Confirmation à Roye et Mémoire du Père Jacky Marsaux.

Chers confirmands

Vous vous rappellerez, sans doute, longtemps, ce dimanche de votre confirmation, ce jour du don de l’Esprit Saint. Il veut faire de vous, « une héroïne de Dieu ». C’est ce que m’a écrit une d’entre vous. Cette belle image m’a fait bien réfléchir. Elle m’a d’abord fait penser à sainte Jeanne d’Arc, qui donne son nom à une des écoles de Roye : une femme hors du commun, une vraie « héroïne de Dieu ». J’ai pensé aussi à la sœur Bibiane Leclercq, originaire de votre paroisse, martyr d’Algérie, assassinée en 1995 à Alger et béatifiée en 2016. Et puis, à St Antoine Daveluy, martyr de Corée en 1866, ancien curé de Roye avant de devenir missionnaire et évêque en Corée, et d’y mourir comme martyr. De vrais héros et héroïnes de Dieu, proches de nous. Ils nous aident, comme vous l’avez aussi écrit, à « assumer notre foi chrétienne » avec courage et constance.

Devenir « héroïne de Dieu », passe le plus souvent, non pas par des actions extraordinaires – mais par le simple don de soi. Aimer c’est se donner soi-même. Aimer Dieu et ceux avec qui on vit, en élargissant de plus en plus le cercle de ceux que nous aimons, de ceux que nous aidons, de ceux pour qui nous prions. Aimer c’est apprendre à sortir de soi pour comprendre ce que vivent les autres, être vraiment à leur écoute, même lorsque leurs idées ne sont pas les nôtres. Engagés sur cette inexplicable lancée d’un amour généreux, toujours plus ample, parfois dur à vivre, – lorsqu’il s’agit par exemple d’avaler des couleuvres ou de pardonner -, l’Esprit Saint fait grandir en nous le goût de la simplicité. Il nous faits aller à l’essentiel. Souvent, en effet, nous confondons l’essentiel et le secondaire en pensant que celui-ci est bien plus intéressant (et souvent plus lucratif). Les personnages de la parabole de Jésus, qui nous provoque, c’est nous : il y a le banquet des noces du fils du roi. Nous y sommes invités. Qui refuserait une telle invitation ? Déjà, on se bousculait pour aller diner à Versailles avec le roi d’Angleterre Charles III les semaines passées… Diner mondain pour un roi insignifiant. Mais si c’est le Roi du Ciel qui t’invite aux noces du Fils de Dieu, que diras-tu ? Seras-tu comme les invités qui accumulent les fausses bonnes raisons qui se résume à une seule, qui souvent, est un mensonge : « Je n’ai pas le temps », qui veut dire, en fait : « Je ne veux pas ».

Le banquet du Fils du Roi, c’est le banquet éternel avec Dieu lui-même que Jésus révèle. C’est le festin des noces de l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. C’est la fête préparée pour tous les peuples, sur la montagne du Seigneur, cette fête que chaque messe annonce et célèbre. La fête du ciel. La fête de la joie de Dieu, en Dieu, pour Dieu, et par Dieu. Nous y entrerons si nous avons le vêtement de noces, c’est-à-dire si notre cœur, notre âme et toute notre existence ont été habillés par le vêtement de l’amour de Dieu et de la confiance en lui, qui se fait mystérieusement proche de nous à chaque instant.

L’abbé Pierre, dont vous avez peut-être entendu parler (il est mort en 2007, peu votre naissance), une magnifique figure du service des plus pauvres, des mal-logés, en particulier, avait écrit dans son testament : « J’ai appris que vivre, c’est un peu de temps donné à nos libertés pour apprendre à aimer et se préparer à l’éternelle rencontre avec l’Éternel Amour. « 

Vous vous souviendrez aussi, bien sûr, que votre confirmation coïncide avec ce jour où je suis parmi vous pour vous consoler du décès de votre curé, le P. Jacky Marsaux, décédé accidentellement dimanche dernier (il vous a accompagné vers la confirmation). Un prêtre si bon, si doué, si donné dans son sacerdoce, un « héros de Dieu », un « athlète de Dieu » aussi. Il arrivait à pardonner jour après jour, il se tenait à l’écart des querelles humaines. Il a fait un bien immense avec discrétion et sérieux pendant ses 37 ans de sacerdoce. Un prêtre m’a dit récemment : « Quand Jacky mourra, on découvrira avec étonnement tout le bien qu’il a fait sans que personne ne le sache ». Il ne croyait pas si bien dire. Le Père Jacky croyait en la force de l’Esprit Saint. Il a même été un des grands promoteurs du Renouveau charismatique, ce courant qui a fort influencé l’Église, en la renouvelant dans sa confiance en l’Esprit Saint. Jacky avait aussi cette certitude que vivre, c’est un peu de temps donné à nos libertés pour apprendre à aimer et se préparer à l’éternelle rencontre avec l’Éternel Amour. Un temps qui peut être long ou court, qu’importe, pourvu qu’il soit intensément vécu dans l’amour, la foi et l’espérance. Un temps pour une charité qui grandit chaque jour avec le désir de participer aux festins des noces du Fils du Roi, le festin du ciel. Aussi, nous recevons avec beaucoup d’espérance la parole d’Isaïe entendue à l’instant : Dieu fera disparaître le voile de deuil. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages. L’Esprit Saint est un Esprit de vie, donné à chaque génération pour renouveler l’Église, la garder jeune, et la remettre sans cesse en chemin vers la joie du ciel.

L’Esprit saint nous fait dire avec Saint Paul (2° lecture) : Je peux tout en celui qui me donne la force. Vous recevez ce don de l’esprit de force, qui est un des 7 dons de l’Esprit. Vous ne pouvez pas imaginer comme ce don est précieux. Dans la vie, nous avons à traverser des épreuves, des difficultés, des souffrances, des vallées de larmes. Voyez la déferlante de violence sous nos yeux ces jours-ci, en Israël, à Arras et ailleurs. Dans une de vos lettres, j’ai lu en souriant : « Mis à part le fromage, je ne déteste rien plus que la violence ». Tu as bien raison de détester la violence ! L’Esprit Saint et l’eucharistie mettent en nous l’énergie divine qui nous fait lutter contre les forces du mal et la violence du diable. Demandons donc maintenant qu’il fasse fleurir ses fruits que Saint Paul énumère. Les fruits de l’Esprit sont amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. (Gal 5,22). Amen.

+ Gérard Le Stang.
Evêque d’Amiens