Homélie pour la journée des prêtres du diocèse à Albert

Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras.  

 Nous venons nous abreuver ce matin à cette parole de Jésus : une parole d’affection et d’apaisement et aussi une promesse assurée : tu prendras des hommes (comme un pécheur prend du poisson). La mission est symbolisée par le cœur de métier de ces hommes : prendre du poisson.  

Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras.  

Comme prêtre (ou baptisés soucieux de la mission), nous recevons cette phrase en regardant notre vie : mais quels hommes ai-je donc pris ? C’est bien difficile à évaluer, seul le Seigneur peut le faire du reste ! Mais, reconnaissons-le : les filets ne se remplissent pas tous les jours de façon flagrante et la pêche n’est pas, à vue humaine, miraculeuse tous les jours. Parfois, pourtant, des personnes nous disent : « je t’ai connu jeune prêtre, ton témoignage m’a marqué » « heureusement vous avez été là pour moi et ma famille à tel moment » « sans toi, j’aurais quitté l’Église » « Vous m’avez fait découvrir le sens de la prière ou de parole de Dieu » « Votre présence a été importante pour découvrir ma vocation ». Cela arrive… et frères et sœurs, n’attendez pas les funérailles de vos prêtres pour leur dire, en forme d’hommage, le bien qu’ils vous ont fait : reconnaître les bienfaits de leur missions leur fait chaud au cœur et cela est bon pour les « soirées d’hiver », quand le poids de la charge se fait parfois rude. A vrai dire, même quand nous reconnaissons ces « hommes que nous avons pris », nous sommes tous comme Saint Paul (1 Co 10), nous disons : 

09/ Car moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. 

10/ Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. 

Nous recevons cette parole de confiance de Jésus comme une parole qui nous concerne, parce que d’abord elle nous dit : Sois sans crainte. Comme Pierre et ses amis, l’appel de Jésus nous a rempli d’effroi : Il est Dieu (Pierre l’appelle Seigneur, il ne se trompe pas !). Il est Saint et je suis indigne. Éloigne-toi de moi Seigneur… Bien des jeunes n’aiment pas trop qu’on leur parle de vocation, car au fond d’eux ils se sentent concernés et ont bien envie de se cacher devant un appel qui fait peur.   

Mais la Parole de Jésus fait autorité : autorité de Jésus sur la nature et les animaux… et sur les hommes et leurs activités. C’est lui qui rend les pêches miraculeuses et c’est lui qui sait si nous avons ou pas attirés des personnes à Dieu. Nos activités ont parfois des apparences de filets vides, de ministères vécus non sans passion mais sans fécondité apparente, comme une pêche qui ne donne rien. L’Évangile nous montre ainsi les pêcheurs en train de laver leur filet : ils ferment boutique, arrêtent l’activité qui ne donne rien… églises vides et bâtiments paroissiaux qui ne servent plus, ne faut-il pas les nettoyer et les vendre, les vouer à d’autres activités ? Questions fréquentes en ces temps qui pourraient engloutir au fond de nos mémoires l’appel de Jésus à jeter les filets en eaux profondes ! Avancez au large et jetez les filets pour la pêche ! Ah, mais la prière et l’Evangile nous réveille : peut-être n’avons-nous pas jeter les filets au bon endroit ? Peut-être sommes-nous restés trop dans notre petit bord de mer où l’eau n’est plus nourrissante ? Bref, il faut reprendre le chemin de la mission, au-delà des blocages divers, plus avant, ailleurs, autrement, en dépassant l’effroi et le sentiment d’incapacité pour accueillir de Jésus la parole de tendresse, d’affection, d’apaisement… qui se fait promesse : c’est lui qui nous dira où jeter le filet, et il nous le dira non pas à nous seuls mais en fraternité car nous découvrons en fin de texte que Pierre a des associés : Jacques et Jean, les fils des fameux Zédédée.    

La parole de Jésus est efficace. Il nous appelle à être comme lui, à faire de la barque/église un lieu pour enseigner les foules. Elles se pressent face à cette barque. Faisant de l’Église un lieu de prière, avec le recul nécessaire à l’égard du monde, nous en faisons aussi un lieu tourné vers les gens qui ont soif de Dieu, un lieu non pas pour fuir ou démissionner mais un lieu de mission… Voilà notre Église que Jésus dirige vers les eaux profondes pour attirer les hommes à lui. Joie d’être ses compagnons… qui reprennent les filets et les lancent avec au cœur la certitude que la pêche sera miraculeuse. Le réalisme de Pierre ne l’empêche pas d’être un comme de confiance en Jésus et de prendre des risques avec lui… 

Pour vivre cela, il nous faut être des êtres de prière. Voyez Paul et sa prière pour les Colossiens. Il prie, et nous prions avec lui pour que les amis de Jésus aient une vie spirituelle et éthique intense… Le fruit de cette prière, dit Paul sera triple :  

  • Ils porteront des fruits 
  • Ils progresseront dans la foi, la charité et l’espérance 
  • Ils seront fortifiés, et amenés à la persévérance et à la patience. 

Emportés dans cet élan, il associe les Colossiens à sa prière (et nous avec eux). Son propos se fait appel à rendre grâce pour ses merveilles qu’il a fait dans nos vies : Transfert dans le Royaume, libération et Salut. Un langage de conversion sur la base d’une expérience que tous nous avons faite d’une manière ou d’une autre : quelle joie d’être libéré et pardonné par le Christ et nos frères ! Quel élan donné pour avancer en eaux profondes avec lui, dans l’Esprit Saint ! 

Le Magnificat de Marie devient alors le nôtre : Voyez les merveilles ce que le Seigneur a fait et fait pour nous aujourd’hui. Un acte de mémoire qui se fait acte d’espérance. Dieu a fait cela, il le fera de nouveau. 

 

Oui, ce sont des hommes que tu prendras ! Ne crains pas… 

La promesse de Jésus nous remet en chemin. Avec Marie, en ce début d’année nous nous élançons… dans la louange et le service. Amen. 

+ Mgr Gérard le Stang
Evêque d’Amiens