Homélie du dimanche de Pâques 2023

Chers frères et sœurs,  

Le jardin de Pâques est en fleurs. Une source coule en lui. Le corps souffrant et desséché sur la Croix, le corps du crucifié aurait pu nous faire désespérer de l’homme, si méchant, si cruel, si injuste, aujourd’hui comme hier. Mais ce n’est pas une fatalité. Celui qu’ils ont supprimé en le pendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité.  

Nos chemins de croix ont été étalés devant Dieu. Tant de souffrances humaines, tant de péchés aussi et nous l’avons avoué : c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Il a payé pour nous, en prenant librement sur lui, toute cette violence que nous nous infligeons les uns aux autres, et que nous avons projeté sur Lui. En quittant Jérusalem, tels les disciples d’Emmaüs, nous aurions pu cheminer longtemps, le cœur vrillé par la tristesse. Et c’est de cette manière que sur notre terre, beaucoup cheminent, par des chemins sans espérance. Mais, encore une fois, ce n’est pas une fatalité. Il s’est manifesté à des témoins choisis par avance, à nous qui avons mangé et bu avec Lui après sa Résurrection. 

Sur la Croix, au coup de lance, du cœur ouvert de Jésus, ont jailli le sang et l’eau. Cela déjà aurait pu nous alerter, tout comme la mémoire de ses paroles et de ses actes. On n’éteint pas la Vie d’un coup de lance mortel. Au tombeau, le temps du Shabbat, le Samedi Saint durant, le Père qui est toujours au travail (Jn 5,17), s’est penché sur le Corps de son Fils Unique, qui a porté le péché de tous et assumé leur mort. Il l’a pénétré de son souffle de vie comme autrefois, il avait soufflé son haleine en Adam pour le faire naître. Il l’a fait surgir, Vivant, et incorruptible, le Nouvel Adam qui remet l’humanité sur le bon chemin et en ordre de pèlerinage.  

La soif de Jésus sur la Croix, quémandant un peu d’eau de notre part, devient notre soif. Du jardin de Pâques jaillit une source nouvelle. De son côté, jailliront des fleuves d’eau vive, avait déjà averti Jésus.  Une vie nouvelle jaillit du tombeau, plus limpide encore que celle du corps du crucifié, plus vivifiante encore que celle issue du sein de la Vierge Marie, mais la même Vie, la vie divine, dans son corps-à-corps avec la vie humaine depuis ses commencements jusqu’à sa fin. Cette eau de la vie vient jusqu’à nous par la Parole et les sacrements. Notre soif est désaltérée quand, dans la foi au Christ Vivant, nous laissons son amour dilater notre cœur, et osons devenir les témoins de cette vie nouvelle auprès de nos frères et sœurs.   

On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a déposé. Marie-Madeleine, la première des apôtres, toute en sincérité et en désarroi, annonce le tombeau ouvert. Elle ne fait pas de théorie. Elle dit simplement : il n’est plus là. Pierre fait le constat clinique qu’elle dit vrai. Le disciple bien-aimé, lui, passe immédiatement à la foi. Il vit et il crut.   

Nos passages à la foi au Christ composent avec nos psychologies, nos histoires, nos formes mentales, nos imprégnations culturelles, nos doutes nés de l’épreuve ou du mal subi et parfois commis sans être assumé. Mais ces passages sont possibles et peuvent s’approfondir de jour en jour. Les méandres de nos esprits et de nos âmes, nos cœurs souvent secs, crient secrètement vers Jésus, comme la Samaritaine : Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’ai plus jamais soif. Notre humanité, en ses membres souffrants, a soif de résurrection et de renaissance. Parfois même, dans une société qui privatise tellement l’expérience spirituelle ou l’éloigne du christianisme, elle hésite à prononcer le nom de Jésus. Et pourtant, il est Lui et Lui seul, le cœur du monde. Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé ! Nous avons la sérieuse mission de nous libérer du mutisme qui enferme nos frères et sœurs dans leurs soifs et le dessèchement de leur âme. 

 La Résurrection de Jésus est un événement qui se vit au présent, ici et maintenant, au cœur de cette liturgie et peu après au cœur de notre vie. Il a surgi du tombeau une fois pour toute, mais il ne cesse de surgir en notre cœur. Il ne cesse de se faire voir aux yeux de notre foi. Il ne cesse d’être eucharistie. Il ne cesse d’irriguer nos cœurs de sa charité et de son désir de faire le bien, du bonheur d’être justes et bons, avec une conscience droite. Jésus Vivant est au milieu de nous, ici et maintenant. L’événement de la Croix et de la Résurrection ne passe pas. C’est l’unique Événement de l’histoire, si nous croyons que l’avenir du monde et celui de chacun de nous, c’est la vie en Dieu, en son éternité et non les affres de la mort.  

Frères et sœurs, nous n’en avons pas fini avec le christianisme. Bien au contraire, l’aventure ne fait que commencer. La puissance du fleuve de Vie qui jaillit du Christ Ressuscité, qui coule en toute liturgie et en notre cœur, ne peut être endiguée. Rien n’arrête un fleuve qui déborde et emporte tout sur son passage. Qui donc pourrait arrêter le fleuve d’amour de Dieu, jaillie du cœur sacré de Jésus crucifié, qui emporte même la mort dans son passage ? Ni vous, ni moi, ni personne. Christ n’est plus au tombeau, il est ressuscité. L’antique jardin a refleuri.  

Il est vraiment ressuscité. Amen. Alleluia !  

+ Mgr Gérard Le Stang

Homélie du dimanche de Pâques en la cathédrale Notre-Dame d’Amiens