Es-tu heureux de ton Eglise?

Es-tu heureux de ton Eglise ?

La question peut paraître iconoclaste, voire provocatrice. Ou encore très autocentrée. Elle n’est pourtant pas celle d’un sondage de satisfaction des clients. Elle est en fait décisive.

Car comment témoigner de la joie de l’Evangile, si je ne suis pas heureux de la communauté à laquelle et par laquelle le Seigneur a choisi de l’annoncer ? Comment témoigner de cette joie du salut, si je suis malheureux ou encombré de cette communauté du salut que le Seigneur a voulu pour devenir signe du don qu’elle reçoit ?

Qu’entendons-nous par « l’Eglise » ? Si nous ne la regardons que comme une institution – ce qu’elle est aussi, et ce n’est pas dénigrant car l’incarnation appelle le corps, y compris le corps social – nous n’y restons qu’au seuil. Et nous lui sommes en fait complètement étrangers.

Si nous ne voyons que ce qui est blessure et péché en elle – et il faut le voir, la vérité rend libre et en elle seule la conversion est possible – nous ne la regardons pas comme le Seigneur la regarde. Je sais trop aussi nos imperfections pour me plaindre sans cesse de son imperfection.

L’Eglise. « Tu nous a choisis pour servir en ta présence », dit la prière eucharistique numéro 2. Comment ne pas en être stupéfait ? L’Eglise, vous et moi, comme ce choix de Dieu. L’Eglise, comme l’expression de la fine pointe de la miséricorde de Dieu qui pour s’annoncer et se donner au monde ne veut pas faire l’économie de vous, de moi, de ce que nous sommes, de nos libertés souvent si blessées encore… Combien de fois ai-je dit au Seigneur : « mais tu ferais tellement mieux et tellement plus vite que moi, en direct. » Et à chaque fois, je reçois à nouveau cette révélation en Jésus : « moi, Jésus, Dieu sauve, je ne le serai jamais sans être Emmanuel, Dieu avec vous. Et donc jamais sans vous ! Quand bien-même cela prendrait un peu plus de temps. Mon amour pour vous ne veut pas faire autrement. »

L’Eglise, c’est celle qui naît de l’intimité du Père et du Fils après une nuit de prière de Jésus par l’appel des Douze (Lc 6) et du don de l’Esprit à la Pentecôte (Ac 2). Si vous ne la regardez pas de ce lieu-là, du cœur de la Trinité, vous n’y comprendrez rien. Elle vous sera alors toujours encombrante.  Et alors, dans cette conscience ou appartenance malheureuse, comment pourrez vous témoigner de la joie de l’Evangile ?

J’ai appris à aimer l’Eglise le jour où j’ai failli la quitter. J’avais 18 ans. Ce jour-là, le Seigneur me l’a donnée. Il m’a demandé d’arrêter de la rêver mais de l’aimer comme elle m’était donnée, dans le réalisme de notre incarnation. Car lui l’aime comme elle est et c’est pour elle qu’il donne sa vie (EP 5, 21 sv.).

J’aime l’Eglise, temple de l’Esprit, épouse et corps du Christ. Profondément. Je ne suis pas dupe de ses limites et de ses errances. Je suis même de ce point de vue là à un poste d’observation unique. Et je désire profondément sa conversion. Je sais qu’elle commence par la mienne et ça, je peux y travailler.

Mais je veux la regarder du lieu de sa naissance et de son salut. Et je l’aime profondément. Je vous aime profondément. Et je suis fier de vous. Pas dupe, mais fier. Ma joie d’être catholique, d’assumer la tradition et la foi de l’Eglise, est une condition fondamentale pour témoigner de la joie de l’Evangile. Comme je suis heureux de mon Eglise.

 

Mgr Olivier Leborgne
Évêque d’Amiens

J’ai appris à aimer l’Eglise le jour où j’ai failli la quitter. J’avais 18 ans.

Ce jour-là, le Seigneur me l’a donnée.

Il m’a demandé d’arrêter de la rêver mais de l’aimer comme elle m’était donnée, dans le réalisme de notre incarnation. Car lui l’aime comme elle est et c’est pour elle qu’il donne sa vie