Homélie de Mgr Le Stang – Confirmation à Notre Dame de Brebières Albert

Chers amis, 

La Parole de Dieu nous aide à comprendre notre mission de chrétiens baptisés et confirmés à partir d’un exemple simple. Dans les temps bibliques, la lèpre était une réalité fréquente, qui abîmait énormément les gens, sans possibilité de traitement et très contagieuse, notamment par contact. Pensez aujourd’hui : quand des gens disent : « j’ai la grippe » … et s’entendent dire : « alors garde-là pour toi » (et s’éloignent sans aucune compassion). Sympa ! Dans les 50 dernières années, on a vu des réactions populaires très hostiles à des gens malades du SIDA, ou plus récemment, des gens malades du COVID, motivées par la simple et compréhensible crainte de ne pas l’attraper soi-même. Qu’auraient-ils fait ou dit en face d’un lépreux ? La même chose. La première lecture nous montre l’isolement social auquel ils étaient forcés, confinement et bannissement, aggravé par la croyance que leur maladie était liée à un péché. Qu’ai-je fait au bon Dieu pour être ainsi ? Je ne sais pas mais surement quelque chose de mal ! La croyance en une justice immanente vous plaçait du côté de la malédiction plutôt que de la bénédiction. 

Devenir chrétien, c’est toujours se demander : qu’aurait fait Jésus dans la situation que je vis ? Non pas forcément pour faire la même chose que lui, mais pour avoir une indication. On peut regarder ce qu’il fait avec le lépreux : il l’entend sans le repousser, il est pris de compassion, il fait un geste de bénédiction (et non de malédiction), il le touche, et lui dit une parole de consolation : tu n’es pas impur. Dieu te veut pur et te dit que tu l’es. Le signe de la guérison physique est immédiat, mais est second, il vient après tout un processus où la personne est accueillie, écoutée, comprise, relevée…   de sorte qu’elle devient témoin de Jésus, même si celui-ci préfère que ça reste discret.  

Cela nous dit certainement la confiance que nous devons avoir en Jésus. Quand tu te tournes vers lui, il est toujours prêt à te donner son Esprit Saint, esprit de consolation, de compassion, de bénédiction, Esprit qui te fait comprendre que Dieu t’entend, qu’il est proche, qu’il veut t’aider à te rapprocher de lui, même quand tu as commis un péché qui te condamne et offense Dieu, même quand tu sens que ta vie est une galère ou marquée par une souffrance sans fin. 

Mais cela nous enseigne aussi, comme dit saint Paul, que nous pouvons tout vivre en le faisant pour la gloire de Dieu. Il y a encore des lépreux contagieux dans le monde, mais pas à Albert et il y a des traitements pour cette lèpre. Mais il y a d’autres personnes autour de nous qui sont rejetées pour des raisons diverses : dans nos familles à la suite de conflits, dans vos écoles parce que tel enfant ou tel jeune est un peu bizarre (au point qu’il peut être harcelé par d’autres), ou dans la société, tant de gens sont repoussés, par la simple crainte qu’on ne veut pas être comme eux. Une amie atteinte d’un cancer m’a raconté comment elle avait perdu plusieurs de ses amies durant sa maladie. Une maladie qui fait peur et pourtant pas contagieuse. Mais son traitement lui avait fait perdre ses cheveux, et cela effrayait certaines de ses amies, qui ne pouvaient plus venir la voir ou même lui donner des signes d’amitié. On peut croire que c’est fou et que ce n’est pas vrai, et pourtant cela est authentique. Il y a des situation où il faut être prudents, mais dans toute situation, on peut se demander : à quoi me pousse l’Esprit reçu à ma confirmation, qui agit en moi aujourd’hui ? 

« Ainsi, dit saint Paul, je tâche de m’adapter à tout le monde, sans chercher mon intérêt personnel, mais celui de la multitude, pour qu’ils soient sauvés ». La foi chrétienne nous décentre de nous-mêmes, et c’est un chemin de joie. Elle nous décentre : souvent nous avons tendance à ne voir que notre propre intérêt et à vouloir que les autres soient à notre service, ou qu’on profite d’eux pour notre bien et non pour leur bien. La foi chrétienne, qui est don du Saint Esprit, nous pousse à la charité : vouloir le bien des autres comme un chemin de joie. Dans notre époque, où peu de gens, et même des jeunes, ne s’engagent plus pour les autres, être chrétien et agir ainsi devient une exception. Mais ce n’est grave, c’est même un motif de fierté d’être une exception. Je ne fais pas comme tout le monde, je ne suis pas un mouton de panurge : j’agis en fidélité à ma foi, et c’est cela qui compte. Et ma foi me demande de ne pas chercher d’abord mon intérêt mais le bien commun, et le bien de chacun, car toute personne a du prix aux yeux de Dieu, comme ce lépreux de l’Évangile. 

Cela peut m’attirer des critiques ou des moqueries, mais souvent c’est la source d’un grand respect. Si tu prends la route à la suite du Christ, cela est vrai, ce ne sera pas qu’un chemin de confort. Il y a toujours la croix à un moment ou un autre. Jésus dit :  » prends ta croix et suis-moi. » Mais il y a aussi le respect devant le témoignage que tu donnes. Tu peux aider des gens à découvrir le Christ et son évangile par ton témoignage d’écoute, de compassion, les gestes que tu fais, les paroles que tu prononces… comme Jésus et habité par son Esprit Saint. « De partout, on venait à lui » dit la fin de l’Évangile. Grâce à nous tous, et en particulier à vous les confirmés de ce jour, de partout, des gens peuvent venir à Jésus, parce que vous aurez laissé le champ libre à l’Esprit Saint dans votre vie.  

Comme évêque du diocèse, je compte beaucoup sur vous. Vous êtes la jeune Église de Jésus. Nourrissez-vous par la prière, la messe, le sacrement du pardon et la lecture de la Parole de Dieu. Fréquentez l’Église, ses prêtres, ses sœurs, et prenez votre part de sa vie. Demandez-vous à quoi Dieu vous appelle. En un mot, ne laissez pas Dieu à la marge de votre vie, mettez-le au cœur de votre vie. Vous ne serez jamais déçus. Amen.  

 + Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens