à la demande explicite de Jésus lors d’une apparition à une religieuse, soeur Faustine Kowalska (que le saint pape canonisera le même jour) et faisait de ce dimanche, pour l’Eglise et pour le monde, un temps fort pour redécouvrir et accueillir l’immense Amour de Dieu. «Je ne suis qu’Amour», révélait Jésus à sainte Faustine, lui confiant la mission de rappeler au monde son Amour miséricordieux. Ce jour-là, le saint pape déclarait : « Comme les apôtres autrefois, il est nécessaire que l’humanité d’aujourd’hui accueille, elle aussi, dans le cénacle de l’Histoire, le Christ Ressuscité, qui montre les blessures de sa crucifixion et répète : Paix à vous !».

Et dire que c’était le même message du Sacré-Cœur de Jésus, adressé à sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690), 3 siècles auparavant, à Paray-le-Monial !

La tradition chrétienne a beaucoup développé la théologie et la dévotion autour des 5 plaies ou 5 blessures du Christ. La liturgie nous les fait matérialiser, symboliquement, par les 5 grains d’encens que le prêtre implante dans la Cierge pascal et qu’il dispose en forme de croix. Dans l’évangile de ce dimanche, ce sont les marques de ces plaies et blessures que Jésus montre à ses disciples qu’il retrouve au soir de sa résurrection. Il les montrera à Thomas, l’incrédule, 8 jours plus tard, en lui disant : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » (Jean 20, 27)

Parmi ces plaies ou blessures figure celle de son côté : « Un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. » (Jean 19, 34-35)

Au fait, le verbe « percer » ne traduit pas très justement ce que fit le soldat. Le verbe « ouvrir » sied le mieux. Le soldat ouvre, en effet, le côté de Jésus d’un coup de lance, comme on ouvre une porte d’un tour de clé. Comme on ouvre un robinet, il ouvre le Christ du côté de son cœur, son cœur doux et humble, son cœur plein d’Amour, de Bonté, de Compassion, de Tendresse, de Pardon, de Pitié, et de Miséricorde.

Etymologiquement, la Miséricorde vent du latin Miseri-cordia qui signifie le cœur sensible à la misère. Il s’agit du cœur de Dieu dont Jésus nous révèle, « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur » (Ephésiens 3, 18) de la Miséricorde. Dans la 2ème lecture de ce dimanche, l’apôtre Paul bénit Dieu pour « sa grande miséricorde ». La collecte ou prière d’ouverture dit : « Dieu de miséricorde infinie… » Ce grand cœur de Dieu dont celui de Jésus est le côté visible, palpable, ne supporte pas de nous voir souffrir. Ce cœur bon, comme des entrailles, se noue et se tort de douleur quand la douleur tenaille ses enfants (Dieu), ses frères et ses sœurs (Jésus). Ce cœur, face au péché, au mal, à la souffrance et à la mort se lève, vole au secours, essuie les larmes, étreint, console, réconforte, prends pitié, pardonne, et sauve.

Du côté ouvert du Christ, coulent comme d’un robinet, d’une source, d’un fleuve, de l’eau et du sang. Commentant ce passage de l’Ecriture, saint Jean Chrysostome (1er siècle), dans une catéchèse baptismale affirme : « Cette eau était le symbole du baptême, et le sang, celui des mystères. Or, l’Eglise est née de ces deux sacrements : par le bain de la renaissance et de la rénovation dans l’Esprit. Or les signes du baptême et les mystères sont issus du côté. Par conséquent, le Christ a formé l’Eglise à partir de son côté, comme il a formé Eve à partir du côté d’Adam. »

Le pape François n’a de cesse d’insister auprès des évêques, prêtres, religieux (ses) mais des fidèles laïcs pour que chacun pour sa part fasse en sorte que l’Église soit ce havre de paix, cet auberge de campagne, cet espace et ce lieu de la Miséricorde, pour toutes celles et tous ceux qui frappent à sa porte. Il nous invite, tous, à abattre « les murailles qui avaient trop longtemps enfermé l’Eglise comme dans une citadelle » (Pape François, Bulle d’Indiction du Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, Visage de la Miséricorde, le 11 avril 2015, n° 3)

« Dans nos paroisses, les communautés, les associations et les mouvements, en bref, là où il y a des chrétiens, quiconque doit pouvoir trouver une oasis de miséricorde. » (Idem n° 12)

Dimanche de la Divine Miséricorde : le célébrer, le fêter, c’est s’engager dans un double mouvement, c’est graviter autour d’une double articulation : invoquer et recevoir la miséricorde du Père, mais aussi, en retour, devenir miséricordieux vis-à-vis de ses frères et sœurs, comme le Père est miséricordieux vis-à-vis de moi.

« La miséricorde est le pilier qui soutient la vie de l’Eglise. Dans son action pastorale, tout devrait être enveloppé de la tendresse par laquelle on s’adresse aux croyants. Dans son annonce et le témoignage qu’elle donne face au monde, rien ne peut être privé de miséricorde. La crédibilité de l’Eglise passe par le chemin de l’amour miséricordieux et de la compassion. » (Ibidem, n° 10)

Nous savons donc dans quel sens il nous faudra aller, quand sonnera l’heure du déconfinement et que, les chemins de nos églises et le rythme de nos réunions, joyeusement, nous retrouverons !

« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » (Luc 6, 36)

Chant : Je chanterai les miséricordes du Seigneur (Psaume 89, 1) / Misericordias Domini

https://youtu.be/52ME9TeV_DA