Retour sur la fête de la Saint-Firmin: Homélie de Mgr Le Stang et photos

Fête diocésaine de Saint Firmin. Homélie de Mgr Gérard Le Stang.

Chers frères et sœurs,
Au jour de notre baptême, au moment de l’onction de saint-chrême, le célébrant nous a dit : Tu fais maintenant partie de son peuple, Dieu te marque de l’huile sainte, pour que tu demeures éternellement membre de Jésus-Christ, prêtre, prophète et roi. Cette onction, nous l’avons reçue aussi au jour de notre confirmation. Sois marqué de l’Esprit Saint, le Don de Dieu, nous a dit l’évêque en nous appelant par notre prénom de baptême.

Il me vient alors à l’esprit le grand désir de Moïse et son exclamation : Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son Peuple, un peuple de prophètes ! Ce désir ne s’est-il pas réalisé ? Tous nous avons reçu l’onction de l’Esprit Saint (sauf ceux qui parmi nous se préparent à recevoir ces sacrements). Tous nous sommes devenus prêtres, c’est-à-dire capables de faire de notre vie un sacrifice d’amour et de louange, une hostie vivante à la gloire de Dieu ; prophètes, c’est-à-dire porte-parole de Dieu dans le monde ; et enfin rois, c’est-à-dire habités par cette liberté royale de Jésus que rien ni personne n’a pu asservir, pas même la mort.

Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son Peuple, un peuple de prophètes !  Mais alors : le sommes-nous vraiment ce peuple de prophètes ? ou faut-il dire de nous comme des anciens d’Israël : ils se mirent à prophétiser mais cela ne dura pas ? Offrons-nous vraiment notre vie en sacrifice de louange ? Laissons-nous la Parole de Dieu descendre en nous et rayonner autour de nous ?  Expérimentons-nous cette liberté royale, sans esclavage, ni addiction ou influences toxiques ? Frères et sœurs, en vous voyant ce matin et après ces quelques mois à sillonner le diocèse, j’ai envie de répondre OUI. Oui, il y a vraiment dans la Somme, beaucoup d’hommes et des femmes de foi, qui forment une magnifique famille de Dieu, une famille de familles, capables d’aller très loin pour le Christ, de laisser résonner sa Parole et de le servir avec ardeur.

A l’issue de cette messe, trois semaines avant tous les autres diocèses de France (parce que le diocèse d’Amiens est un diocèse prophétique !), je vous enverrai en mission pour vivre la démarche voulue par le Pape François. Il veut nous entendre. En vue du synode de 2023 à Rome sur le thème « Église, communion, participation, mission », il demande à chaque diocèse de lui faire réponse. Il nous dit à peu près ceci: Église de Dieu qui est à Amiens, chez toi, l’Esprit souffle certes sur l’évêque et sur les 70 prêtres du diocèse, y compris ceux qui ne sont pas là ce matin ! Mais L’Esprit souffle aussi sur chacun des baptisés de la Somme… et même au-delà, si tu ouvres les yeux, car l’Église n’est pas en surplomb du monde et de ses lois, mais au service de ce monde et de son salut.

Alors, Sainte Église d’Amiens, nous dit le Pape : Comment chacun, dans ton diocèse, participe-t-il à mettre en œuvre l’Évangile ? Comment vis-tu la communion dans la foi, dans l’amour, dans la fraternité, la communion des charismes et vocations, la communion eucharistique, la communion à Dieu ? Et, puis aussi : comment es-tu un peuple missionnaire ? Tous, j’en suis sûr, nous avons des choses à dire au Pape tant nous vivons de bien belles choses dans ce diocèse. Mais nous pourrons lui dire aussi : voilà le pas de plus à faire pour que cela aille mieux. Voilà comment mieux marcher ensemble en Église, mieux courir ensemble même, comme Marie allant chez Élisabeth, respectant le rythme le pas des plus lents, nous laissant pousser par l’Esprit ?

Je compte donc sur vous pour donner des idées au Pape François, non pas de façon théorique mais à partir de ce que vous vivez, pour une Église plus synodale. Car l’Esprit Saint souffle sur tous, y compris chez ceux qui ne nous suivent pas, comme disent les disciples à Jésus. Qui n’est pas contre nous est pour nous. Vos fils et vos filles prophétiseront, disait le prophète Joël (3. 1 et 2).

Jeunes et anciens, si l’amour de Dieu nous fait vibrer, nous avons tous quelque chose à dire. Nous formons tous une même famille sous le regard de notre Père unique. Rien ne sérieux ne nous sépare qui nous empêche de dire les paroles du Notre Père, la prière par laquelle Jésus nous rend frères et sœurs.

Un désir en tous cas, doit habiter notre Église diocésaine : que tous, en ce diocèse, ressentent, par nous, la proximité de Dieu. Que personne, et surtout pas les plus petits qui croient en Dieu, ne soit scandalisé par nous ! Frères et sœurs, vous le savez déjà, le mardi 5 octobre prochain, sera rendu public le rapport de la commission sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE). Cette commission a été voulue par la conférence des évêques de France, et par la conférence des religieux et religieuses de France pour faire la clarté sur ce qui s’est vraiment passé depuis 70 ans, essayer de comprendre, et offrir des pistes pour faire vraiment de l’Église une maison sûre. La publication de ce rapport va être une grande épreuve, pour les personnes victimes d’abord, habitées par ces blessures inguérissables de leur enfance. Épreuve aussi pour nous, prêtres, laïcs ou consacrés, et pour moi-même, votre évêque, car le nombre des actes recensés, sans parler de ceux qu’on ignore, dépassera probablement ce qu’on peut imaginer.

Ces actes ont été trop souvent couverts par nos négligences coupables et nos refus d’écouter vraiment le malheur des personnes victimes. Des telles révélations produisent comme une éclipse de l’Évangile. Là où l’Église doit refléter la Clarté de Jésus, le soleil de Dieu, un voile obscur semble faire obstacle : non pas une nuit qui souvent est belle et profonde, mais la ténèbre, celle que créée le péché, qui suscite l’abattement et la honte. Je vous parle franchement et honnêtement de cela. Que personne d’entre nous ne cherche à se justifier, ni à esquiver la question, ou à dire : ailleurs, c’est pire. La mission de l’Église est unique et essentielle. Elle est là pour transmettre l’amour de Dieu, et c’est le contraire qui s’est produit. Dans les jours qui viennent, dans la discrétion et la pénitence, nous aurons au cœur les personnes victimes. Nous penserons au soutien que nous pouvons leur apporter. Nous nous dirons aussi notre détermination à prendre les moyens pour que l’Église soit vraiment une maison sur pour les enfants et les jeunes, et pour que toute la société le soit aussi, notamment dans ce département où les violences familiales sont si nombreuses. Je pense aussi à tous les prêtres : que cette épreuve soit l’occasion de redécouvrir la beauté de leur engagement, y compris dans le célibat, et de réfléchir à vivre vraiment avec eux des relations de confiance et de fraternité, avec prudence et vigilance, sans mettre qui que ce soit sur un piédestal ni lui imposer d’humiliation.

En écoutant l’Évangile, peut-être vous êtes-vous dit : Jésus n’est-il pas trop dur en parlant ainsi : Si ta main, ton pied… ton œil est occasion de péché, coupe-le…arrache-le ? Mais devant le scandale qui brise les petits, comment ne pas comprendre la colère de Jésus. Bien sûr, frères et sœurs, par pitié, ne le faites-pas ! Le monde a besoin de vos deux mains pour porter les faibles, de vos pieds pour aller de l’avant, de vos yeux pour vous émerveiller et vous guider ! Mais recevons en pleine figure cette grande et sainte colère de Dieu : il ne supporte aucun compromis avec le mal et tout ce qui détruit ses enfants. Il veut que tous connaissent et vivent de l’amour du Père Créateur. Nous sommes créés pour la vie. Alors laissons-non, non pas effrayer, mais captiver, émouvoir et, entraîner par cette colère d’amour de Dieu. Elle jaillit de son cœur. Elle nous rappelle notre dignité et notre vocation. C’est La sainte colère des prophètes, qui vient des temps bibliques. Elle s’adresse aux croyants que nous sommes pour nous secouer, nous réveiller, nous remettre debout pour vivre à hauteur d’Évangile. Elle vient aussi parfois nous habiter quand l’homme ou la société devient médiocre ou stupide, ou quand notre église s’enferme dans des visions étriquées ou des conflits idiots. C’est la colère de Saint Jacques qui nous rappelle vertement qu’il faut choisir entre Dieu et l’argent : Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés par les mites, votre or et votre argent sont rouillés ! Ah quel bienfait de recevoir de temps en temps cette bonne claque biblique qui nous remet en face de ce que nous avons à vivre. Cette sainte colère nous ramène encore au désir de Moïse : Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son Peuple, un peuple de prophètes !  Oui nous sommes les porte-parole de Dieu. Nous sommes les témoins de sa colère d’amour, de son cœur de père juste et bon qui ne supporte pas le mal, l’emprise du démon et la destruction de ce monde par les forces du mal. Nous avons, frères et sœurs, la vie éternelle en nos mains, l’onction royale sur nos fronts, l’amour de Dieu dans nos cœurs. Ne les laissons pas croupir en nous.

Ce soir, je vais rejoindre Rome avec les évêques du Nord et de l’Est de la France, pour la visite ad limina apostolorum, c’est-à-dire, pour un pèlerinage au tombeau des apôtres Pierre et Paul, et une rencontre du Pape François et de ses collaborateurs, tout au long de la semaine prochaine. Puis-je vous demander encore une chose ? Soyez en communion de prière avec moi au tombeau des apôtres. Je vous emporte avec moi. Chaque jour de la semaine qui vient, prions ensemble pour un renouveau de foi, de vie apostolique et missionnaire dans notre beau diocèse d’Amiens, un renouveau eucharistique et vocationnel aussi. Au tombeau des apôtres Pierre et Paul, que nous soit donné de revenir aux commencements, à cette foi primitive des apôtres, passés au feu de l’épreuve et de la faute, mais éblouis par Jésus Vivant, régénérés par le don de l’Esprit, et se dispersant joyeusement pour vivre en ce monde leur pèlerinage de confiance. Pardonnez-moi d’avoir été trop long, mais en ce jour de fête, je voulais vous dire tout cela du fond du cœur.

Que Saint Firmin intercède pour nous.

Amen.

Merci à Florine Müller pour ces magnifiques photos de la célébration présidée par Mgr Le Stang à la Cathédrale Notre-Dame d’Amiens