Homélie de Mgr Le Stang pour la confirmation des lycéens

Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? Les paroles de Jésus sèment le doute et l’incompréhension. La parole transmise par Moïse : l’homme ne vit pas seulement de pain… ne peut venir que de Dieu seul. Et Jésus le Fils de Dieu dira : ma nourriture est de faire la volonté de mon Père. Seul Dieu , en fait, peut donner sa vie en nourriture. De telles paroles révèlent que Jésus est Fils de Dieu. Je suis le Pain vivant. Le Pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. Pour comprendre le sens de telles paroles, il faut la foi, et non plus le doute. Sans la lumière intérieure du Saint Esprit, qui donne la foi, nous ne pouvons pas, en fait, non seulement croire que Dieu existe mais qu’il se donne à nous en ce mystère de l’eucharistie. Heureusement, aujourd’hui même, vous allez recevoir l’Esprit saint. C’est lui qui va vous faire dire : « Jésus, tu es le Pain de Vie, tu me nourris. Tu me fais grandir. » C’est lui qui vous rendra fidèle à l’eucharistie.  

Beaucoup d’entre vous, – pas tous cependant – comme vous me l’avez écrit, êtes comme ces auditeurs de Jésus : vous avez eu des doutes et des incertitudes. Un deuil, un échec, l’influence d’un proche incroyant, l’attirance excessive pour vos loisirs ou passions… et patatras, votre foi est tombée au-dessous du niveau de flottaison. Et pourtant : un déclic s’est produit. Lors d’un pèlerinage, d’un changement d’établissement, d’un camp de jeunes, d’un moment de prière, d’une célébration… ou même d’une rencontre avec l’évêque, m’a dit l’un d’entre vous, quelque chose s’est produit en vous. Vous avez su, vous avez cru, en Dieu qui est là et qui jamais ne vous abandonnera. Vous êtes devenus un peu comme saint Pierre, face à Jésus qui leur demande : vous aussi, vous voulez partir ? il répond : à qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle ! ou comme Saint Thomas qui, après avoir douté, confesse, plein d’affection : Mon Seigneur et mon Dieu.  

Seul Dieu peut nous conduire à Dieu. Et quoi de plus grand que de découvrir et d’aimer Dieu ? Voilà pourquoi nous recevons l’Esprit Saint et participons à la messe. Dans un hebdomadaire chrétien de la semaine dernière (la Vie, 01.06.2023), Cyril, un CRS de 32 ans raconte l’itinéraire qui a fait de lui un témoin de Jésus : « Lorsque ma grand-mère, celle que je chérissais depuis mon enfance, a reçu le sacrement des malades, elle était alitée et sous morphine et ne nous reconnaissait plus. Quand le prêtre est entré dans la chambre, elle lui a tendu la main, comme si elle l’attendait. Nous avons récité le Notre Père. Elle bougeait les lèvres ; cela m’a donné une émotion forte, et alors que je n’avais jamais cru, je me suis entendu dire au Seigneur : « Si tu te manifestes, je croirai ». » Après plusieurs signes reçus dans sa vie professionnelle, il raconte alors ceci : « De retour chez moi (…), je suis allé à la messe dans ma paroisse. En m’approchant pour recevoir l’eucharistie, je suis tombé à genoux. J’étais bouleversé, enveloppé par une présence. Je me suis mis à pleurer. Le Seigneur était là ; je ne pouvais plus en douter ». 

Seul Dieu peut nous conduire à Dieu. Cet homme était déjà habité par l’Esprit Saint qui l’a attiré pour rencontrer Jésus dans l’hostie – le Saint-sacrement reçu en chaque messe -, et l’a conduit à être confirmé le jour de la Pentecôte. Et, habité par l’Esprit et nourri par le Corps du Christ, il est devenu un témoin ardent de l’amour de Dieu dans toute sa vie, dans son travail et le temps qu’il donne maintenant à la mission de l’Église.  

Et vous, quel chrétien serez-vous ? Revenons à l’actualité, au drame d’Annecy. Le mot chrétien a été très prononcé dans cet événement. L’homme qui poignarde des enfants est présenté comme chrétien : scandale total. Le jeune Henri, l’homme à sac à dos, qui prend le risque de s’interposer pour empêcher le crime, est aussi un chrétien. Il fait un pèlerinage à pied, de cathédrale en cathédrale (on l’attend à Amiens !). Il donne un témoignage de sainteté. Quel chrétien serez-vous ? Froid, tiède, ou brûlant de foi et de charité ? Vous portez le beau nom de chrétien. On vous regarde comme tel. Refusez ce qui est indigne de ce nom. Convertissez-vous, confessez-vous chaque fois que nécessaire, venez vous nourrir du corps de Dieu et prenez le chemin du courage, le chemin du témoignage de foi et de la bonté de Dieu, envers et contre tout.  

Dans la première lecture, on raconte que Dieu a nourri son Peuple avec la manne et fait jaillir l’eau du rocher. Ce Peuple marchait dans le désert de la faim et de la soif, au milieu des scorpions et des serpents brûlants. Il peut arriver parfois que nos vies soient comme ces déserts de la faim et de la soif, et que nous devions avancer au milieu des scorpions. L’Esprit Saint et l’eucharistie vous sont donnés pour avancer avec courage, joie et espérance.  

Et c’est l’Église qui vous donne tout cela : vous n’êtes pas seuls, ne restez pas seuls, ne lâchez pas votre Église, qui est si belle : le Christ fait de nous un seul corps, dans lequel chacun de nous comme membre de ce corps, a une vocation sainte. Dans 15 jours, je vais ordonner deux prêtres ici même. Deux jeunes qui ont ressenti la vocation de prêtre. Et toi, quelle sera ta vocation ? Pose-toi cette question sérieusement.  Demande à Dieu de faire de toi quelqu’un de bien, de bon, de sincère, capable de se donner sans égoïsme ni hypocrisie, et de te révéler ce qu’il attend de toi. Jamais, il ne te décevra.  

Dans un instant, après la confirmation et la consécration, avec les prêtres, je vais dire : « Quand nous serons nourris de son Corps et de son sang, et remplis de l’Esprit saint, accorde nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ. Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire… » 

Quelle belle demande adressée à Dieu ! 

Qu’il fasse vraiment de nous tous un seul corps dans un seul Esprit. Amen.  

 + Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens