Homélie de la messe de la Nativité

Chers frères et sœurs,  

Le temps de l’Avent nous enseigne une dimension essentielle de la vie chrétienne : être des hommes et femmes de désir sacré et d’attente sainte. Être des veilleurs. La fête de Noël, elle, met en lumière une autre dimension : récompensés d’avoir veillés, d’avoir été des guetteurs de l’aube, jaillit de nos cœurs le désir de proclamer la Bonne Nouvelle. « Écoutez la voix des guetteurs » proclame le prophète Isaïe. Les guetteurs de l’aube voient le Seigneur ! Ils ne sont plus dans l’attente, mais dans la vision. Saint Jean l’écrira : Bien aimés, ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. Tous les convertis, – et ils sont nombreux en notre temps- le disent : « Je n’ai pas attendu en vain. Je ne savais pas bien ce que j’attendais mais tout s’est éclairé dans la rencontre personnelle avec le Christ ». Et comme les guetteurs dont parle Isaïe, ces convertis éclatent en cris de joie. Par la venue du Fils de Dieu en ce monde, l’annonce joyeuse des guetteurs devient celle des chrétiens, qui font d’une manière ou d’une autre la rencontre personnelle avec le Christ. Ils sont éblouis par le mystère de sa personne, grain de blé tombé en terre pour porter le fruit d’un Peuple Sauvé et sanctifié par Dieu, le fruit que nous sommes.  

Un jour du temps, Dieu s’est fait homme. Il a été ce grain de blé tombé en terre dans la froidure de l’hiver, ce grain de blé consentant à mourir pour redonner son intégrité aux hommes pécheurs et restaurer en eux l’ouverture à la vie éternelle. Notre foi est née de cette naissance et de toutes les étapes de la vie de Jésus. L’Esprit Saint montre comment chacune des étapes de la vie, chacun des mystères de sa vie comme on le disait autrefois, est une étape indispensable du salut du monde.  

L’étape de la naissance du Sauveur, dans la discrétion de Bethléem est un moment clé. Il y a dans notre diocèse des sœurs membres d’une congrégation appelée « les sœurs de l’enfant Jésus », et une autre congrégation appelée « sœurs de la Sainte Famille ». Des femmes ont voulu ainsi donner leur vie à Dieu et le font encore, en se référant à ce mystère d’enfance et de famille sainte. Puisque Dieu s’est fait enfant, dévouons-nous pour les enfants. Puisque Dieu a voulu naître au sein d’une famille humaine rejetée de la vie commune, essayons de faire famille avec ceux qui n’en n’ont pas, et d’être nous-mêmes la famille de Jésus, ses sœurs. Le mystère de la naissance de Jésus est ainsi inépuisable, et source de magnifiques inspirations, à commencer par celle des crèches de Noël qui depuis plus de 800 ans, dans l’esprit de Saint François d’Assise, nous aident à aller plus avant dans la compréhension de l’Incarnation. 

Ce mot Incarnation peut nous paraître un peu étrange. Il décrit ce qu’annonce Saint Jean : Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. (…) Dieu personne ne l’a jamais vu ? le Fils unique, lui qui est Dieu, nous l’a fait connaître. Le Verbe, c’est-à-dire la Parole de Dieu. La Parole c’est ce qui donne sens et vie. Au commencement, Dieu dit. Il créa par sa Parole. Par sa Parole, tout fait sens, tout s’éclaire. Pensez au premiers mots prononcés par le petit enfant : quel bonheur pour ses parents. Les mots de Jésus sur les chemins de Palestine, nous les connaissons : lève-toi et marche, je le veux sois purifié, tes péchés sont pardonnés, suis-moi et tant d’autres mots qui font vivre. Ils sont prononcés par Celui qui est le mot, la Parole, le Verbe fait chair. Aimez-vous écrire ? Par exemple, une petite carte de vœux à des gens que vous aimez. Vous cherchez le mot juste, la parole qui touchera le cœur. Êtes-vous poète ? Vous cherchez le mot qui dit la vie, une vie vraie qui ne se paie pas de mots justement, mais qui exprime le fond de l’être et sa beauté. Dieu est le grand écrivain, le poète absolu : il écrit le mot juste au fond de nos cœurs, il prononce la Parole par lequel nous l’adorons : Jésus, mon Sauveur et mon Dieu. Le Verbe s’est fait chair. Il y a enfin une Parole qui concentre en elle-même toute la vérité du monde, toute sa quête de sens, toute sa soif d’espérance. Cette Parole, c’est Jésus dont le nom signifie Dieu sauve. Cette Parole est une source.  

 La lecture de la lettre aux hébreux a ce magnifique commencement qui coule, de fait, à nos oreilles comme une source : A bien des reprises et de bien des manières, Dieu dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais en ces jours qui sont les derniers, il nous a parlé par son Fils. Depuis la venue de Jésus, les jours que nous vivons sont les derniers : plus rien n’est comme avant, même si l’histoire des hommes n’en a pas fini avec ses soubresauts. Dès le commencement, j’annonce la fin, disait encore le prophète Isaïe et depuis longtemps, ce qui n’est pas accompli et je dis : « Mon projet tiendra ; tout mon désir, je l’accomplirai. (Isaïe 46, 10). La fin nous est connue : c’est la résurrection de Jésus, l’entrée dans la vie éternelle et le bonheur de la communion des saints. Le projet de Dieu s’accomplit pour nous. Il fallait un nouveau commencement à notre humanité, l’Incarnation du Verbe de Dieu, porche d’entrée qui nous rend à la vie, et nous donne de ne pas désespérer de l’humanité.  

Permettez-moi, frères et sœurs, de conclure en priant avec Sainte Colette de Corbie, cette femme née en notre diocèse qui a réformé l’ordre des clarisses, et qui nous redit que la foi en l’incarnation peut devenir pour chacun de nous une histoire de sainteté. Prions avec la recluse de Corbie :  

 

Sois béni Seigneur, pour cette heure unique dans l’histoire, 
Qui a vu naître ton Fils Jésus, vrai Dieu et vrai homme.
Sois béni, Seigneur, pour ton Esprit créateur
Qui l’a engendré dans le sien de la Vierge Marie.
Sois béni, Seigneur, pour la glorieuse Vierge Marie
Qui a donné chair à ton Fils jésus, vrai Dieu et vrai homme.
Seigneur par l’intercession de la Vierge Marie
Et en Mémoire de cette Heure sainte qui a vu naître ton Fils,
Exauce ma prière et accomplis mon désir de vrai bonheur.
Ô Jésus-Christ notre Sauveur, source de la foi et de toute tendresse,
Pour la gloire de ton nom, comble mon désir du Souverain Bien. Amen. 

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens