Homélie de l’ascension « Citoyens du ciel »

SOLENNITÉ DE L’ASCENSION DU SEIGNEUR

Homélie du Père Louis-Pasteur

Textes : Actes 1, 1-11 ; Ps 46 (47) ; Ephésiens 1, 17-23 ; Matthieu 28, 16-20

Citoyens du ciel

Prêtre référent d’une école maternelle et primaire d’enseignement catholique, je rencontrais systématiquement tous les enseignants et tous les élèves de l’établissement, une fois par mois environ et à l’approche des temps forts et grandes fêtes liturgiques : Toussaint, Avent, Noël, Carême, Pâques, Ascension, etc. L’objectif de ces rencontres était de donner aux élèves le sens chrétien des événements et fêtes que nous célébrions.

Pour mon passage juste à la veille de la solennité de l’Ascension, commençant par l’école maternelle, j’ai demandé aux tout petits : « Vous connaissez l’ascenseur ? Vous en avez chez vous ? À quoi sert l’ascenseur ? » Plusieurs mains se levèrent à la fois. J’interrogeais alors le premier et qui me répondit : « l’ascenseur, c’est pour monter ! » J’interrogeais un second, qui ajouta : « l’ascenseur c’est pour descendre, aussi ! ». Et à partir de là, je puis continuer ma mini catéchèse, leur expliquant que Jésus, le Fils Dieu habite au ciel, avec son Père. Mais il est descendu sur la terre pour nous faire connaître son Père. Après avoir terminé sa mission sur la terre, il est monté de nouveau au ciel, rejoindre son Père, où il nous attend. Un jour, nous le rejoindrons au ciel.

L’Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ (sa montée au ciel) est indissociable de son Incarnation (sa naissance dans la chair, à Noël). En effet, comme le dit saint Jean, « nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. » (Jean 3, 13) Ou encore, comme l’explique saint Paul : « Que veut dire : Il est monté ? – Cela veut dire qu’il était d’abord descendu dans les régions inférieures de la terre. Et celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers. » (Ephésiens4, 9-10)

Bien que douloureuse, du fait qu’il soit « venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu » (Jean 1, 11), la première venue de Jésus dans la chair, à Noël, n’en fut pas moins glorieuse. Les anges ont été les premiers à chanter la gloire de cette venue et à y inviter toute l’humanité : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. » (Luc 2, 14). La Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ est, à son tour, un événement glorieux. La gloire dont Jésus avait resplendi sur la montagne de la Transfiguration, « son visage devenant brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière » (Matthieu 17, 1-9) sera encore plus grande et plus resplendissante à la Résurrection. La gloire de la Transfiguration était une annonce de celle de la Résurrection.

La nuée  lumineuse qui emporte Jésus dans la gloire du ciel, 40 jours après sa Résurrection, porte à son comble la gloire de la Résurrection qui ouvrira à d’autres gloires, encore : celle de la venue du Saint Esprit, Esprit de Lumière, de Feu et de Puissance mais aussi et surtout celle de sa dernière venue dans la gloire, lorsqu’il reviendra juger les vivants et les morts et établir son Règne de Vie et de Vérité, de Grâce et de Sainteté, de Justice d’Amour et de Paix.

Les textes de cette solennité de l’Ascension insistent tous sur ce pouvoir, cette domination, cette puissance, cette seigneurie du Christ, qui règne au-dessus de tout, en tout et pour tout. En effet, dans la 1ère lecture, alors que les apôtres réunis l’interrogeaient justement sur les temps, les moments où ce pouvoir sera officiellement instauré, rétabli, Jésus déclare : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel est sur la terre. » (Évangile). L’apôtre Paul précise les contours et les attributions de ce pouvoir dans la 2ème lecture : «Il (Dieu) l’a établi au-dessus de tout être céleste : Principauté, Souveraineté, Puissance et de Domination, au-dessus de tout nom que l’on puisse nommer, non seulement dans le monde présent mais dans le monde à venir. Il a tout mis sous ses pieds et, le plaçant plus haut que tout, il a fait lui la tête de l’Eglise qui est son corps, et l’Eglise, c’est l’accomplissement total du prix, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude. »

À l’heure où l’efficacité, la rentabilité, le rendement, la performance, deviennent les leitmotiv et les maîtres mots, parler du ciel, inviter à lever les yeux et à regarder vers le ciel, peut sonner creux, paraître irresponsable et contre-productif. La relance de l’économie, durement éprouvée par la crise sanitaire et les deux mois de confinement, la reprise de l’activité industrielle, le rattrapage du « temps perdu » : voilà qui, si l’on ne prend garde, risque de nous faire foncer, tête baissée, le nez dans le guidon.   Pourtant, il va falloir garder et pérenniser le capital de contemplation de la nature, d’élévation de notre esprit et de notre âme, que nous avons emmagasiné au fil de ces mois de confinement. Nous avons été nombreux à remarquer et à nous réjouir du fait que nature a repris ses droits. Le ciel n’a jamais été aussi bleu et beau parce que moins pollué par le kérosène des avions, cargos et charters. Le ciel, c’est là le message essentiel de l’Ascension. Fêter la solennité de l’Ascension, c’est acter que Jésus est monté au ciel, admettre que le ciel est une patrie, une demeure. C’est proclamer que le ciel c’est notre patrie, notre demeure, comme le dit si bien le cantique qui repend les paroles de la lettre aux Philippiens : « Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir. » (3, 20-21)

https://youtu.be/cz9I4ko4Y3g : Notre cité se trouve dans les cieux, Nous verrons l’Epouse de l’Agneau, Resplendissante de la gloire de Dieu, Céleste Jérusalem.

« Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire. » (Colossiens 3, 1-4)