Edito: pourquoi célébrer le 11 Novembre ?

Depuis 1922, le 11 novembre est un jour férié commémorant la signature de l’armistice de 1918, la victoire et, par extension, la paix– l’armistice n’étant qu’une suspension des hostilités en vue de négocier celle-ci –, mais faisant aussi et surtout mémoire des morts de la Grande Guerre. C’est pourquoi les cérémonies du souvenir se déroulent devant les monuments aux morts et devant la tombe du soldat inconnu à Paris. Depuis 2012, le 11 novembre est également destiné à « rendre hommage à tous les morts pour la France », civils et militaires, passés et actuels, y compris donc ceux tombés dans les opérations extérieures les plus récentes. À elle seule, cette ouverture justifierait pleinement le maintien de la « fête nationale ». Pour autant, qu’est-ce qui rend aussi toujours importante la célébration de l’armistice, plus d’un siècle après ?

Commémorer les victimes et la fin d’une guerre qui, la première, a eu une dimension totale, globale et mondiale, ne prévient certes pas l’éclatement d’autres conflits – l’histoire le démontre, hélas –, mais participe d’une nécessaire prise de conscience, d’un sens de la responsabilité collective, de citoyens et de croyants, devant les tourments du monde. Comme on ne peut ignorer les problèmes internationaux actuels, on ne peut pas oublier ceux d’un passé pas si ancien. Même si les rapprochements entre hier et aujourd’hui sont un peu faciles, il faut néanmoins rappeler que les conflits russo-ukrainien et israélo-palestiniens tirent une partie de leurs origines des conséquences géopolitiques de 1914-1918.

Il ne s’agit pas non plus, en célébrant le 11 novembre, de se contenter de condamner platoniquement la guerre en tout temps et en tous lieux ou de renvoyer les adversaires dos à dos. D’une certaine manière, commémorer peut s’apparenter à une démarche d’ordre pénitentiel. Dans sa lettre Tertio millenio advente (1994), le pape Jean-Paul II écrivait au sujet des fautes commises par l’Église dans le passé – mais son propos peut s’appliquer aux événements dramatiques de l’histoire européenne comme la Grande Guerre : « reconnaître les fléchissements d’hier est un acte de loyauté et de courage qui nous aide à renforcer notre foi, qui nous fait percevoir les tentations et les difficultés d’aujourd’hui et nous prépare à les affronter ». Commémorer, c’est enfin honorer le sacrifice d’une génération dont nous sommes les descendants et les héritiers et qui nous a permis d’être ce que nous sommes.

Xavier Boniface
Historien