Parole de notre évêque

Une encyclique sur l’écologie

Dans quelques jours, le pape François rendra publique une encyclique sur les questions écologiques. Ces questions sont relativement nouvelles (quelques décennies, à l’aune de l’histoire, ce n’est pas grand-chose). Elles sont cependant tout à fait urgentes. Nos manières de les entendre, d’y réfléchir, de nous y engager varient selon nos expériences,nos centres d’intérêts, les traditions dont nous sommes issus. Aujourd’hui cependant, nul ne peut faire l’impasse sur les enjeux qui y sont liés.

Je ne connais bien sûr absolument pas le contenu de l’encyclique que nous donnera le Saint Père, mais je voudrais, pour vous inviter à la recevoir avec attention, vous partager deux pistes de réflexion.

Les questions écologiques, tout d’abord, si elles touchent à la préservation de la Création et de l’environnement, ont fondamentalement un enjeu social. On a pu reprocher à l’écologie de ne relever que d’un certain romantisme bucolique ou de ne pas toucher au cœur des questions urgentes de la vie sociale. Nous le savons, il n’en est rien. Toutes les études le montrent, les modifications écologiques accélérées par l’activité croissante et incontrôlée de l’homme toucheront d’abord les plus pauvres. La désertification comme la montée de la température des eaux, par exemple, vont provoquer une raréfaction des ressources en nourriture auxquelles les plus pauvres ont accès. Les plus favorisés s’en sortiront toujours – ou presque –, les plus démunis deviendront encore plus démunis. Cela n’est pas acceptable.Nous ne pouvons donc faire l’économie de réfléchir avec tous à ces questions.

Les questions écologiques nous invitent ensuite aussi à réfléchir à la place de l’intelligence dans le rapport à la création, c’est-à-dire dans la relation à notre environnement et à la personne humaine en général. Dans un très beau livre intitulé « Vert comme l’espérance », Nicole Echivard, réfléchit à cette question. Le progrès s’est construit à partir d’une grande confiance dans l’intelligence et son déploiement de manière déterminée. Cela a été souvent pour le meilleur, mais aussi parfois pour le pire. L’intelligence s’est nourrie de la conviction qu’elle pouvait dominer tout, modeler indéfiniment le réel à sa guise, y puiser comme dans une carrière toujours disponible,sans être attentif à ses rythmes, à ce qu’elle portait. L’intelligence est ainsi devenue « prédatrice» , brisant son alliance naturelle avec la réalité. Il y a une forme de rationalisme et de positivisme qui tout en ayant permis des avancées fulgurantes a aussi conduit à la situation que nous connaissons. Il y a donc urgence à renouveler notre conception de l’intelligence. Si nous ne pouvons que souhaiter qu’elle reste créative et déterminée, elle ne le sera justement – c’est-à-dire au service de l’homme et de l’humanité – que si elle retrouve une authentique humilité qui lui fera renoncer au fantasme de toute puissance mais la rendra attentive au rythme de ce qui est donné et à son sens pour là y chercher et y ouvrir de nouveaux chemins possibles.

Il est frappant de constater combien cette question de l’intelligence, prédatrice ou humble et créative, est sous-jacente aux questions de l’écologie comme à celles du respect de la vie humaine. Ce n’est pas très étonnant, car l’homme au sommet de la Création fait partie de cette même Création et ne peut donc qu’être au coeur de la question écologique.
« Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait ; et voici : cela était très bon. » Gn 1, 31

+ OLIVIER LEBORGNE, ÉVÊQUE D’AMIENS
Paru dans la revue diocésaine Le Dimanche N° 5183 Juin 2015