Homélie du dimanche des rameaux « branle-bas de combat »

Homélie du Père Louis-Pasteur

Textes : Bénédiction des Rameaux Matthieu 21, 1-11

Messe : Isaïe 50, 4-7 ; Psaume 21 (22) ; Philippiens 2, 6-11 ; Matthieu 26, 14 à 27, 66

Le Journal catholique La Croix du 23 mars 2020 titrait ainsi un de ses articles : « Confinement : branle-bas de combat pour radios et télévisions ». L’article décrivait le quotidien des chaînes radios et télévisions qui, pour protéger leur personnel de la contagion du coronavirus tout en continuant d’informer et d’accompagner au mieux le public, réalisent la quasi-totalité de leurs émissions au domicile des journalistes et animateurs en télétravail ; les équipes techniques s’attelant, dans l’urgence, à installer des lignes spéciales chez les autres collaborateurs…

Branle-bas de combat : cela fait penser aussi à ces reportages télé, où médecins, infirmiers, soignants et personnel hospitalier, masques, gants, lunettes et blouses de protection revêtus comme une armure, une tenue de combat, courent dans les salles et les couloirs de nos hôpitaux pour accueillir, soigner, sauver les malades et venir à bout du virus.

En ce dimanche de Rameaux, l’évangile de la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ selon saint Matthieu que nous lisons cette année nous fait revivre son agonie. Le dictionnaire Larousse traduit agonie par combat.  Cela rime avec branle-bas de combat. Le lieu du combat de Jésus, le champ de bataille de son agonie, le terrain sur lequel il lutte pour sauver l’humanité, c’est Gethsémani, un domaine, un champ situé dans la vallée du Cédron, au pied du mont des oliviers.  Gethsémani signifie « pressoir à huile ». Oui, comme les olives sont broyées, pressées, jusqu’à ce qu’elles sortent de l’huile, Jésus va être oppressé par l’angoisse, broyé par la souffrance, meurtri par le sentiment d’être abandonné, tenaillé par la peur de la mort, jusqu’à transpirer comme des gouttelettes de sang. « Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. » (Luc 22, 44)

Tous les combats que nous menons aujourd’hui, individuellement et communautairement trouvent leur source et leur accomplissement dans ce combat de Jésus à Gethsémani. La guerre que nous menons contre le covid-19, aussi, surtout. A l’intérieur de cette guerre du coronavirus, ce qu’il convient d’appeler « la guerre des masques », la bataille pour dénicher les masques chinois de protection contre le virus, où tous les coups sont permis…nos alliés américains allant jusqu’à payer cash, 3 fois plus, et en dollars, chipant ainsi une grosse partie du quota de masques commandés par la France !!!  Cette guerre contre le Coronavirus, c’est par Lui, avec Lui et en Lui (Jésus de Gethsémani) que nous la menons et la vaincrons, tous, ensemble. « Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain ; si le Seigneur ne garde la ville, c’est en vain que veillent les gardes. » (Psaume 126, 1)

A Gethsémani, Jésus prend avec lui Pierre Jacques et Jean. Il les avait déjà pris avec lui sur la montagne de la transfiguration, leur donnant de voir, par anticipation, la Gloire de la Résurrection, signifiée par « son visage qui devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière » (Matthieu 17, 2). Ils participeront d’autant plus à cette victoire de la Résurrection qu’ils auront, auparavant, pris part au combat de l’agonie. « Souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, le descendant de David. Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. » (Timothée 2, 8. 12)

Pierre, Jacques et Jean représentent chacun d’entre nous, nous tous, invités, appelés, par vocation, les yeux fixés sur Jésus Christ, à enter dans le combat de Dieu. De même, « les nombreuses femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir », disciples fidèles jusqu’au bout, sans oublier Joseph d’Arimathie, dont le nom signifie ajouter encore, abondance, surabondance (voir Genèse 30, 24) et qui participera au combat de Jésus en lui offrant une sépulture. Comme eux et à leur suite, décidons-nous de prendre notre part au combat que Jésus mène en ces jours de sa Passion. C’est à ce prix que nous pourrons ressentir, vraiment, au fond de nous, la joie de Pâques, nonobstant le confinement.

La nuit d’adoration silencieuse du Jeudi saint nuit au vendredi saint matin qui nous est proposée pour le Secteur est une manière concrète de nous engager à mener le bon combat de la prière, de l’adoration, de la supplication, de l’intercession, de l’offrande et de la communion avec « le Livré-pour-nous » de Gethsémani.  Il nous y invite et voici ce qu’il dit sur le carton d’invitation : la voici : « Restez ici et veillez avec moi. Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation »

En méditant l’évangile de la Passion, nous n’aurons pas manqué d’être impressionnés par le silence de Jésus.  « Jésus gardait le silence ». « Il ne répondit rien ». A Pilate, le gouverneur, qui l’interrogeait, il « ne répondit plus un mot ». Il répond plutôt par le silence, nous apprenant ou nous rappelant que le silence peut être une réponse éloquente, plus efficace qu’un débit voluptueux de paroles et de discours. Et pour preuve, face au silence parlant de Jésus, Pilate « le gouverneur fut très étonné ».

La figure de Simon de Cyrène, ce paysan, ce simple, cet anonyme, ce passant qui revenait des champs et que les soldats réquisitionnent pour porter la croix de Jésus est aussi édifiante.   Sa rencontre avec Jésus a complètement changé sa vie. Imaginons que Jésus eût levé les yeux vers lui, un   regard épuisé, lui disant : « Viens, j’ai besoin de toi, aide moi… » Regard de Jésus : un riche mais pauvre en cet instant, un fort mais faible ; regard de celui qui guérit nos blessures mais qui se trouve, subitement, vulnérable ; regard du tout-puissant mais, paradoxalement, tout-petit…

Devenir des Simon de Cyrène : telle est la grâce à demander en ces jours très saints. La grâce d’être proche de celui qui en a besoin, de se laisser déranger par lui (puisqu’il a peur de me déranger ou parce qu’il n’ose pas demander…), d’être attentif à sa détresse, et de la soulager autant qu’il dépend de nous. La grâce d’être des Simon de Cyrène que nos frères et sœurs souffrants trouvent sur leur chemin. Celle de rompre avec la chaine coupable des milles et une excuse que nous nous trouvons pour ne pas nous arrêter, nous pencher vers celui qui est blessé sur le bord du chemin, lui manifester notre compassion et notre miséricorde, celles-là mêmes que le Seigneur n’a de cesse de manifester à notre égard. La grâce d’agir, en clair ! N’est-ce pas là une veille (manière de veiller) active qui plait au Seigneur ?

« Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation »

Chant : « Veillez et priez dans l’attente du jour »

Lien du chant : https://youtu.be/g1dSDmL2GMI

Père Louis Pasteur