Confirmations d’adultes à la Cathédrale Notre-Dame d’Amiens

Chers frères et sœurs,

Voyez le nom que Jésus donne à l’Esprit saint : votre défenseur. Il sera un autre défenseur, dit Jésus, laissant entendre qu’auprès d’eux il a lui-même joué, jusque-là, ce rôle d’avocat, et qu’il continuera de le faire auprès de Dieu : « pour vous, je prierai le Père ». Au long de votre cheminement vers la confirmation, peut-être n’avez-vous pas beaucoup médité ceci : comme de bons avocats, Jésus et l’Esprit Saint plaident en notre faveur auprès du Père. Ils inspirent aussi les mots pour nous défendre de nous-mêmes et de nos mauvais penchants. Et enfin ils nous défendent aux yeux du monde lorsque celui-ci rejette l’Évangile.

Relisant votre histoire avec attention, et prenant le temps de l’écrire, – ce qui n’est pas si simple, merci de m’en avoir rendu témoin – vous avez reconnu qu’à bien des reprises, Dieu est venu frapper à la porte de votre cœur, avec une délicate insistance. Un certain nombre d’entre vous ne connaissaient que bien peu la foi chrétienne, et d’autres s’en étaient éloignées, parfois de façon militante, parfois simplement par négligence ou oubli. Mais Dieu ne nous a pas créé pour la tiédeur ou la négligence. Il ne nous juge pas non plus, ni ne nous abandonne. Il plaide auprès du Père pour qu’avec patience et par des signes discrets, non contraignants pour notre liberté, nous puissions reconnaître sa soif d’amour envers nous et son attente de notre réponse de foi. L’Esprit notre défenseur et Jésus notre Sauveur, interviennent auprès du Père pour nous faire revenir à Lui, comme des fils ou filles prodigues, éblouis par ce qui nous avait été caché jusque-là.

Avant même le sacrement reçu en ce jour, vous avez été rejoints et travaillés de l’intérieur par le souffle de Dieu. Il a éveillé votre cœur à sa beauté, en vous révélant la profondeur gracieuse et gratuite de son amour. Il vous a ouvert à une Parole de Vie venant d’un autre que vous, qui vous a décentré de vous-mêmes en vous rendant à vous-mêmes. Il vous a fait ressentir sa présence et cela vous a fait un bien fou. Il vous a remplis de gratitude pour tout ce que vous avez déjà reçu. Il était là dans vos combats : vous avez compris avec lui que tout dans la vie est passage, plongée dans la Pâque de Jésus. Vous avez, plus ou moins clairement, saisi comme Saint Paul que celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à nos corps mortels. L’Esprit Saint, vous le savez maintenant, ne fait pas de nous des esclaves, et il y a tant de manières de vivre en esclaves en ce monde. Il nous donne d’expérimenter la liberté royale des fils de Dieu, libérés des modes et agitations du monde, cette liberté qui nous fait prier le Père en lui disant « Abba », mon Père bien-aimé, de qui toute vraie paternité trouve sa source.

Vous avez ainsi relu vos histoires avec attention, et vous continuerez de le faire. C’est ainsi en effet, qu’on découvre, étonnés, l’irruption de Dieu dans nos vies. Un des moyens de détecter la présence de Dieu dans nos vies consiste à tenir en éveil notre mémoire évangélique. Non pas regarder le passé pour ressasser nos échecs et ouvrir nos cicatrices mal fermées, ni pour macérer dans le ressentiment ou le regret. Non, mais parce que Jésus a dit aux apôtres : (le défenseur) vous enseignera tout et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. L’Esprit Saint réveille en nous la mémoire de l’Évangile. Dieu n’a pas l’idée du mal et ne s’appesantit jamais sur nos fautes. Le tamis de l’Esprit fait remonter l’essentiel, ce qui vient de Dieu. Il brûle notre cœur par la mémoire de ce que Dieu nous a dit au long du chemin, comme il l’a fait pour les disciples d’Emmaüs.

L’Esprit nous permet ainsi de découvrir tout ce que Jésus dit et fait dans notre vie. Il nous aide déjà à trier le bon grain et l’ivraie. Il descend dans la vie de chacun et chacun peut entendre proclamer les merveilles de Dieu dans sa propre langue (comme dans la première prédication des apôtres à Jérusalem). Une langue, ce ne sont pas que des mots : c’est une culture, un héritage reçu, une histoire, une identité, une incarnation. Ma langue, c’est moi. Si grâce à l’Esprit Saint, j’apprends dans ma propre langue, à travers ma propre incarnation en ce monde, les merveilles de Dieu, quel miracle ! Il est donc venu pour moi et pour chacun de ceux qui sont autour de moi. Il s’est donné à tous, non pas à la manière d’un saupoudrage ou d’un vernissage superficiel, mais en touchant le cœur de chacun, de sorte que chacun d’entre nous, munis des dons adaptés à sa situation personnelle, nous formions avec tous la belle communion qu’est l’Église, appelée à exister dans l’unité de la foi et la diversité des charismes et des vocations.

Frères et sœurs, je parle à des adultes. Vous êtes tous conscients de ce miracle qui vous dépasse. Dieu vous a rejoint dans votre vie d’adulte, et il va le faire plus encore par ce sacrement, sous nos yeux, au cœur de cette cathédrale. Vous ne pouvez pas laisser dépérir ce don, car Dieu ne nous a pas faits pour être tièdes ou négligents. Si l’Esprit Saint est votre défenseur devant le Père et devant le monde, il vous revient, à vous aussi, avec sa grâce, de prendre la parole pour plaider en faveur du Seigneur, chacun selon votre vocation. Le défenseur vous inspirera mais c’est vous qui parlerez, agirez, et vous donnerez tout entier. C’est vous qui serez à la fois la personne qui prêche et qui plaide, relatant les merveilles de Dieu pour tous. C’est vous qui, pour les autres, aurez la mémoire éveillée de tout ce que Jésus nous a dit et ne cesse de nous dire aujourd’hui. C’est vous qui éclairerez, là où vous êtes, le destin de notre monde, même si c’est de façon parfois toute simple et discrète. Touché chacun personnellement, vous rejoignez pleinement la communion de l’Église, que Jésus a voulu pour la mission.

Permettez-moi de finir par la prière entendue avant la lecture de l’Évangile. Elle reprend un chant liturgique ancien (datant XI° siècle). Elle nous aide à introduire le temps du sacrement que nous allons vivre maintenant :

Viens, Esprit-Saint, en nos cœurs,
et envoie du haut du ciel
un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres.
Viens, dispensateur des dons.
Viens, lumière en nos cœurs.
Consolateur souverain,
hôte très doux de nos âmes,
adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ;
dans la fièvre, la fraîcheur ;
dans les pleurs, le réconfort.
O lumière bienheureuse,
viens remplir jusqu’à l’intime
le cœur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine,
il n’est rien en aucun homme,
rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé.
A tous ceux qui ont la foi
et qui en toi se confient,
donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu
donne le salut final
donne la joie éternelle. Amen.

 

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens