Homélie du 6e dimanche « Garder le Commandement de l’amour »

Homélie du 6e dimanche « Garder le Commandement de l’amour »

Textes : Actes 8, 5-8. 14-17 ; Psaume 65 (66) ; 1ère Lettre de Pierre 3, 15-18 ; Jean 14, 15-21

Garder le Commandement de l’amour

Un enfant, que nous avons eu un mal fou à canaliser pendant un camp d’été, qui ne respectait pas le règlement et qui se faisait toujours rappeler à l’ordre, me fut amené un jour par les animateurs qui n’en pouvaient plus, pour que je le sermonne. Usant alors de toute la pédagogie et de toute la charité possibles pour lui faire entendre raison, le gamin me rétorqua véhément : « tu n’as pas le droit de me parler comme ça ! Tu n’es pas mon père pour me commander ! » Je compris alors que j’avais affaire à un môme qui avait vraisemblablement du mal avec le règlement. Le règlement, la loi, les commandements…

Dans l’Évangile de ce 6ème dimanche de Pâques, Jésus déclare : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements.» La Loi de Moïse contenait 613 commandements. Jésus les résume, les ramène à 2, qui ne font qu’1 : « Voici le premier (commandement) : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » (Marc 12, 29-13).

Deux (2) incidences pratiques m’apparaissent dès lors fondamentales dans la dialectique aimer Jésus et garder ses commandements.

D’abord, il me semble primordial de reconnaitre et d’admettre, en toutes vérité, sincérité et humilité, que l’enfant qui m’a été amené lors du camp d’été n’est pas le seul à avoir du mal à observer les règles, à obéir à la loi et à garder les commandements. Plus d’un, en effet, ont du mal à accepter une règle, à suivre une loi, à pratiquer un commandement. Le nombre hallucinant d’amendes, de contraventions, de rappels à la loi et d’appels émis à la police, pour dénoncer les voisins qui faisaient fi des gestes barrières et mesures de distanciation sociales, au cœur de la lutte contre le coronavirus, illustre parfaitement cette vérité.

Bien des fois, nous pensons que le règlement, la loi et les commandements ne sont là que pour contrecarrer notre bonheur. Nous les considérons comme des rabat-joies, des boulets que nous trainons, des fardeaux lourds à porter. Alors, non contents de désobéir, d’enfreindre, de passer outre, nous pestons, protestons, rouspétons, râlons.  C’est bien dans notre ADN, n’est-ce pas ?

Pourtant, venant de Dieu, donnés par Jésus, les commandements ne peuvent être que bons. En effet, de Dieu, peut-il sortir quelque chose de mauvais ? Dans le 1er chapitre du Livre de la création (genèse), Dieu vit ce qu’il avait créé ; cela était bon, très bon même ! S’ils sont bons, délicieux, comme le fruit de l’arbre, les commandements sont donc à croquer à pleines dents. Nous devons les aimer, comme nous aimons ce qui est succulent, délicieux. « De quel amour j’aime ta loi : tout le jour je la médite ! » dit le Psaume 118, verset 7. Nous devons considérer les commandements comme un don de Dieu pour notre bonheur, les accueillir comme un cadeau pour notre joie, les garder comme une loi d’amour pour la sainteté de vie à laquelle nous sommes tous appelés. .  « Je trouve dans la voie de tes exigences plus de joie que dans toutes les richesses.  Mon bonheur c’est la loi de ta bouche. J’aime tes volontés, plus que l’or le plus précieux. Ta loi fait mon plaisir, je l’aime.» poursuit le même psaume 118.

L’amour a besoin de preuve, de signe palpable et il les réclame ! Garder les commandements, les mettre en pratique, les observer, c’est la manière concrète pour nous d’aimer Jésus, de nous laisser aimer par lui, par son Père, aussi, et d’aimer les frères et sœurs en Eglise et en humanité auxquels ils s’identifient, depuis la Création et l’Incarnation, et vers lesquels ils nous envoient.  « Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »

 Il s’en suit (deuxième incidence pratique) qu’aimer, c’est beau, c’est formidable, c’est noble, mais qu’aimer et se laisser aimer, peut paraitre bien difficile, parfois ! Pourtant, l’accomplissement des commandements est le signe tangible de l’amour que nous avons pour Dieu, étant entendu que Lui, Dieu, nous a aimés, le 1er.

Créés par amour et pour aimer, Adam et Eve, vont faire la douloureuse expérience de la difficulté qu’éprouve le genre humain à manifester son amour vis-à-vis de Dieu par le biais de l’observance des commandements et de l’obéissance à la loi d’amour.

L’apôtre Paul a fait l’expérience de ce douloureux écartèlement de l’homme, qui désobéit si souvent aux commandements Dieu en succombant, hélas, à la tentation d’écouter le Serpent, c’est –à-dire de prêter l’oreille à la suggestion, à la séduction, à la tentation. « En effet, ce qui est à ma portée, c’est de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. Malheureux homme que je suis ! Qui donc me délivrera de ce corps qui m’entraîne à la mort ? » (Romains 7, 18-19. 24)

Face à l’aveu de notre faiblesse humaine, devant le cri de détresse que nous lançons à l’instar de l’apôtre Paul, effondré devant le constat du grand abîme qu’il y a entre sa volonté de garder les commandements de l’amour et la triste réalité de sa grande désobéissance, la réponse et la solution nous viennent de la Force et de la Puissance de l’Esprit Saint, que Jésus promet, et qu’il donne

Cet Esprit de puissance et de force, Jésus l’appelle, dans l’Évangile de ce 6ème dimanche de Pâques, « Défenseur » : « Je prierai le père et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité. » Le premier Défenseur, c’est Jésus, lui-même. A Gethsémani, ne défendra-t-il pas ses disciples en ces termes : « Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir. » Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés » ? (Jean 18, 8-9).

On se défend, quand on est attaqué, accusé. Le Défenseur, c’est pour faire taire l’Accusateur. Jésus nous promet et nous donne effectivement le Défenseur, car il sait que nous sommes et nous serons accusés par un accusateur. L’Accusateur par excellence, c’est le péché. « Mes petits-enfants, je vous écris cela pour que vous évitiez le péché. Mais si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste. » (1ère Lettre de st Jean 2, 1) L’accusateur, c’est le Tentateur, le Séducteur, le Diviseur, le « grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes », contre lequel, l’Eglise et ses enfants livrent une bataille sans merci, depuis des siècles. Ce combat, dont nous avons pu percevoir l’actualité et l’acuité au travers des allocutions, discours, décisions, comportements réactions, propositions et contre-propositions ad intra et ad extra de l’Eglise pendant le confinement et la gestion de la crise sanitaire sera à continuer, à mener, à livrer, avec les armes de la Foi-Confiance, de l’Espérance, de la Charité fraternelle, de la Prière et de la Mission aux périphéries. La bonne nouvelle, c’est que le Christ, « Vainqueur du monde » (Jean 16, 33) nous donne la Victoire, par sa Mort et sa Résurrection mais aussi par la Force et la Puissance de son Esprit Saint, Défenseur, Avocat, Paraclet, « qui fait toutes choses nouvelles » (Apocalypse 21, 5)

 « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! Car il est rejeté, l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait, jour et nuit, devant notre Dieu. Eux-mêmes l’ont vaincu par le sang de l’Agneau, par la parole dont ils furent les témoins ; détachés de leur propre vie, ils sont allés jusqu’à mourir » (Apocalypse 12, 10-11)