Homélie de Mgr Leborgne pour la Veillée Pascale

Etes-vous prêts au combat ? Nous célébrons ce soir la mort et résurrection du Seigneur, le cœur de notre foi, l’explosion de l’amour gratuit, l’énergie nucléaire de l’amour offerte à tous, et alors que nous sommes dans la louange et l’action de grâce, je ne peux que vous poser cette question : êtes-vous prêts pour le combat ?

Vous qui allez être baptisés, vous allez être plongés dans la mort et la résurrection du Christ. Comment ne pas jubiler ? Vous l’attendez ce moment. Chacun à votre manière, et par un chemin unique parce que vous êtes uniques aux yeux de Dieu, vous avez déjà une expérience vive du Christ. Vous rejoignez la communauté des baptisés. Eux aussi ont une expérience du Christ, vive ou un peu endormie, passionnée ou discrète, liée à l’éducation et jamais remise en cause – et pourquoi pas, quel cadeau ! – ou re née dans une expérience foudroyante. Cette communauté est par nature une communauté de combat. C’est peut-être de l’avoir oublié qui a mené l’Eglise dans le précipice dans lequel elle est tombée ces dernières décennies, avec les scandales que nous connaissons.

Le Christ n’est pas le coach d’un soft développement personnel. Ce qui pensent que croire est facile ne savent pas plus le don qui nous est fait à travers la foi que le chemin sur lequel cela nous entraîne. Le Christ n’est pas non plus la bulle affective d’une communauté repliée sur elle-même. Le baptême est une réalité de combat. Je voudrais ici en évoquer deux aspects.

Premier aspect. Il s’agit d’abord de choisir le Christ. De le choisir résolument. Il vous a choisi. Le choisissez-vous ? Pour le choisir à l’horizon de toujours, il faut décider de le rechoisir chaque jour. Et ce n’est pas si simple. De le choisir contre toutes les idoles. Si Jésus nous demande un tel choix absolu et radical – jusqu’aux racines – ce n’est pas pour lui, mais pour vous. C’est parce que toute autre choix nous abîme, nous dévitalise et nous défigure. Choisir le Christ, c’est confesser que lui seul est sauveur. Le baptême ne pourra pas déployer toutes ses promesses si vous ne faites pas ce choix radical pour Jésus, c’est-à-dire aussi contre tout ésotérisme ou autre idolâtrie, qu’elle s’accroche à nous, directement sournoisement, par nos inquiétudes ou nos peurs, par l’amour de l’argent, du pouvoir, ou de toute autre aliénation.

Deuxième aspect du combat. « Si donc le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts » nous disait Saint Paul.

Le baptême nous introduit dans une vie nouvelle. Celle-ci nait de notre participation dès maintenant à la résurrection de Jésus. Mais nous ne pouvons le vivre sans être unis à sa mort. Et cela pour deux raisons. D’abord, Jésus vient faire mourir en nous ce qui nous fait mourir – le péché -, il vient mener en nous ce combat contre ce qui nous empêche de croire à l’amour inconditionnel de Dieu, et de l’accueillir. Ce combat est le plus difficile. Il n’est jamais terminé. La violence de notre monde et nos propres blessures voudraient plutôt nous dire que nous n’avons au mieux que la valeur de notre utilité. Dieu nous aime parce que c’est nous. Un point c’est tout. C’est un combat énorme que d’y consentir. Pourtant, c’est ce seul combat qui nous permettra d’avancer.

Car si nous nous laissons aimer, deuxième raison pour laquelle le baptême de Jésus nous associe à sa mort, nous pourrons alors avec lui prendre le chemin de sa croix, le chemin du don, du don qui ne se dérobe pas quand tout se dérobe, du chemin de l’amour jusqu’au bout. Ce chemin est le seul qui rend heureux, parce qu’avec Jésus, il est chemin de résurrection.

Chers Aurèle, Diana, Tuan – Jean Baptiste, Eléonore, Dieudonné, Essoé Abraham, Véronique, Pauline, Paul et Farida-Marie, vous allez être baptisés. Joie ! Vous êtes ce cadeau de Dieu fait à l’Eglise et au monde. Dans le feu de l’Esprit, vous venez nous rappeler que nous ne recevons pas le baptême que pour nous-mêmes. En effet, quiconque reçoit le baptême le reçoit toujours pour le monde. Il le reçoit pour, uni au Christ et à ses frères, aimer à temps et à contre temps dans un monde qui à force de ne plus savoir ce que c’est qu’aimer ne croit plus à l’amour – la crise sociale que nous traversons le manifeste.

Ici, une précision s’impose : le combat spirituel qu’est la vie chrétienne est aussi alimenté par le Malin qui ne peut jamais se réjouir de voir des baptiser vivre au sérieux leur baptême, choisir le Christ et avec lui la vie. Il n’aura de cesse de venir vous faire douter, relativiser, hésiter, appuyer sur vos faiblesses, murmurer …

Dans le récit de la traversée de la mer rouge par le peuple hébreu, nous entendions ces paroles : « En ce jour-là, le Seigneur dit à Moïse : pourquoi crier vers moi ? Ordonne aux fils d’Israël de se mettre en route ! » Le baptême nous met tous en route. Sur les chemins de Dieu, au cœur de ce monde. Alors, frères et sœurs, nous allons ce soir accepter de nous laisser bouger et bousculer. Entendez-vous l’injonction du Seigneur : « En route ! » ?

Mais n’ayez pas peur. Cette route est exigeante, bien-sûr. Ce serait mentir que de dire le contraire. Mais elle est vivifiante, combien plus. Elle est joie. Et joie profonde (méfiez-vous de ces fausses tranquillités, de ces conforts qui ne font qu’étouffer la joie). Car ce combat, en fait, n’est pas notre combat. Il est celui de Jésus. C’est Dieu lui-même qui combat en nous et avec nous. « Fuyons devant Israël, disaient ceux qui poursuivaient les hébreux, car c’est le Seigneur qui combat pour eux contre nous. » Ce combat n’est pas ton combat. Je viens combattre en toi pour la vie contre la mort, pour l’amour contre la haine, pour l’espérance contre le désespoir, pour la joie contre la tristesse, pour la fraternité contre la « mondialisation de l’indifférence ». Avec toi, je veux mener ce combat au cœur de ce monde qui crève de ne pas savoir que je combats de toute éternité pour lui. Notre « arme », c’est la résurrection du Christ, c’est le Ressuscité lui-même que l’Esprit Saint vient faire vivre en nous.

Alors, frères et sœurs, avec ceux qui vont maintenant être baptisés, pour notre joie et pour la joie du monde, entrons dans le combat de Dieu.

Que le Seigneur soit béni ! Christ est ressuscité ! il est vraiment ressuscité, alléluia !