Il nait dans la crèche pour naitre en nous

 

« Christ pourrait être né mille fois à Bethléem, s’il ne naît pas en ton cœur aujourd’hui, c’est en vain qu’il est né » déclarait Angelius Silesisus, un mystique allemand du 17ème siècle.

L’expression peut paraître un peu rapide. En effet, la fécondité de l’incarnation du Christ ne se réduit pas à l’accueil que nous en faisons. Cependant, elle touche quelque chose d’extrêmement profond.

Elle dit d’abord la quête de Dieu, son impatience à nous sauver, à nous rendre vraiment à la vie, bien au-delà de ce que nous en percevons. Si le salut en Christ concerne toute l’humanité, cela ne se « joue » pas de manière globale et anonyme, cela passe par l’attention à chacun, dans ce qu’il a d’absolument unique, de singulier, de concret. Parce que Dieu veut sauver tous les hommes, il désire chacun. Et quand dans le mystère de l’Incarnation il décide d’assumer une humanité singulière à un moment précis de l’histoire, c’est qu’il veut rejoindre chacun dans ce qu’il a d’unique. C’est pour dire à chacun combien il est aimé de Dieu, non pas seulement en général, mais de manière tout à fait personnelle, dans sa singularité profonde.

Dieu t’aime. Parce que c’est toi.

Ne te compare pas, ne te dis pas que le Seigneur a autre chose à faire et qu’il y a plus urgent ou plus amoché que toi, ne permets pas au Malin de te laisser penser que tu n’en vaux pas vraiment le coup. Garde confiance, sinon en toi, du moins en Lui !

C’est vrai que dans une culture de la performance, de la consommation et du déchet auquel parfois l’être humain est réduit, cette déclaration personnelle de Dieu à ton égard résonne d’une manière discordante.  Ne cherche pas à tout accaparer dans ta raison raisonnante. Si tu ne comprends pas – et qui d’ailleurs pourrait vraiment comprendre ? -, rends-toi simplement disponible et laisse-toi aimer : Dieu est né en Jésus il y a 2000 ans pour toi. Pour l’humanité entière bien-sûr, pour chacun de ceux qui t’entourent. Mais pour toi très personnellement. Et il demande à naitre en toi.

Parce que la manière par laquelle Dieu veut nous sauver de la tristesse, de ce qui nous empêche de naître vraiment à nous-même – qui d’entre nous en a définitivement fini avec ses contradictions intérieures ? –, de notre propre violence et de la violence du monde, c’est de naître en chacun de nous. Non pas pour prendre toute la place. Mais pour nous la donner là où tant d’événements la contestent ou la refusent.

Le salut en Christ n’est rien d’autre que la vie en plénitude. Quand le Fils éternel du Père, que l’Écriture appelle « le Verbe » ou « la Parole » (cf. Jn 1,1), prend chair de notre chair, il commence par se faire enfant : étymologiquement, celui qui ne parle pas. La Parole qu’est le Christ ne vient pas nous submerger mais commence dans la discrétion et le silence à créer l’espace pour que nous puissions prendre la parole et exister.

Après sa résurrection, la première chose que Jésus fera sera de donner la parole à ceux qu’il rencontre : « De quoi parliez-vous donc en chemin », demandera t’il aux disciples d’Emmaüs. C’est que son objectif – réaliser la volonté du Père en nous le révélant -, est de faire « avec nous ensemble lever la parole » (Mt 19,25 – traduction littérale). Il veut nous rendre auteur de notre vie dans la liberté véritable. Et pour cela, lui-même se donne pour lever en nous, comme ce levain qui purifie et fait lever, comme cette nourriture qui donne force et tient debout, quoi qu’il arrive (Il naît dans une mangeoire, par deux fois l’évangéliste le souligne, comment ne pas y voir dès les premiers versets de l’Évangile une indication eucharistique).  Le Seigneur est lui-même cette Parole qui demande à lever en nous, Dieu lui-même dans la grâce de la résurrection. Il ne nous dissout surtout pas en autre chose que nous-mêmes, il désire diffuser en nous comme une incroyable énergie d’espérance, d’humanité et de don. Et donc de joie.

Je vous souhaite un très joyeux Noël ! Quoique vous viviez – et je sais que certains parmi vous traversent de très douloureuses épreuves -,  je demande au Seigneur que vous puissiez expérimenter quelque chose de sa  prédilection pour vous, et que vous le laissiez naître et lever en vous « aujourd’hui ». Et ne faites pas du fait que vous ne comprenez pas vraiment, l’alibi pour ne pas Le laisser faire…  Car « voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers » (selon le prophète Isaïe, finale de la première lecture de la messe de la nuit de Noël).

+ Olivier Leborgne
Évêque d’Amiens

Mgr Olivier Leborgne

Je vous souhaite un très joyeux Noël ! Quoique vous viviez – et je sais que certains parmi vous traversent de très douloureuses épreuves -,  je demande au Seigneur que vous puissiez expérimenter quelque chose de sa  prédilection pour vous, et que vous le laissiez naître et lever en vous « aujourd’hui ».