Homélie à Corbie – Dimanche 1er octobre 2023

Homélie à Corbie lors de l’installation de l’équipe des prêtres.

Frères et sœurs

Des paroisses Saint-Martin, Sainte Colette et Notre-Dame d’Espérance,

De ce secteur des trois vallées.

Un universitaire de Budapest (Hongrie), passant à Amiens, me disait récemment qu’il n’en revenait pas d’être si proche de Corbie, l’abbaye de grands théologiens comme Ratramne ou Paschase Radbert. Je lui ai parlé aussi des grands missionnaires partis évangéliser le Nord de l’Europe, comme Adalard et Anschaire et bien sûr de Sainte Colette, réformatrice des clarisses. La vie de ces hommes et femmes a été un OUI au Seigneur, au-delà, dépassant leur réticences. Seigneur, je ne veux pas… avant de se repentir et d’y aller.

Se repentir. Vous savez sans doute, vous qui êtes cultivés, ce qu’est un repentir en peinture. Le peintre apporte par là une modification à son œuvre. Le repentir n’est pas qu’une retouche superficielle. Il implique un travail important car il modifie en profondeur l’œuvre initiale. L’Évangile de ce jour est un appel à vivre ces « repentir » dans notre vie, à chaque fois que nécessaire. Le repentir de ceux qui, à l’écoute de la parole de Dieu, se laissent changer par Dieu. Une personne me racontait son expérience de pardon envers une personnes qui l’avait beaucoup blessée : « Je lui en ai tellement voulu. Jamais je ne pardonnerai ! Pensais-je. Mais vivre dans la colère et le désir de vengeance m’a fatiguée. Il est plus fatiguant de haïr que d’aimer. Je me suis repenti. J’ai pardonné. Je lui ai écrit, et même si je reste à distance, mon cœur est en paix. ».

Le goutte-à-goutte de l’Évangile finit par creuser le plus dur des cœurs de pierre, celui qui ne se laisse plus toucher, qui refuse de s’ouvrir à Dieu ou d’aimer les autres. Quel étonnement de voir Jésus avoir plus d’estime pour les publicains et les prostitués qui font l’expérience du repentir, que pour ses frères de religion, prêtres et anciens, têtus qui disent « Oui, Seigneur » mais ne vont pas à la vigne. Jésus se met à dos bien des gens en disant cela. Mais telle est sa mission : il attend de nous tous, un OUI loyal, droit, sincère, engagé, sérieux, du fond de notre être, un OUI à l’appel qu’il nous adresse pour être ses amis. Ce OUI, nous sommes tous appelés à le prononcer, en passant par autant de repentir que nécessaire. Un jour il sera un total abandon dans les mains du Seigneur et nous remplira d’une intense charité envers tous.

Certains d’entre vous ont prononcé ce OUI sans trop savoir où il les conduirait. Je pense aujourd’hui aux prêtres qui reçoivent la mission d’être au milieu de vous. Je cite d’abord le P. Dominique Guyot. Vous le connaissez, il a déjà été longtemps parmi vous. Après avoir été longtemps professeur de mathématiques puis ordonné prêtre, il a accepté, tout en étant officiellement en retraite désormais, d’être, un an, administrateur des paroisses du secteur. Un an. Administrateur paroissial ? Le droit de l’Église dit :

Can. 539 – Quand la paroisse est vacante ou quand le curé est empêché d’exercer sa charge pastorale dans sa paroisse pour raison d’emprisonnement, d’exil ou de relégation, d’incapacité ou de maladie ou pour toute autre cause, l’Évêque diocésain désignera le plus tôt possible un administrateur paroissial, c’est-à-dire un prêtre qui remplacera le curé, selon le can. 540 Can. 540 – § 1. L’administrateur paroissial est soumis aux mêmes devoirs et jouit des mêmes droits que le curé, à moins que l’Évêque diocésain n’en ait décidé autrement. § 2. L’administrateur paroissial ne peut rien faire qui puisse porter préjudice aux droits du curé ou être dommageable aux biens paroissiaux. § 3. À l’expiration de sa charge, l’administrateur paroissial rendra compte au curé.

Bref, il est le responsable de la paroisse. C’est lui qui prend les décisions importantes. Il a l’autorité du curé pour toutes les décisions à prendre, tout en préparant l’accueil du futur curé. le père Dominique Guyot habite Bernaville. Entre distance et proximité, il veillera aux trois paroisses avec la rigueur du matheux et la charité du pasteur qu’on lui connaît.

En étant un peu à distance, il permet au Père Paul Sawadogo de bien prendre sa place parmi vous. C’est pour lui une année d’intégration en France et dans notre diocèse, une année où tous les « repentir » lui sont permis. Le OUI au Seigneur du Père Paul est déjà ancien. Il est du diocèse de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, une belle église, proche des gens et donnant beaucoup de places aux laïcs, marquée par son fameux évêque, Mgr Anselme Sanon. Il a servi comme missionnaire, notamment au Niger, près de 10 ans. Chez vous, il est vicaire, tout en étant le plus présent des prêtres et habitant à Corbie. Il a été curé (cela se voit à son autorité naturelle), mais accepte de travailler en concertation avec l’administrateur et avec vous, pour que cette année soit la plus fructueuse possible.

Vous pourrez compter aussi sur le soutien du P. Dominique-Marie Dupré, qui continuera d’être présent, même si, officiellement, il est aussi en retraite ! Les prêtres prennent, de fait, leur retraite au sens où ils n’ont plus de responsabilité et ont droit au repos ; mais ils restent prêtres et continuent de servir le peuple de Dieu par la prière et un ministère adapté. Vous continuerez à accueillir aussi, cela va sans dire, le P. Jacques Maille, bon pied bon œil à 98 ans !

Merci à vous trois, chers frères prêtres, pour votre OUI au Seigneur, un OUI qui est venu ou revenu, peut-être plus intensément, après les « repentir » de nos vies, le OUI de votre ordination qui porte tant de fruits dans notre Église. J’ai demandé au cours de cette année à Hubert Brandicourt, diacre, de vous seconder. Lui aussi est en retraite professionnelle (décidément !), mais il a accepté d’être délégué diocésain au diaconat et d’apporter du conseil et du soutien auprès des prêtres, avec le soutien des autres diacres Marc et Bruno. Il n’y a pas d’équipe de conduite pastorale (ECP) cette année. Le groupe qui entourait Jean-Marc Boissard pourra bien sûr continuer à apporter conseil et services. L’ECP sera composée à l’arrivée du nouveau curé. En attendant, à chacun de mettre la main à la pâte et servir, de bon cœur, le Seigneur et son Église, voire en prenant même de nouveaux engagements. Les besoins ne manquent pas, j’en suis sûr. La moisson est abondante…

Pour vivre cela, il faut entre vous, à l’égard des prêtres et des diacres, beaucoup de douceur et de compréhension, de fraternité et d’amitié, de patience et de miséricorde. Ce ne sont pas que des mots. L’organisation d’une communauté est une chose, plus ou moins réussie. La communion dans la foi et dans la charité en est une autre, qui est à vivre en toutes circonstances. Elle dépend de nous, avec la grâce de Dieu. Elle requiert des « repentir » fréquents, que nous pouvons vivre sans honte. La façon la plus efficace de le vivre est de garder les yeux fixés sur Jésus. Nous avons lu cette magnifique lecture de la lettre aux Philippiens (cap 2) : Paul exhorte la communauté chrétienne de Philippes (pas plus nombreuse que la vôtre) à vivre dans l’encouragement mutuel, la communion dans l’Esprit, la tendresse et la compassion… à l’image de Jésus dont il déploie le parcours dans cet hymne extraordinaire.

Comptez aussi sur moi, frères et sœurs, pour être attentifs à ce que vous vivez. Et ensemble portons-nous les uns les autres dans la prière, et notamment dans la gratitude car cette année, chacun pourra avoir accès aux sacrements et entendre la parole de Jésus, en communauté chrétienne. L’aventure spirituelle continue à Corbie où plane encore les bonnes vibrations de Sainte Colette, de tant de saints moines, et de tant de générations de chrétiens qui ont fait ici fleurir l’Évangile. Que le nom du Seigneur soit béni. Amen.