Visite pastorale paroisse St Jean-Baptiste d’Amiens

Frères et sœurs,  

La Parole de Dieu offre de belles indications pour notre vie chrétienne et paroissiale, en ce week-end de visite pastorale de votre évêque. Des indications qui invitent à des chemins de sagesse, de vigilance et d’audace missionnaire. 

Les chemins de sagesse sont ceux dont nous parle la 1ère lecture, tirée du livre des Proverbes. Le texte, parle de la « femme parfaite ». Cela peut faire sourire. Par qui a-t-il inspiré et écrit ? On ne le sait pas bien. Par un mari plein de tendresse qui admire sa femme ? Par un homme célibataire ou veuf qui rêve de la femme qu’il n’a pas (ou plus) ? Ou un homme frustré parce que marié à une femme « imparfaite » !?. C’est, quoiqu’il en soit, un texte très concret, qui illustre la sainteté du quotidien (selon le mot du Pape François). Par exemple : La femme parfaite sait choisir la laine et le lin. Tous n’en sont pas capables ! L’auteur loue les compétences et la délicatesse de sa femme. Je pense au groupe couture de la paroisse. Une activité discrète mais utile. Beaucoup d’entre nous ne pourraient pas en faire partie. Mais celles qui en sont aiment ce service qui les unit dans l’amitié et la foi. Elles peuvent, du reste, espérer rajeunir bientôt car il paraît que couture et tricot reviennent à la mode : dans le bus des JMJ, deux étudiantes s’occupaient ensemble à tricoter je ne sais quel pull pour l’hiver. Des femmes parfaites ! Ce qui est loué dans la Parole de Dieu, c’est au fond le fait mette en œuvre ses talents, ses dons, ses compétences, avec fidélité et tendresse, sous le regard de Dieu et le désir de servir les autres, notamment des pauvres. Ses doigts s’ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main au malheureux. Je pense ici à ce petit groupe d’aide à l’écriture du Secours Catholique qui permet à des personnes de mettre en mots (en poèmes parfois) ce qu’elles vivent. Le texte des Proverbes ouvre ainsi un chemin de Sagesse : chacun peut réfléchir à ce qu’il a reçu, à ce qu’il peut jour après jour, mettre au service des autres, de sa famille, de sa société, des pauvres et de son église. Parfois de petites choses, un service humble qui prend peu de temps, une compétence discrète mais utile. Parfois un talent plus visible, chronophage et passionnant. Je pense, pour la paroisse, aux animateurs liturgiques, aux catéchistes, à ceux qui osent des projets missionnaires ambitieux. Parfois, simplement et ultimement, l’offrande de soi dans la prière. Des « femmes parfaites », peut-être, et pourquoi pas des « hommes parfaits » (à vous d’en tirer le portrait, mesdames) !? Dans tous les cas, homme ou femme, non pas des prodiges irréprochables, mais des baptisés qui prennent logiquement leur part de la mission de l’Église, avec amour et crainte du Seigneur, offrant à tous les talents et dons que Dieu leur a donnés. 

Ce chemin de Sagesse, Saint Paul nous invite (en 2ème lecture) à le vivre en hommes et femmes placés par Dieu sur un chemin de lumière. Vous êtes des fils de la lumière, des fils du jour. Certes, nous ne voyons pas Dieu face à face. Il reste invisible. Mais croire en lui rend la vie lumineuse. Notre foi peut être vécue dans une nuit obscure, il n’en demeure pas moins que notre vie est éclairée par la clarté de l’amour divin. Notre vie a été libérée de la ténèbre. Elle n’est plus insensée, livrée à la solitude ou à l’angoisse du néant. Nous ne crions pas « catastrophe, catastrophe » chaque fois qu’un malheur arrive mais nous nous souvenons que le Seigneur est avec nous, en nous, pour nous, et au-delà de nous. Nous ne sommes plus hommes et femmes de ténèbres, mais une communauté qui veille en demeurant sobre, calme, sans céder aux hystéries et aux angoisses collectives. Les défis ne manquent pas en ce temps : défi de la paix, de l’écologie, de la démographie, de la migration et de la place de l’islam en Europe, défi de l’éducation des jeunes, défi de faire triompher la vérité sur la manipulation de l’information, défi de la justice et de la compassion en faveur des plus pauvres, et défi d’avenir pour notre Église souvent peu entendue. Ce sont des défis, et non des motifs d’épouvante. Le chrétien les affronte, un jour après l’autre, avec sobriété et confiance, sûr que le Christ est avec lui tous les jours jusqu’à la fin du monde. Cette sérénité chrétienne n’est pas gagnée d’avance. Elle suppose de faire de nos vies et de nos paroisses des lieux de prière, de discernement, de vigilance, d’attention mutuelle, de communion, pour ne pas céder aux peurs, aux violences et aux injonctions du monde. Elle appelle à creuser une intériorité d’hommes et de femmes de foi, qui rend libres et robustes, capables de rendre compte de l’espérance qui est en eux.  

Voilà qui nous conduit à l’Évangile de ce jour. Le cœur en est la rencontre d’un maître et de cet homme qui a reçu un talent (i.e une somme considérable) et n’a pas été capable de le faire fructifier. Pourquoi ? Par peur. J’ai eu peur et je suis allé cacher ton talent. Cela lui vaut d’être traité de « bon à rien ». On touche ici à la malade grave qui affecte, comme une pandémie, qui fait tant de dégâts en notre temps, parmi les chrétiens : la maladie de la peur, qui nous fait cacher nos talents. Vous le savez, le contraire de la foi n’est pas l’athéisme mais la peur. 

C’est une grosse interpellation pour nous, en ces temps, où l’Église doit relever le défi de la mission. Nous l’entendons suffisamment depuis longtemps : la foi nous rend témoins de ce que nous avons reçu gratuitement. Elle nous pousse donc à oser prendre ensemble des initiatives vraiment missionnaires. Dans le beau film récent « Sacerdoce », un prêtre dit : les gens n’osent pas venir rencontrer du Christ dans nos églises, c’est alors à nous d’aller porter le Christ chez eux !  

Il ne s’agit pas ici de se mettre la pression ou de s’imposer un volontarisme stressant. Il n’y a pas de stress en Dieu ! Laissons-le siphonner ce stress quand il prend trop de place en nous ! Souvenons-nous simplement ensemble que les talents que nous avons reçus, qui peuvent fructifier de manière exponentielles et inépuisables, quelques soient nos âges, nos dons ou nos limites, ces talents sont d’abord la FOI, LA CHARITE et l’ESPERANCE, des talents qui se démultiplient en étant partagés.  

Dieu nous les a confiés pour que nous mesurions la confiance qu’il nous fait et l’amitié qu’il a pour nous. Mon rêve est que toutes les paroisses d’Amiens se mettent ensemble pour faire de notre église en cette métropole, une église missionnaire, heureuse d’annoncer le kérygme de la foi aux pécheurs et aux malades de notre temps. Je souhaite de tout cœur à toute votre paroisse, avec sa nouvelle Équipe de Conduite Pastorale (ECP), d’être, non pas la conservatrice d’un magnifique édifice mais de faire vivre aussi, en ce lieu, une église de Pierres Vivantes, pleine de sagesse, de vigilance et de sobriété, une Église envoyée par le Christ porter au monde la joie d’être fils et filles de lumière. Amen.  

 +Mgr Gérard le Stang
Evêque d’Amiens