homélie du vendredi saint « Jésus est ressuscité, il n’est plus sur la croix »

Vendredi saint/La Passion du Seigneur

Homélie du Père Louis-Pasteur

Textes : Isaïe 52, 13-53, 12 ; Psaume 30(31) ; Hébreux 4, 14-16 ; 5, 7-9 ; Jean 18, 1-19, 42

Dans le groupe WhatsApp de ma classe d’âge du pays auquel je participe activement, et où nous avons vécu une véritable retraite spirituelle pendant ce carême, avec des thèmes chaque semaine, des questions auxquels je répondais par un enseignement, celle-ci m’a été posée : pourquoi continuons-nous de porter la croix à notre cou, d’accrocher aux murs de nos maisons des crucifix avec le Christ cloué dessus, alors que Jésus est ressuscité, il n’est plus sur la croix ?

Ayant perçu, très clairement, l’origine de cette question et voyant bien quelle est cette branche chrétienne qui a tendance à promouvoir cet argument, j’ai pris tout mon temps pour lui expliquer ce qui suit et qui convient tout à fait au mystère que nous célébrons en ce vendredi saint :

D’abord, la croix n’a pas été le premier « signe » des chrétiens. Ne commençons-nous en douceur et ne terminons-nous pas en beauté toutes nos assemblées de prière parle le « signe de croix » ? Cependant, force est de constater que le premier signe les chrétiens a été le signe du poisson ou le symbole du poisson. Soyons clairs, cela n’a rien à voir avec le signe astrologique du poisson qui décrète que vous êtes sensibles ou rêveurs et que vous avez une belle âme et de l’intuition.

Le poisson en grec se dit Ichthus ou Ichthys (ἰχθύς). En prenant chacune des lettres qui forment ce nom, on obtient un acronyme qui contient cette belle profession de foi : Jésus-Christ, le Fils de Dieu, notre Sauveur ! En temps de persécution acharnée contre eux et d’interdictions de tout culte et de toute célébration, les premiers chrétiens avaient trouvé cette voie pour dire leur foi et en témoigner. Sur les portes de leurs maisons, ils dessinaient un poisson et ils se reconnaissaient ainsi entre eux.

Ce n’est que plus tard, que la Croix va devenir le signe des chrétiens. Le signe de croix vient donc après le signe du poisson. Là aussi, il apparaitra comme le fruit d’une longue réflexion. En effet, les premiers chrétiens ont dû utiliser leur imagination, leur ingéniosité, leur capacité d’adoption et leur créativité pour en arriver à adopter la croix comme signe de vérité, de verdict, de vie et de victoire. Ils constatent que lors des expéditions militaires, après avoir battu un peuple, les Romains, qui étaient des païens, avaient l’habitude de revenir au champ avec des objets précieux qu’ils avaient récupérés de l’ennemi défait. C’était tantôt le diadème du roi, le collier de la reine, l’emblème de la ville, la couronne ou le sceptre royal…Ils plantaient leurs lances ou leurs épées au cœur de ces objets et les soulevaient gaillardement comme des trophées ; les brandissaient triomphalement comme des preuves de leur victoire. Toute la ville sortait alors et communiait au triomphe de ses braves soldats au rythme des ovations, acclamations, chants et danses de victoire.

Les païens ayant leurs trophées, les chrétiens se sont fait le leur. Pour eux, la victoire, le Christ l’a acquise sur le péché et sur la mort en mourant sur la croix.  Pour eux, la croix est le lieu de victoire, le signe du triomphe, le trophée par excellence ! Ils vont alors se mettre à l’arborer, à la décorer, à la célébrer, à la vénérer.

Saint Léon le Grand (1er siècle), dans son Sermon pour la Passion, que nous avons lu à l’office des lectures de ce vendredi saint va dans le même sens lorsqu’il affirme :

« En se chargeant ainsi du bois de la croix, de ce bois qu’il allait transformer en sceptre de sa force, c’était certes aux yeux des impies un grand sujet de dérision mais, pour les fidèles, un mystère étonnant : Le vainqueur glorieux du démon, l’adversaire tout-puissant des puissances du mal, présentait sur ses épaules, avec une patience invincible, le trophée de sa victoire, le signe du salut, à l’adoration de tous les peuples. »

C’est dans cet esprit qu’il nous faut revivre la vénération de la croix, en ce vendredi saint. Nous pourrons, oui, à la maison, le faire, après avoir essayé de vivre le chemin de croix Vous trouverez, en pièce jointe, la proposition de chemin de croix pour le secteur, faite par une équipe du secteur.

Puissions-nous, ce faisant, découvrir, au-delà de l’aspect sanglant et rebutant de la croix, la beauté qui s’y cache, « la beauté paradoxale » comme dit le grand théologien allemand, Urs Von Balthasar et que saint Jean résume en l’amour dont Jésus nous a aimés et que fait qu’il a souffert la mort de la croix pour nous.

« Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » (Jean 13, 1)

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

(Jean 15, 13)

Croix bretonnes, calvaires bretons, croix picardes, calvaires samariens, calvaires et croix du Santerre, croix plantées sur nos chemins, que je ne passe plus jamais devant vous, à coté de vous, sans penser à l’immensité de l’Amour de Dieu en Jésus christ pour moi !

Chant : Croix plantée sur nos chemins : https://youtu.be/-j9lfPgU9hI