Clôture de la neuvaine à Notre-Dame de Brebières – Albert

Chers frères et sœurs,  

Toute la semaine, un certain nombre de personnes, peut-être vous, est venu passer un temps devant Notre-Dame de Brebières, pour confier cette année qui commence après un temps de vacances ou de récoltes à la Mère de Jésus : les prêtres, les jeunes du collège, les religieux, l’hospitalité, les anciens et beaucoup de pèlerins individuels. Beaucoup aussi ne sont pas venus, bien qu’ayant la foi, le plus souvent faute d’y avoir pensé, sans doute parce que sans juger personne, nous du mal à prendre du temps pour la prière, surtout s’il faut se déplacer pour cela. Du mal à vivre de façon communautaire… et plus encore à nous engager pour la communauté.  

Ces jours derniers encore, un certain nombre d’associations (caritatives, culturelles, sportives…) ont lancé un appel pour des engagements bénévoles qui font cruellement défaut. Dans l’Église aussi, nous le savons, l’engagement bénévole manque aussi : l’une d’entre vous, devenue octogénaire, me disait les jours derniers à combien de célébrations d’obsèques elle avait accepté d’animer les chants ces dernières semaines. Tout le monde sait que cela ne peut plus durer ainsi, et se désole à la perspective de ne plus avoir même de sépultures chrétiennes de qualité. Comment faire pour inverser la tendance ?  

Notre foi chrétienne, nous le savons, pousse à la relation, à la création de liens de qualité, à l’édification d’un monde commun, à la création de communautés tissées par des relations sociales saines, et même de la fraternité. Nous savons tous cela, et durant la pandémie, nous avons dit et redit l’importance du soin apporté à tout ce qui nous sortent de la solitude.  Notre société occidentale semble être arrivée à un point limite dans l’individualisme, le repli, le manque de sens et de désir communautaire. Nous voyons la disparition progressive des caissières et autres commerçants de proximité, une informatisation ou une marchandisation des services à la personne, l’omniprésence des écrans et tant d’autres nouveautés qui restreignent le champ de la relation humaine et qui isolent davantage ceux qui le sont déjà. Prodiges de la technique, civilisation du bien-être, société numérisée ou l’individu est centré sur lui-même plus que jamais même en famille. Nous en sommes là - cauchemar ou miracle ? – à la croisée des chemins. 

L’Évangile de Matthieu entendu ce jour est une invitation à construire un monde commun, de belles communautés, réunies par la foi et l’amour de Dieu, et par le désir de demander ensemble des choses bonnes à Dieu dans la prière. 

Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre
se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit,
ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux.
    En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom,
je suis là, au milieu d’eux.  

Le Christ lance un appel à se mettre ensemble. Il y ajoute la promesse de sa présence. Au cœur des relations vécues dans la fraternité, un désir commun de faire le bien, et la prière, quelque chose de beau se construit. Dans l’Église, c’est le miracle des communautés religieuses, des assemblées fraternelles, des pèlerinages, des fraternités de proximités, des mouvements d’Église, des groupes de KT ou d’aumôneries, et parfois tout simplement d’une vie de famille dont on dit parfois qu’elle est la première cellule d’Église. Dieu veut un monde commun, un Bien commun, au sein d’une maison commune où chacun trouve sa place, sa vocation et voit respectés ses besoins fondamentaux.  

Jésus donne aussi le mode d’emploi de la fraternité.  Le judaïsme avait déjà mis des règles assez strictes pour réguler la vie commune. « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur. Mais tu devras réprimander ton compatriote, et tu ne toléreras pas la faute qui est en lui. Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur. » (Lévitique 19, 17) 

Quel est l’enjeu de ces paroles bibliques ? Rétablir la fraternité là où elle est atteinte. C’est toujours à faire et à refaire. Il y faut de la vérité, de la franchise, de la justice et du pardon (77X7 fois, dira Jésus à Pierre). Du courage aussi car il est tellement plus facile de critiquer quelqu’un dans son dos que de lui dire calmement que son comportement est blessant. Pour les chrétiens, l’enjeu est spirituel. En Lévitique 19, on lit : Le Seigneur adressa la parole à Moïse : parle à tous les fils d’Israël, tu leur diras : Soyez saints, car je suis saint, moi, le Seigneur, votre Dieu. La sainteté, le mot est lâché. Toute faute grave contre son frère (insulte, haine, violence physique ou morale, humiliation, harcèlement, emprise, silence coupable, jalousie etc.), est offense au frère et à Dieu. La sainteté, c’est de les mettre à jour, de choisir la franchise, la correction fraternelle pour que la communauté édifiée soit une fraternité sincère et non hypocrite. Le Christ est venu pour faire la vérité, nous sauver et nous empêcher de nous auto-détruire. La vérité pousse à édifier des relations de qualités à choisir la fraternité et non le repli sur nous-mêmes.  

Au début de cette nouvelle année, c’est donc une double invitation : 

  • Choisir de devenir une personne communautaire, engagé pour la communauté, dans la prière et le service. Passion pour le rugby et la chasse, ou autre plaisir, pas de souci… mais aussi passion de créer une famille chrétienne et humaine. Là ou deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ?  
  • Et puis travailler à la qualité de nos relations, ce que résume Saint Paul : N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel. Œuvre exigeante, à reprendre chaque jour, nous le voyons en famille, en paroisse, au travail. St Paul ajoute : Le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour. Il n’y a donc pas d’alternative : ce chemin des relations de qualité nous met sur le chemin du ciel, et il n’y en a pas d’autres. 

Que Notre-Dame de Brebières nous éclaire, nous inspire et nous soutienne pour tenir fermement ce cap de cette sainteté de vie. Amen. 

 Mgr Gérard le Stang
+ Evêque d’Amiens