Messe clôture de Visite pastorale et scrutins à Corbie

Chères Gabrielle et Anaïs, dans deux semaines, lors de la nuit pascale, vous allez être baptisées et recevoir la communion. Votre présence aujourd’hui nous rappelle à tous notre propre baptême. Elle nous remet devant notre foi en Jésus-Christ. Où en est cette foi ? Considérons-nous que la mort soit un sommeil, un passage ? Croyons-nous vraiment que par cette foi, la lumière de Dieu, est déjà en nous, que nous sommes déjà dans la vie éternelle, source de joie profonde ?

L’Évangile de ce dimanche raconte le dernier et le plus extraordinaire des signes de Jésus dans l’Évangile de Saint Jean avant qu’il n’aille à Jérusalem pour y être crucifié. C’est un des textes les plus puissants de la Bible. Il nous montre à la fois combien Jésus est un ami proche et en même temps le Fils de Dieu révélé aux hommes.

Au long de votre catéchuménat, vous avez découvert combien Jésus est proche. Nous contemplons cette infinie proximité en cet Évangile où il perd un de ses amis. Jésus a des amis, Marthe, sa sœur Marie, et leur frère Lazare. Il aimait demeurer chez eux à Béthanie. Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis, dira Jésus à ceux qui croient en lui. Nous aussi, nous recevons Jésus comme ami et nous le prions comme un ami parle à un ami. Jésus apprend la mort de Lazare son ami. Pourtant il prend quelques jours avant de revenir vers ses sœurs. Il ne se laisse pas écraser par la mort. Il prend le temps du recul et du discernement. Pour lui la mort de Lazare n’est pas une fin, mais un sommeil qui ouvre sur la foi en la Résurrection. Quand il arrive au tombeau, St Jean écrit : Alors Jésus pleura. Le verset le plus court de la Bible. Trois mots. Ils disent la compassion de Dieu. Même les juifs, qui sont contre lui, ne peuvent s’empêcher, un court moment, de reconnaître sa sincérité : Voyez comme il l’aimait.

« Dans une légende juive, lorsqu’Adam et Ève sont expulsés du jardin d’Éden, ils sont allés voir Dieu et lui ont dit : ‘ »tu ne peux pas nous laisser seuls dans un monde si grand et si dangereux, qu’allons-nous devenir ?’ Dieu a eu compassion d’Adam et Ève et leur a dit : ‘ Je sais que des jours rudes vont venir sur vous mais sachez que rien ne vous manquera. C’est pourquoi je vais sortir de vous pour mon trésor une perle. La voici : c’est une goutte d’eau. Quand vous rencontrerez une grande catastrophe et quand vous vivrez une grande émotion, cette goutte d’eau sortira de vos yeux et coulera sur votre joue. Vous saurez que je suis avec vous et vous serez consolés, vous serez réchauffés, vous serez apaisés’. Adam et Ève ont laissés en héritage à leurs enfants jusqu’à la fin des temps le pouvoir de verser des larmes » (A. Nouy, commentaire du NT, vol. 2, p. 692).

Jésus, le nouvel Adam, pleure. Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés, dit-il dans les Béatitudes, qui racontent sa vie tout en étant la charte du chrétien. Ses larmes sont les nôtres devant la mort qui nous déconcerte. Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort, dit Marthe. Non pas un reproche car elle l’aime et croit en lui, mais un désarroi, et un chagrin.

Mais Jésus ne fait pas que nous donner son amitié et partager nos larmes. La mort de Lazare n’est pas une occasion de s’affliger sur lui-même et de dire : « ah, que c’est triste », comme parfois nous le disons, en pleurant plus sur nous-mêmes que sur la mort des autres. Il fait de la mort de son ami une révélation de la Vie qui vient de lui, plus forte que la mort. L’amour est fort comme la mort, les grandes eaux ne peuvent l’éteindre ni les fleuves l’emporter (Ct 8,7). A Marthe, il dit : Je suis la Résurrection et la Vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Crois-tu cela ? Voilà la foi du baptême. Crois-tu ? la question vous sera posée et tous, la nuit pascale, nous dirons avec vous : « Oui, nous croyons ». Quelle folie ! Autour de nous, le monde devant la foi, semble avoir abandonné la partie. Amnésique, il n’a plus la nostalgie de Dieu. Souvent pourtant le monde pue la mort comme Lazare au tombeau. Alors, le Christ nous dit : Gabrielle, viens dehors ! Anaïs, viens dehors ! et il prononce notre prénom de baptême, à nous qui sommes ses amis : N. Viens dehors ! Sors de ton tombeau ! Il nous invite à être « l’Église en sortie » qui va témoigner de la Vie de Dieu en nous et qui ne nous enclos pas sur nous-mêmes. Si tu crois, tu sais que tu es déjà ressuscité avec le Christ. La mort à venir n’est plus un spectre effrayant mais un passage pour être pleinement dans la vie de Dieu, une fois achevé notre pèlerinage terrestre. Quel trésor portons-nous ! Comment ne pas en témoigner !

Frères et sœurs, croyons-nous cela ? Ne nous comportons-nous pas souvent comme des morts au tombeau, liés, comme Lazare par ses bandelettes, par bien des tristesses, des torpeurs, des craintes, des découragements, repliés sur nous-mêmes. L’Église, c’est un corps vivant, le Corps sorti du tombeau et de la tristesse, qui resplendit de la clarté du Christ, qui brille pour le monde. Lazare vivant nous pousse à laver nos carreaux, à faire le grand ménage de printemps, pour que cette Lumière du Christ Vivant, éclaire davantage notre monde.

Durant ces jours de visite pastorale, j’ai eu la joie de voir bien des chrétiens, parfois âgés, qui font briller dans leur vie cette lumière de Jésus. Par leurs engagements, par leur sainteté au quotidien, ils transmettent cette lumière autour d’eux, comme le firent autrefois ici même des saints comme Colette, Anschaire et tant d’autres. Je vois aussi bien des progrès possibles, des initiatives nouvelles pour l’avenir pour mieux faire connaître le Christ, intégrer plus les enfants et leurs parents dans la communauté (par exemple en recréant un groupe de servants d’autel, je vois qu’il en manque !), pour aller vers les plus isolés, pour connaître mieux la Parole de Dieu, pour former plus de fraternités. J’ai vu combien, à travers des rencontres simples, la distribution du journal paroissial, l’attention aux plus pauvres, l’éducation des jeunes, l’accompagnement des familles en deuil, et tant d’autres possibilités, on pouvait ensemble, faire de l’Église, non pas un sombre tombeau, mais un espace de lumière, qui attire et donne de l’espérance. Tout cela, nous le faisons et nous le ferons d’autant mieux que nous le faisons dans la symphonie des vocations, prêtres, diacres, consacrées, laïcs, en communion, la main dans la main, dans la fraternité et le pardon, et non pas en opposition et encore moins – horreur ! – en se croyant propriétaires de sa mission ou en se critiquant entre chrétiens. Jésus nous donne l’Église non pas comme un bien de consommation, mais comme un cadeau pour notre conversion. Il nous fait confiance et nous demande de l’aider à communiquer la vie de Dieu autour de nous, en ce monde où il nous précède.

Au moment d’achever cette visite, je vous encourage de tout cœur à revenir encore plus au cœur de l’Évangile de la vie, à l’amitié et à la compassion de Jésus, qui est notre avenir à tous. La foi nous offre la mémoire de notre avenir, un avenir de vie, et pas seulement le souvenir d’un passé désormais révolu dont nous avons trop souvent la nostalgie. Reprenez la réflexion, faites marcher vos méninges et votre cœur, ne restez pas seuls car l’Église est une assemblée convoquée par le Christ, sinon, elle se délite, se disperse et perd sa raison d’être. Et puis, Aimez-vous, aimez-vous, et priez en demandant l’effusion de l’Esprit saint pour vos communautés chrétiennes, et en priant sans cesse le Père d’envoyer de nouveaux ouvriers à sa moisson : des baptisés, des consacrés, des prêtres.

Gabrielle et Anaïs, votre baptême proche réveille en nous une grande espérance. Vous-mêmes, faites-en un point de départ de votre engagement en Église. Ne restez pas seules. Ne délaissez pas l’assemblée chrétienne et faites en sorte de la régénérer par l’amour que Dieu que Jésus va mettre en vous. Et, avec vous, nous trouverons des forces nouvelles. Comme Saint Thomas, nous oserons suivre Jésus pour mourir avec Lui, mais plus encore pour vivre de Lui, car il est lui, notre ami et notre Dieu, le chemin, la vérité et la vie. Amen.

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens

Au moment d’achever cette visite, je vous encourage de tout cœur à revenir encore plus au cœur de l’Évangile de la vie, à l’amitié et à la compassion de Jésus, qui est notre avenir à tous. La foi nous offre la mémoire de notre avenir, un avenir de vie, et pas seulement le souvenir d’un passé désormais révolu dont nous avons trop souvent la nostalgie.