Homélie de clôture de la visite pastorale du secteur Vallée d’Ancre

Chers frères et sœurs,

Annoncer l’Évangile et servir nos frères et sœurs, notamment ceux qui sont le plus en difficulté, n’est-ce pas ce que nous avons à vivre ensemble lorsque l’amour de Dieu nous presse ? Plus nous grandissons dans la foi, l’amour, l’adoration de Dieu, la méditation de sa Parole et l’accueil des sacrements, plus nous avons envie de faire répandre cet Évangile autour de nous et de le mettre en pratique. C’est pourquoi je me réjouis qu’il y ait dans les quatre paroisses de ce secteur de la Vallée d’Ancre des fraternités où on méditent l’Évangile entre frères et sœurs, des groupes bibliques, de louange et d’adoration, que le chapelet soit prié chaque jour à la basilique et qu’il y ait tant de lieux où on prend le temps de la prière. Nous avons beaucoup prié au cours de cette visite pastorale, et c’est bon. Car l’Église n’est pas notre propriété, mais la communauté habitée et conduite par l’Esprit de Jésus. Notre vie en Église doit être vécue à la manière de Marie, en méditant la Parole de Jésus, en se tenant aux pieds de la Croix, en accueillant l’Esprit Saint au Cénacle. Cette Église de la prière, de l’approfondissement de la foi, de l’ouverture à l’Esprit Saint et de la confiance à Marie et aux saints, est belle, intérieure, et ne peut que grandir.

Dans la première lecture, nous avons entendu comment s’est organisé l’Église primitive, entre annonce de la Parole et service des frères et sœurs. Tout le monde ne peut pas tout faire. Chacun prend part à la mission de l’Église en fonction des besoins de la mission et en fonction de ses charismes : les apôtres doivent se concentrer sur l’annonce de l’Évangile aux païens, un autre groupe s’occupera des « veuves désavantagées ». Il en va encore ainsi dans les communautés chrétiennes : les responsabilités se partagent. Il y a bien sur la mission des prêtres, attentifs à la mission vers tous et à la communion des baptisés entre eux. Je remercie Dieu, ici, pour vos deux prêtres « prêtés » par des diocèses du Burkina Faso, en attendant que les vocations refleurissent dans notre diocèse. Merci aussi à l’abbé Vitse, en retraite officiellement mais encore très actif. Il y aussi les religieuses, et nous pouvons vraiment rendre grâce pour le cadeau du ciel que sont les sœurs de Saint Vincent de Paul, arrivées depuis cinq ans dans votre secteur : attentives à tous, dévouées dans de multiples domaines de la charité et de la pastorale, femmes de prière et de service. Et puis, il y a la mission en tant d’autres domaines qui appellent l’engagement de tant de baptisés hommes et femmes : bien sur l’engagement dans les ECP (équipes de conduite pastorale) avec les prêtres. Certaines vont être renouvelées. Personne ne doit faire plus de deux mandats, trois au maximum dans une ECP. Il faut que ça tourne dans ces équipes. L’Église ne fonctionne pas comme une démocratie, certes, mais pas non plus comme un groupe où la responsabilité reste aux mains des mêmes. On finit toujours par trouver la relève, et si on ne la trouve pas, on réfléchit à d’autres manières d’organiser la vie paroissiale, en se liant à d’autres paroisses par exemple. Il n’y a pas que les ECP : j’ai été émerveillé de voir cette semaine l’engagement des chrétiens dans les écoles catholiques du secteur à Warloy-Baillon, et dans les écoles et collège Saint Charles de Foucauld d’Albert, émerveillé du travail fait dans les aumôneries de collège public comme à Acheux, émerveillé par l’engagement des catéchistes, et heureux de voir des jeunes parents s’y mettre aussi pour transmettre la foi aux enfants. J’ai été vraiment heureux de voir la vingtaine de jeunes réunis vendredi à la Mission Jeunes d’Albert, organisés entre eux, heureux de prévoir des activités communes. Quelle grâce pour l’avenir ! Laissez de la place aux enfants et aux jeunes dans vos assemblées, le plus possible ! Ce sont vos enfants et vos petits-enfants ! Ils sont la jeunesse de notre Église, qui reflètent la jeunesse éternelle du cœur de Dieu. A Warloy-Baillon, avec les enfants de l’école et les anciens de l’EHPAD, nous avons planté un chêne : quel magnifique moment de rencontre des générations ! Quand les jeunes sont attentifs aux anciens et que les anciens sont touchés par la présence des enfants auprès d’eux, on fait vraiment une expérience d’Église qui plaît à Dieu, j’en suis sûr.

Je ne vais pas recenser tous les groupes et toutes les personnes qui donnent un peu de leur temps, de leurs talents et aussi de leur argent…car il n’y a pas de vie d’Église sans les dons des fidèles, sans le denier de l’Église, et j’ai pu voir les travaux à envisager à plusieurs endroits : sans notre générosité à tous, on ne peut pas grand-chose. Je veux surtout faire écho à cette parole de Pierre dans la deuxième lecture. Saint Pierre à qui Jésus a dit : tu es pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église ! Rappelle ceci : La pierre angulaire grâce à laquelle tout tient et se tient, c’est d’abord Jésus. Toutes les autres pierres tiennent à partir de Lui et forment l’Église à partir de cette pierre angulaire. Le fondement de tout, dans l’Église, c’est Jésus, et il ne peut y en avoir d’autres. A partir de là, autour du ministère de Pierre, solide comme le roc, le ministère de l’unité qui tient les murs à leurs jonctions, celui du Pape, et des évêques aidés par les prêtres, il y a l’ensemble des pierres vivantes, que nous sommes tous. Non pas des pierres mortes, sèches, ratatinées sur leur routine démodée, des pierres qui se désagrègent peu à peu, non ! Des pierres vivantes qui forment le temple spirituel, en s’offrant elles-mêmes, en se donnant elles-mêmes en sacrifice de louange. Les pierres que vous êtes, frères et sœurs, vous qui formez ensemble l’Église de Jésus qui doit porter Jésus dans toutes les maisons d’Albert, de Bray, d’Acheux, de Mailly-Maillet et de tant de villages ! L’amour de Dieu, la lumière de la foi, la charité du Christ doivent être offerts à tous, y compris à ceux qui n’en veulent pas. Nous offrons cet évangile à ceux qui viennent à nous, en demandant un sacrement, ou le catéchisme, ou une aide (comme au secours catholique), ou un accompagnement dans un deuil, ou une écoute ou un peu de fraternité, en offrant parfois simplement une église ouverte comme je l’ai vu ici ou là, et pas seulement à la basilique. Ils viennent à nous et il nous revient aussi d’aller à eux, là où nous vivons. Être pour les autres une pierre vivante, et leur dire : toi aussi tu peux participer à la construction de l’édifice spirituel dans un monde qui a besoin et de fraternité et de spiritualité… et de bon sens aussi !

Pour être ainsi des pierres vivantes, il n’y a pas 36 recettes ! C’est notre relation à Jésus qui est la clé. Regardez l’Évangile, comment Thomas et Philippe sont intéressés par Jésus : ils cherchent à comprendre, ils posent des questions, ils parlent à Jésus. Et Jésus leur répond, et à travers eux, dans l’Évangile, Parole de Vie, il nous répond à nous. Seigneur, nous ne savons pas où tu vas, comment saurions-nous le chemin ? Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. Seigneur pourquoi ceci, cela ? En fréquentant le Christ, en posant nos vraies questions de vie à Dieu, en se formant en Église, en partageant avec des frères chrétiens, en lisant, en priant… les choses s’éclairent peu à peu. Nous ne sommes pas crispés sur une vie d’Église à l’ancienne comme sur un héritage qu’on ne veut pas partager. Mais nous ouvrons notre cœur à Jésus, Chemin, Vérité, Vie qui nous conduit à son Père. Nous lâchons prise, même face à la mort et nous grandissons dans la paix intérieure et dans l’espérance. Quel immense cadeau que ce don de la foi ! Comment pourrions-nous le garder pour nous !?

Saint Pierre dit : nous sommes une nation sainte, un peuple destiné au salut… appelé à annoncer les merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. Beaucoup de gens en ce monde vivent dans la nuit, pour différentes raisons, et parfois dans les ténèbres du péché, des addictions, de la cruauté, du mal ou de la souffrance sous toutes ses formes. En Église, en évitant d’être complices de ces ténèbres, en évitant par exemple de pratiquer le « terrorisme de la médisance » comme dit le Pape François, nous pouvons contribuer à laisser passer la lumière du Christ, la lumière de sa tendresse, la miséricorde du Père, en annonçant Jésus, Chemin, Vérité, Vie. Nous n’avons pas d’autres missions, et c’est ce sur quoi nous devons nous concentrer pour ne pas mourir mais pour continuer à être ces pierres vivantes du temple spirituel qu’est notre Église. Amen.

+ Mgr Gérard Le Stang, évêque d’Amiens

5°dim Pâques. 7 mai 2023. Homélie de clôture de la visite pastorale. Secteur Vallée d’ancre (Albert).