Retour des JMJ – Dimanche 26 novembre – Eglise Saint Leu

Frères et sœurs 

Jésus aurait pu être un bon organisateur de JMJ. Le début de sa parabole, en effet, en Matthieu 25, est racontée par quelqu’un qui semble s’y connaître en logistique et gestion des foules. Il aurait pu, par exemple, raconter ceci 2000 ans après cet évangile, à peu près dans les mêmes termes : « Quand le Pape François arrivera au JMJ, avec sa suite, alors il siègera sur son trône (ou son fauteuil roulant). Toutes les nations seront rassemblées devant lui. Il séparera les hommes les uns des autres…Alors là, reconnaissons que la comparaison devient dangereuse : Qui étaient les chèvres ? qui étaient les boucs ? Il y en avait certes, vu que ça sentait très souvent le bouc, durant ces JMJ. Mais, quant à les identifier puis à les séparer des chèvres, une armée d’évêques n’y serait pas parvenue ! 

Trêve de plaisanterie : le sujet est ici sérieux car Jésus raconte ici, sous forme de parabole, le jugement dernier, auquel nous paraîtrons tous, et pas seulement les heureux élus de Lisbonne. Vous connaissez bien cette parabole et peut-être vous empêche-t-elle de dormir de temps en temps : puisque nous serons jugés, en effet, sur notre amour réel des affamés, des étrangers, des dénudés, des malades et des prisonniers, à qui Jésus, notre Seigneur et notre Roi, s’identifie, on peut s’interroger : est-ce que je vis – ne serait-ce qu’un peu -, ce à quoi Dieu m’appelle ? Il faudrait que je m’y mettre… sans manquer de nous rappeler l’adage redoutable disant que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».  

Mais ne nous énervons pas. Procédons avec ordre. Pour reconnaître Jésus, sentir que c’est lui qui me parle, se révèle et me rend heureux à travers les pauvres, on peut faire un chemin préalable pour faciliter cette identification. Il faut commencer par suivre Jésus dans les 24 chapitres qui précèdent ce chapitre 25 de Matthieu, pour ensuite savoir et vouloir mourir et ressusciter avec lui, puis être envoyé par Lui en mission, dans les chapitres 25 à 28. Connaître Jésus au long de ces 24 chapitres, c’est prendre le chemin du disciple. Se mettre à l’école de Jésus. Écouter ses actes et son enseignement, en essayant de l’appliquer peu à peu dans notre vie. Capter les sentiments de Jésus, ses réactions et essayer de les faire nôtres, avec sa grâce. Avoir une intimité avec lui : le prier, lui parler, dialoguer avec Lui, le contempler, l’adorer. Devenir un familier de Jésus, un ami. Être heureux aussi d’être de son Église, qu’il a voulue : Jésus n’a pas accompli sa mission seul. Il a voulu l’Église, les sacrements, les prêtres et tous les baptisés, les plus faciles à vivre comme les plus pénibles.  

C’est en se mettant ainsi à l’école de Jésus que nous devenons capables d’entendre, et de désirer même, ses appels à une radicalité de don, un de ces appels radical qu’il lance dans l’Évangile et qui font un peu flipper : « va vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et suis-moi », « si tu ne quittes pas père et mère tu n’es pas digne de moi », « on vous a dit œil pour œil, moi je dis : aimez vos ennemis », « quand tu nourris l’affamé et tu occupes de l’étranger, c’est à moi que tu le fais ». Le genre de mission impossible d’apparence. Pourtant, une relation profonde au Christ nous pousse de l’intérieur à vivre quelque chose de fort à sa suite. Tout ne devient pas forcément réalisable par tous sauf par des fous de Jésus comme Saint François, Mère Téresa ou autre, mais l’abîme de l’amour de Dieu nous appelle à l’abîme du don de notre vie, d’une façon ou d’une autre. C’est ce qui fait de la foi chrétienne un inégalable moteur de transformation du monde.  

Quand tu deviens ami de Jésus, tu sens de plus en plus que l’Évangile, c’est vrai. Ce n’est pas de l’eau tiède. Ce n’est pas un vernis superficiel qui te fait passer pour quelqu’un de spirituel ou de présentable, « un bon catho qui fait les JMJ, c’est bien sur le CV ! ». La foi et l’amour de Dieu sont un feu qui, selon l’intensité de ton accueil, te transforment de l’intérieur et font de toi un vrai disciple. Un disciple qui doit certes assumer de paraître un peu décalé avec le monde ambiant, mais qui accepte ce décalage, et en est même joyeux. Jésus, mon Roi me donne une liberté royale et cette liberté est le plus beau cadeau du monde ! Qu’il règne sur ma vie ! 

Aux JMJ, le Pape François, a dit, – vous vous en souvenez - : tous ont leur place dans l’Eglise ! Todos, todos, todos. Oui, mais voilà : qu’est-ce que tu fais une fois que tu y es ? Est-ce que tu t’installes ou te mets en pèlerinage en chemin avec ce peuple de disciples, ce peuple de saints qui croient dur comme fer à l’Évangile ? A mon avis, pour tout vous dire, s’il y a du monde en enfer, ce sont, je le soupçonne, surtout des baptisés. Pourquoi ? Parce les autres sont excusés. Ils ne connaissaient pas Dieu. Peut-être, certes, ont-ils refusé de croire et d’aimer en toute conscience. Mais nous les baptisés, qui avons l’Évangile entre les mains, qui consommons le Corps et le sang de Jésus, qui avons reçu son Esprit à la confirmation, alors là, oui, nous sommes attendus de pied ferme au jour du jugement : qu’as-tu fait de ton frère ? (Parole biblique). Il y a certes ceux qui ont carrément et explicitement renié leur baptême, certes. Hitler était baptisé, Staline était baptisé… et combien d’autre tyrans ou tortionnaires. Mais il y a la foule des autres, vous et moi, parfois généreux parfois égoïstes, parfois enthousiastes parfois mous… Qu’en sera-t-il lorsque nous paraîtrons devant la miséricorde de Dieu ? Je n’en sais rien mais je sais que Dieu n’est pas mou, son amour est un feu exigeant. Alors, puisque nous recevons cet évangile exigeant en ce jour où nous goûtons la joie d’avoir été au JMJ, que l’élan que nous avons reçu se transforme vraiment, nous convertisse vraiment au Christ qui nous appelle sur cet autel et dans la vie du monde si souvent abîmé dans lequel nous vivons. N’ayons pas peur : il est notre bon berger, juste et miséricordieux, et rien ne peut nous manquer. Amen.  


+Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens