Homélie de Mgr Le Stang Messe internationale Lourdes

Lourdes. Messe internationale. 12 juillet 2023.

Chers frères et sœurs,

Une question de Jésus lui-même nous est directement adressée dans l’Évangile : Pourquoi m’appelez-vous ‘Seigneur, Seigneur’ et ne faites-vous pas ce que je dis ? Question très pertinente pour un examen de conscience avant le sacrement du pardon, en ce lieu où la Vierge dit : « Pénitence, pénitence ». Elle nous pousse à nous demander : Ta vie de foi, est-ce un cri occasionnel vers le ciel ou est-elle le fondement de ta vie chrétienne ? Est-elle un moteur pour ta vie de croyant ou fais-tu encore du « sur-place » ?

A cette question, on peut cependant répondre, car Dieu aime le dialogue. Cela fait partie du combat spirituel de dialoguer avec Dieu.  On peut répondre ceci : « Seigneur, si nous nous tournons vers le ciel pour crier ‘Seigneur, Seigneur’, c’est parce que nous croyons beaucoup à la prière ». Et ce serait juste : l’ouverture de notre cœur à Dieu – non pas pour des incantations ou pour rabâcher « comme le font les païens » – mais dans de longs temps de méditation, de recueillement, de silence, pour égrener le chapelet ou adorer le Saint-Sacrement… fait descendre en nous l’Esprit de Jésus. La prière assidue, dont nous sommes tous capables, transforme notre cœur et nous configure au Christ. Elle fait de nous la demeure de Dieu, depuis les fondations les plus cachées de notre être jusqu’à son aspect le plus visible, notre visage et notre sourire. Comme notre regard et notre sourire sont beaux lorsque nous prions. Comme ils en disent long sur l’amour dont nous sommes aimés. La prière nous prépare à sortir de nous-mêmes.

Transformés par l’Esprit Saint et ouverts à l’amour de Dieu, comme le fut la Vierge Marie, nos vies en deviennent lumineuses, comme les vitraux des chapelles qui laissent passer la lumière. Que l’on bâtisse ici une chapelle, dit la Vierge à Bernadette. Pourquoi ? pour permettre à Dieu de venir séjourner en nous et nous rendre lumineux. Car la chapelle où Dieu se rend présent, ce n’est pas seulement quatre gros murs épais et un toit pointu. C’est d’abord notre cœur, notre conscience intime obéissant à la vérité, notre vie tout entière. Une chapelle, bien sûr, et même une église, (à condition de les laisser ouvertes), c’est important, car Dieu nous y attire, en particulier pour l’eucharistie, cœur de notre vie de croyant. On y ressent la communion des saints, la communion des vivants de la terre et du ciel. Grands et petits, jeunes et anciens, y sont transformés. Et de chacune de nos chapelles personnelles, ou familiales ou de villages, nous édifions ensemble la grande Église de Dieu, cathédrale de pierres vivantes, élevée vers le ciel pour la louange, et envoyée pour servir et évangéliser le monde où nous attend le corps souffrant et assoiffé de Jésus.

Nous le comprenons alors : Non, nous ne pouvons pas rester à regarder le ciel en criant « Seigneur, Seigneur », car Dieu nous attend plus loin. En criant avec force « Seigneur, Seigneur », notre prière fervente ne nous décentre pas mais nous décentre et nous pousse à la mission. A quoi cela me servirait-il d’être exaucé et comblé de la joie du ciel dans ma chapelle, si mes amis restent loin de Dieu et loin de moi, dans la tristesse ? La prière se fait mission et service. Voyez le dialogue de Marie avec le ciel qui s’achève par son consentement : Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon sa volonté. Il n’y a pas d’écart entre l’accueil de l’Esprit Saint par Marie, et son élan pour donner Dieu au monde. Elle est tout entière demeure de Dieu, chapelle de Jésus, écrin de Dieu offert à l’humanité.

Alors, frères et sœurs, accueillons ici la grâce d’être des bâtisseurs de chapelles pour le Seigneur. Souvenons-nous cependant des mots de Jésus : bâtissez solidement car tous nous pouvons être submergés et engloutis par le malheur. Les tempêtes font partie de notre vie, nous le savons tous, n’est-ce pas ? Mais ici, à Lourdes, la confiance renaît. Car la chapelle bâtie sur le roc de Massabielle est solide. Ce roc de Massabielle nous rappelle que le roc, c’est le Christ, Parole de Dieu, creusée par l’Esprit pour devenir demeure de Marie et Bernadette, et demeure tous les priants du monde. Le roc, c’est le Christ est l’unique fondation de notre vie de croyant ! Sur Lui, nous reposons notre vie pour traverser sereinement les tempêtes de l’existence et affronter nos combats les plus rudes. Le roc, c’est l’amour de Dieu ! Il enveloppe nos souffrances. Il transfigure nos espérances. Dieu, notre roc ! Sur Lui, peut bâtie, encore et encore son Église, confiante qu’aucune tempête ne la submergera.

Alors, Seigneur, comme autrefois, tu disais à Saint François d’Assise : « Va et reconstruis mon église qui, comme tu le vois, tombe en ruines », aujourd’hui, à Lourdes, tu nous lances le même appel : « Bâtissez ici une chapelle, la chapelle inébranlable de vos cœurs habités par la foi et l’amour ; la chapelle par laquelle notre humanité trouvera une espérance nouvelle » … et nous allons le faire, parce que nous t’aimons, Seigneur de Gloire. Amen.

+Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens