Il n’est pas sain de s’habituer au mal

Il n’est pas sain de s’habituer au mal

Le pape François vient de nous donner « Chère Amazonie », exhortation apostolique post-synodale. L’Amazonie nous parait bien loin. Sommes-nous vraiment concernés ? Le Pape pense que oui. D’abord parce qu’il est du devoir de tous de prendre soin des uns et des autres, à commencer par les plus malmenés, ensuite parce que les enjeux amazoniens dépassent très largement l’Amazonie, et enfin parce que l’exhortation reprend « un certain nombre de thèmes que nous ne devrions pas oublier et qui peuvent inspirer d’autres régions du monde face à d’autres défis » (§ 5).

Nous gagnerons à lire ce texte et à en travailler certains paragraphes. J’y reviendrai dans les mois à venir.

Une expression de l’exhortation m’a arrêté. Elle a surgi comme un panneau indicateur très précieux alors que nous allons entrer en carême : « Il n’est pas sain de s’habituer au mal » (§ 15).Cela n’est pas sain car à force de s’habituer au mal, on ne sait plus le nommer. Et quand on ne sait plus le nommer, on peut en devenir objectivement complice. La grande douleur de la crise des abus que nous traversons, comme celle des petites violences ordinaires du quotidien, nous le rappellent cruellement.

S’habituer au mal, c’est abandonner en premier les plus vulnérables, les plus démunis et les humiliés.

S’habituer au mal, c’est se résigner, c’est tuer l’espérance.

Ce n’est pas sain, car s’habituer au mal, c’est s’interdire les changements durables car c’est assoupir l’intelligence et renoncer à s’attaquer aux vraies causes.

Ce n’est pas sain car c’est renoncer à notre capacité de discernement, de décision et d’action. C’est renoncer à notre liberté.

Ce n’est pas sain, car s’habituer au mal c’est renoncer au salut de Dieu qui vient pour nous en libérer. S’habituer au mal c’est alors faire de Dieu un menteur et ne plus avoir d’ambition pour notre humanité.

Frères et sœurs, avec ce rappel du Pape, nous avons un précieux panneau indicateur. Pour éviter de nous disperser, je vous propose pour le temps de carême qui s’ouvre deux directions dans lesquelles nous pourrions demander à l’Esprit de nous éclairer et de nous sortir de nos habitudes du mal.

Premièrement, les relations entre nous : je suis étonné comme souvent on passe en pertes et profits le fait de dire du mal les uns des autres – nous nous résignons, nous ne savons plus nous demander pardon -, comme nous nous habituons à nous égratigner, comme parfois nous avons tellement de mal à nous réjouir des réussites des autres, comme nous nous enfermons dans des étiquettes, comme il nous arrive de dire à d’autres ce que nous reprochons à certains sans jamais le leurs dire, comme nous vivons des désaccords comme des remises en cause personnelles, …. Nous nous sommes trop habitués au mal !

Deuxièmement, l’écologie. Ce thème est au cœur de l’exhortation « Chère Amazonie ». Dans son encyclique Laudato Si, le pape évoque « le péché écologique » contre la Création. Nous n’avons guère été élevés dans cette perspective. Cependant, aujourd’hui, nous ne pouvons plus dire que nous ne savions pas. Et s’il faut comme citoyens nous engager pour que l’action politique intègre comme centrale cette problématique, rien ne se fera sans que nous vivions une authentique conversion écologique. Celle-ci est d’autant plus incontournable pour un chrétien qu’il confesse la foi au Dieu créateur. Nous nous sommes habitués au mal… Pour nous déshabituer du mal, de nombreux petits gestes quotidiens nous sont proposés.

Et si nous nous engagions dans un carême pour nous déshabituer du mal ? Ce sera immanquablement un carême d’espérance.

Bon carême !

+ Olivier Leborgne

Une expression de l’exhortation m’a arrêté. Elle a surgi comme un panneau indicateur très précieux alors que nous allons entrer en carême : « Il n’est pas sain de s’habituer au mal » (§ 15)