Edito: « La provocation des saints »

La provocation des saints. 

Ce 1er novembre, fête de Toussaint, nous osons proclamer l’Évangile des Béatitudes (en Saint Matthieu). C’est la charte du bonheur chrétien, la synthèse fulgurante de l’enseignement de Jésus, le programme de ceux qui, par le baptême, reçoivent l’appel à la sainteté. Vous et moi. Il y a là quelque chose de fou, non ? A l’heure où tant de maux semblent transir le monde d’une anxiété généralisée, il en est qui ont encore l’audace de se vouloir heureux. Ils s’en trouvent pour avoir le cœur aux Béatitudes :  ils aiment la pauvreté de cœur et la douceur, ils pensent que la paix et la justice sont affaire d’artisans consciencieux et tenaces, ils ne cachent pas leurs larmes, ni leur compassion. Ils se fichent d’être peu nombreux et moqués pour leur foi. Le Royaume des cieux est à eux.  

Sont-ce les chrétiens ? Pas tous hélas. Beaucoup ne sont pas dignes de porter ce nom, aujourd’hui comme hier. Gardons-nous de les juger. Mais oui, tout de même, ce sont des chrétiens, soyons en fiers : envers et contre tout, avec une patience au long cours qui se patine en espérance, ils osent proclamer l’Évangile du bonheur. Plus souvent qu’on ne le pense, ils sont même saints, c’est-à-dire abandonnés entre les mains de Dieu, qui peaufine leur âme au point que leur volonté coïncide avec la sienne. Les saints, prophètes, martyrs ou humbles témoins du quotidien, sont le présent et l’avenir, non de l’Église seulement, mais du monde. 

C’est dans la lumière de cette Toussaint que nous prions pour nos défunts, en visitant les cimetières. Comme j’ai envie de dire à notre société : c’est le jour où un peuple prie pour ses défunts. Respect, SVP ! Tirez le rideau de vos supermarchés, ne démarrez pas vos tracteurs, lâchez ce qui vous prend la tête. Ce jour n’est pas à faire de l’argent ni à faire travailler les gens. Il est au souvenir, à la mémoire familiale, à la consolation, au silence, à la méditation sur la fragilité de nos vies humaines, que la mort vient parfois si vite interrompre. Aurons-nous encore le temps du savoir vivre en apprenant à mourir, en êtres humains civilisés, qui refusent la fuite en avant et accueillent leur destin avec confiance ? Nous avons le cœur aux Béatitudes. Alors, osons y croire, envers et contre tout.  

Belle Espérance de Toussaint !  

+ Mgr Gérard Le Stang
Évêque d’Amiens.