Fraternité et Ecologie avec le Père Sylvain Mansart

Le Père Sylvain Mansart avec Mgr Le Stang lors de l’ Assemblée plénière des Evêques à Lourdes en mars 2021 pour la session consacrée à l’écologie intégrale

A l’occasion de la publication de son livre intitulé « De la domination à la fraternité sublime avec la création »,  le Père Sylvain Mansart revient sur le lien entre écologie et fraternité. Cet ouvrage est tiré de son travail de mémoire de master en théologie dans lequel il a approfondi cette dynamique de la fraternité étendue à toute la création. Il nous explique son cheminement, les enjeux et les perspectives qui s’offrent à nous pour penser une écologie intégrale.

Votre livre s’intitule « De la domination à la fraternité sublime avec la Création »; quelques mots sur ce titre ?
Depuis quelques décennies, nous observons une aggravation des inégalités et des dégradations planétaires. La pandémie de la Covid en a révélé la gravité. Cela est essentiellement dû à une « domination » de l’être humain sur la nature et sur ses semblables, une forme de « toute puissance » mal gérée. C’est ce que je dénonce à la suite du pape François, ce qu’on appelle l’anthropocentrisme dévié. L’homme par son emprise sur le vivant exploite la terre, ses ressources, et met par cette emprise les êtres humains, notamment les plus pauvres en péril. La détérioration de l’environnement et celle de la société affectent les plus faibles de la planète… Le titre de mon livre expose donc un chemin possible : Il nous faut repenser la place de l’homme au sein de la création pour rééquilibrer les choses. Passer d’une « domination », à une relation fraternelle avec l’ensemble du vivant.

Vous liez fraternité et écologie, pouvez-vous nous expliquer ce qui les unit ?
De fait, pour répondre à la crise écologique, il est important de penser de nouvelles relations avec le vivant. Et je développe pour cela la notion de « fraternité » qui englobe non seulement les relations humaines mais aussi un rapport nouveau avec les créatures : on parlera alors « d’être avec », de tendresse, de compassion, d’égalité, de soin, d’écoute, etc… Je m’appuie sur la tradition chrétienne et l’appel du pape François à sauvegarder notre « maison commune », la Terre, développé dans son texte Laudato Si. Mais essentiellement, je déploie la figure de Saint-François d’Assise qui vivait avec sobriété et dans une merveilleuse harmonie avec Dieu, avec les autres, avec la nature et avec lui-même. La fraternité se présente vraiment comme une clé d’avenir.

Le réchauffement climatique et son impact surtout sur les populations les plus vulnérables nous presse à agir, quelle est l’urgence selon vous ?
C’est une question complexe, car la crise sociale et environnementale est alarmante. Le rapport du GIEC le confirme ! Mais rien ne se fera sans une réelle prise de conscience, une conversion intérieure de fond, (du cœur) des personnes et de nos cultures… Cela passe sans aucun doute par des décisions politiques concrètes, mais ce qui est primordial à mon sens c’est de changer notre rapport à la création… et prendre soin de la terre, c’est prendre soin des êtres humains, et on ne réglera rien s’il l’on exclut toujours une partie de l’humanité…ou une partie de la vie… Il est urgent d’écouter et de redonner la place a ceux qui souffrent… Le pape nous le rappelle dans Fratelli tutti : « Quand la société – locale, nationale ou mondiale – abandonne dans la périphérie une partie d’elle-même, il n’y a ni programmes politiques, ni forces de l’ordre ou d’intelligence qui puissent assurer sans fin la tranquillité ». S’il s’avère nécessaire de recommencer, ce sera toujours à partir des derniers ». (FT 234).

Donnez-nous trois bonnes raisons de lire votre livre…
Le sujet est d’actualité et je l’aborde d’un point de vue anthropologique, théologique et éthique. Je pense qu’il est accessible à un public large et rejoint nombre de penseurs non catholiques. Mon livre permet aussi de mieux comprendre la pensée du pape François et de découvrir un aspect important de la spiritualité franciscaine aujourd’hui. Bien que mon livre aborde des questions éthiques, il est aussi une source de réflexion théologique et spirituelle qui peuvent nourrir notre foi. Il ouvre aussi des pistes théologiques pour l’avenir (création, trinité, ecclésiologie etc…)

Le style de vie de Saint-François d’Assise est au cœur de votre ouvrage, faut-il y voir un lien avec votre engagement futur au sein des fraternités franciscaines ?
François d’Assise a vécu un style de vie évangélique radical à la suite du Christ : « va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » Mt 19,21. Il a choisi la pauvreté pour vivre la fraternité avec ses frères, avec les plus pauvres, avec la création, à la rencontre des plus exclus, des marginaux, des souffrants. Son amour du Christ et sa vie à la fois contemplative et missionnaire nourrit mon engagement et m’interpelle. Je désire vivre l’Évangile comme lui ! Mon cheminement spirituel s’est nourrit aussi aux côtés de la famille franciscaine (les frères, les clarisses, les laïcs). Je la côtoie régulièrement depuis mes recherches en 2019. Aujourd’hui, en m’appuyant sur l’expérience de mon ministère presbytéral et heureux de l’avoir vécu, je veux poursuivre ma vie comme frère mineur, aux services des plus pauvres et de la création.

Propos recueillis par Nelly Berneaux