Homélie de Mgr Le Stang confirmation des adultes à la cathédrale d’Amiens

Chers amis, Chers frères et sœurs,  

 En écrivant votre lettre de demande de baptême, de confirmation, vous avez découvert que, depuis longtemps, le Seigneur vous envoyait des signes, et préparait nos cœurs à le rencontrer. Dieu est patient, il prend son temps.  

Jésus a eu la même patience avec ses amis. Après avoir lui-même pris une trentaine d’années, non pas pour comprendre ce monde (puisqu’il l’avait créé) mais pour faire l’expérience personnelle de la vie humaine, de ses apprentissages, des relations et des souffrances qui lui sont inhérentes, il a commencé sa mission publique, appelée à se poursuivre bien après son départ. Pour cela, il a appelé ses apôtres qui ont vécu avec lui trois années de catéchuménat et de formation, exaltantes, parfois difficiles, surtout quand Jésus disait des choses genre : vous n’avez donc rien compris? Ou : combien de temps devrai-je vous supporter ? En vrai, ce n’est pas faux, ils ne comprenaient pas tout ! Trois ans de préparation, jusqu’à cette Pâque, ce grand baptême de Jésus, sa mort et sa Résurrection, dans lequel ils furent eux-mêmes entraînés, par leur rencontre du matin de Pâque qui fit jaillir en eux la foi. Ainsi, Jésus a patiemment « construit » son Église : par sa vie, son message, ses signes et miracles, il a construit patiemment cette belle embarcation qu’est l’Église et qu’il va confier à Pierre et aux apôtres, qui ont été trois ans à son école. Chaque pièce était en place : la charpente, la quille, le gouvernail, les mâts, les voiles… et même les ‘apôtres’, qui sont des pièces de bois situées de part de d’autre de l’étrave. Mais le bateau restait au port. Une seule chose manquait : le vent. Et ce jour de Pentecôte, enfin, le vent prend dans les voiles. L’Esprit Saint souffle sur les apôtres ; et ils comprennent enfin le sens de ce long chantier de construction, démarré par Jésus depuis si longtemps d’années. 

Mais oui, découvrent-ils, on peut croire sans voir parce qu’une conviction intérieure nous anime. Oui, c’est vrai : la foi déplace les montagnes. Nous n’avons ni or ni argent, mais le Nom de Jésus nous sauve du sentiment d’abandon, de nos lâchetés, il nous guérit de ce qui nous a abimés, il nous délivre de cette peur de l’avenir qui vrille si souvent nos estomacs. C’est vrai : quand Jésus était là, qu’il expliquait les Écritures et multipliait le pain pour les milliers d’affamés qui le suivaient, il y avait bien plus que Jonas, plus que Salomon et plus que tous les prophètes. Vraiment cet homme était le Fils de Dieu ! Et sur ce bateau tout neuf de l’Église, qui file au vent de l’Esprit, une certitude monte en eux : même disparu à yeux, il reste là, avec eux, dans la barque de l’Église, cette barque dans laquelle vous-mêmes avez rencontré tant de beaux témoins prêtres, diacres, religieuses, laïcs… qui vous ont aidé, accompagné, porté et aidé à découvrir votre place.  

Souvent, sur le chemin de la confirmation, on pose la question : Dieu le Père, je vois à peu près, Jésus son Fils, c’est clair, mais l’Esprit Saint, vous pouvez en dire un peu plus ?  

Déjà, vous avez saisi l’essentiel : la foi chrétienne est celle du baptême reçu au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Ils sont bien trois, un même amour agissant. Ils s’y mettent tous les trois pour nous faire voguer en ce monde et passer sur l’autre rive quand l’heure est venue.  

Vous avez saisi aussi que l’Esprit Saint, nous ne le connaissons pas en lui-même, mais par ce qu’il réalise en nous : En nous les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, l’énergie de nos vies car dans la vie quand on y croit, qu’on aime et qu’on regarde l’avenir avec espérance, tout devient possible ! En nous, les fameux 7 dons : la sagesse pour voir avec le regard de Dieu, l’intelligence pour cogiter comme Dieu cogite et pas dans le vide, le conseil pour être éclairé de l’intérieur à tout moment, la force pour tenir bon, la science pour voir Dieu en toute chose, la piété c’est-à-dire le vrai esprit religieux qui rend attentif à Dieu et à nos frères, et la crainte de Dieu qui fait de nous des êtres éblouis d’admiration devant la grandeur de l’amour de Dieu. En nous encore, les fruits de l’Esprit. Saint Paul les cite en Galates 5/22 que j’invite si souvent à apprendre par cœur : voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. Vous pouvez bien rire de ma foi, je m’en fiche, ces fruits sont palpables et rendent si heureux ! En nous enfin, les charismes : tous ces talents, qualités, intuitions, élans vers l’autre que l’Église reconnaît comme grâce de Dieu offertes pour sa mission et pour votre vocation propre.  

L’Esprit Saint, c’est encore plus que cela. La Bible en parle comme d’un vent ou une brise, un feu, une onction, une source d’eau jaillissante, une colombe, la main ou le doigt de Dieu. En un mot, une présence invisible, si prégnante et tellement bienfaisante. Il est la beauté cachée de la nature, le sens profond de nos grands rêves, la source de nos élans vers la bonté, le beauté, la justice ou la vérité, l’éclat inattendu de certains événements de la vie, reconnus comme des signes et appels de Dieu. L’Esprit Saint est un ami silencieux : il nous prend par la main. Il nous pousse vers Jésus et son Père, délicatement, mais fermement. Il ne se dit pas lui-même mais fait comprendre à notre cœur que la Parole de Jésus est vraie, et que « la vie vaut la peine, toute la peine », comme le dit le poète, cette peine qui parfois nous engloutit et qui pourtant se fait chemin vers la tendresse de Dieu.  

Alors, les amis, vous montez dans la barque de l’Église avec nous. Attention en montant ! Ne restez pas avec un pied sur le navire et un pied sur le quai (please, mind the gap) ! Voilà 2000 ans qu’elle avance. Elle entraîne dans son sillage tous les radeaux et embarcations des hommes. Ils pensent parfois qu’on peut naviguer sans le vent de l’Esprit, mais ils suivent tout de même ! Montez dans la barque : parfois elle file, poussée par un vent doux, parfois c’est « pétole » (calme plat). Parfois c’est vent « de bout’ » ! disent les marins (vent contraire), et il faut tirer des « bords carrés », aller de droite et de gauche pour avancer péniblement. Parfois c’est la tempête, et parfois la brise. Mais c’est toujours le vent de l’Esprit saint : il souffle où il veut. Et c’est toujours l’Église, qui avance, vaille que vaille, en se livrant à l’Esprit. Son maître d’œuvre, l’a bien bâtie : elle ne coulera pas.   

L’Esprit de Dieu, dit Jésus à Nicodème, tu ne sais pas d’où il vient, ni où il va. Ainsi va l’aventure de la foi, et de son témoignage de cette foi. C’est cela qui a rend passionnante. Tu fais partie de cette aventure de la mission de l’Église. Ne descend plus du bateau ! Nourris-toi, chaque dimanche, du pain de Dieu, avec les frères et sœurs, les diacres et prêtres. Et tous ensemble, abandonnons-nous au souffle de l’Esprit Saint. Il ne déçoit jamais. Amen.  

 

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens