Homélie du 4e dimanche « quand on a des problèmes d’yeux »

En 1985, Marc LAVOINE, auteur-compositeur français, cartonnait avec son single « Elle a les yeux revolvers » qui sera certifié disque d’or pour plus de 500 000 exemplaires écoulés : « Elle a les yeux revolver, elle a le regard qui tue… »

Il rejoignait par-là ce que nous ne connaissons que trop : l’importance du regard ! Un regard qui en dit long, un regard dont il suffit pour que l’on comprenne l’indicible.

Aussi, quand on a des problèmes d’yeux, quand on souffre des troubles visuels, ou bien, tout simplement, quand on est malvoyant  ou frappé de cécité, comme c’est le cas dans l’Évangile de ce dimanche avec cet homme aveugle de naissance, le fait de retrouver la vue devient un événement exceptionnel, une source de joie. Joie de ce quatrième dimanche de carême appelé dimanche laetare, dimanche de la joie ! Joie d’être parvenu à mi-chemin de la route qui nous mène à Pâques.

Pour marquer cette joie pascale à venir et déjà-là, le prêtre et le diacre (si possible) portent des ornements roses ; la couleur violet, couleur de la pénitence, cédant sa place à la couleur rose, moins austère. Le rose, c’est du violet adouci, éclairci, illuminé par du blanc, couleur du Christ ressuscité.

Pour comprendre le message et l’enseignement qui se dégagent de l’Évangile de ce dimanche, il nous faut, comme souvent, partir du livre de la Genèse, au commencement.

En genèse 3, 6 : Et Eve et Adam pèchent avec leurs yeux.

« La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre était savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cette table, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle le prit de son fruit et en mangeant. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea »

En naissant de la descendance d’Adam et d’Eve, nous sommes tous marqués par ce premier péché, en raison d’une solidarité humaine, naturelle. Nous sommes donc tous « aveugles de naissance. »  Cet homme aveugle de naissance, dans l’évangile de ce dimanche, c’est chacun d’entre, c’est nous tous, c’est l’humanité tout entière !

En effet, chacun de nous peut et doit s’approprier ces paroles du psalmiste : « Moi, je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère » (Psaume 50, 7)

Pour comprendre les ténèbres de l’aveuglement dans lesquelles nous sommes tous plongés, revenons au péché des origines (ou premier péché).

L’arbre qui donnait l’intelligence (Genèse 3, 6) est aussi appelé l’arbre de la liberté de choix d’obéir à Dieu ou pas ; l’arbre de l’autonomie par rapport à Dieu l’arbre ; l’arbre du discernement pour savoir si je suis capable de vivre tout seul sans m’appuyer sur Dieu. En faisant l’option de manger du fruit de cet arbre défendu, Ève et Adam ont mangé le fruit de la confusion.  Depuis lors, l’Humanité git dans une sorte de confusion totale, de dérèglement des repères, de crises des valeurs, d’inversion des rôles et de sur-priorisation de ce qui ne devrait être que secondaire.

La pandémie du Coronavirus, les longues réflexions sur son origine réelle, l’incertitude sur les délais que pourrait prendre le confinement, le fait de ne pas voir clair sur l’avenir : voilà autant de ténèbres et de confusion au niveau personnel, spirituel, familial, professionnel, économique,  politique, géopolitique, national et international…

Nous sommes alors, un peu, à l’image ce peuple dont parle le prophète Jérémie : « Ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas. » (Jérémie 5, 21)

Et si ce temps de confinement était mis à profit pour la réflexion, l’introspection, la relecture, l’examen de conscience, pour voir en quoi notre monde est quelques fois un peu fou, marchant comme à l’aveuglette ?

Et si ce temps de confinement, de vie à l’intérieur, était mis à contribution pour se poser et creuser la question fondamentale qui traverse l’évangile de ce dimanche : qui est cet homme qui est capable d’ouvrir les yeux des aveugles, de les guérir, de les « réparer », restaurer, recréer, renouveler, pour qu’ils voient autrement et découvrent ce qui est invisible à l’œil nu ? Et où est-il donc, cet homme ? Comment le rencontrer, le connaitre et surtout, se laisser approcher par lui, transformer et sauver par sa grâce ?

Et si ce temps de confinement, qu’il va falloir gérer, était aussi et surtout reçu comme le temps de la prière et de la supplication au Dieu Lumière, à Jésus Sauveur, vrai Homme et vrai Dieu, Messie et Frère solidaire de tout homme, de tout l’homme et de l’humanité tout entière ? : « Seigneur, fais que je voie ! » (Marc 10, 51)

Cette hymne liturgique sera alors le prolongement et l’approfondissement de notre prière. Nous pourrons, si possible, l’écouter, en cliquant sur le lien. Bon dimanche et bonne semaine !

https://www.youtube.com/watch?v=jXAoPPGI01o&feature=share

Hymne : Ouvre mes yeux, Seigneur
Ouvre mes yeux, Seigneur,
Aux merveilles de ton amour.
Je suis l’aveugle sur le chemin ;
Guéris-moi, je veux te voir.

Ouvre mes mains, Seigneur,
Qui se ferment pour tout garder.
Le pauvre a faim devant ma maison ;
Apprends-moi à partager.

Fais que je marche, Seigneur,
Aussi dur que soit le chemin.
Père Louis-Pasteur