Question iconoclaste

Question iconoclaste

 

 

« Que me faut-il faire pour avoir la vie éternelle ? » demandait  un scribe à Jésus (Lc 10,25). Il rejoignait ainsi l’homme riche qui, à un autre moment, lui posait exactement la même question  (Mc 10,17). Et Jésus, après son échange avec le scribe et avant de répondre à une nouvelle question posée par la parabole du bon samaritain, lui déclara : « fais ainsi et tu vivras » (Lc 10,28)

 

La rencontre avec Jésus touche toujours à ce qui est vital. Ses interlocuteurs ne cherchent pas une sagesse, une philosophie ou une simple morale, mais la vie. Ils cherchent la source vive, le cœur qui donne sens et élan, le noyau qui fait jaillir la vie, le dévoilement de ce qui fait l’existence, la plénitude que le désir désigne en nous comme une trace mais que la vie, avec ses malentendus et ses blessures, semble ranger dans les catégories de l’illusion. Certains parleront de joie, de paix, de salut. Il s’agit de la vie. Pas seulement biologique. Trop de personnes assument leur vie biologique et matérielle de manière satisfaisante mais traversent l’existence avec tristesse ou indifférence, comme ces « sépulcres blanchis » dont parle Jésus (Mt 23,27). Les épreuves de la vie pourraient donner raison aux pessimistes de tout poil. Un certain cynisme peut paraître parfois réaliste que bien des envolées affectives sans grande consistance, ou des divertissements qui essaient de nous éloigner de l’essentiel. Pourtant, il y a aussi ces personnes qui traversent les épreuves avec courage et qui sont d’impertinentes provocations à la vie.

 

La vie. Il est très difficile de la définir car elle excède ce que nous pouvons en dire et l’expérience que nous en avons. Pourtant son appel résonne en nous comme notre lieu propre. Comme ce qui fait notre identité et notre dignité. Nous savons qu’il y a en nous tellement plus qu’un être de représentation ou de consommation. La vie. Toute rencontre avec Jésus en révèle le chemin en nous et veut nous la donner. « Fais cela et tu vivras. » Nous ne sommes pas là dans l’ordre du bien ou du mal, mais avec Jésus, en qui habite « Dieu a jugé bon qu’habite toute plénitude » (Col 1,19  – 2ème lecture du 15ème dimanche ordinaire), du vital, de la vie, de la vie vivante, de ce que nous portons et de ce que nous sommes appelés à devenir.

 

 Alors me venait une question iconoclaste : Est-il plus urgent d’apprendre à nos enfants à lire et à écrire, ou de les introduire à la rencontre de Jésus ? Je vous l’ai dit, cette question est iconoclaste. Stupide même. Les deux réalités de sont pas du tout du même ordre. Depuis toujours, l’Eglise s’est engagée pour l’éducation pour tous. Elle en a même été longtemps la pionnière. Cette question iconoclaste ne veut aucunement justifier une quelconque nouvelle ignorance. Apprendre à lire et à écrire est absolument capital et nous ne négocierons rien à ce sujet. Pourtant, tout iconoclaste qu’elle soit, cette question voudrait nous réveiller.

 

La transmission de la foi et le témoignage évangélique ne peuvent être des activités annexes, des surplus quand on en a le temps et les moyens. L’annonce de Jésus touche à la vie. La grâce immense de connaître Jésus devient une responsabilité. Il m’arrive de me dire que la miséricorde infinie du Seigneur ne nous disculpera pas de notre responsabilité de ce témoignage qui désire indiquer la vie. Nous sommes le plus souvent démunis. Tant mieux peut-être, Dieu passe mieux par des personnes pauvres que par des gens toujours sûrs d’eux. Mais, nous ne pouvons nous résigner. Avec Jésus, nous touchons toujours à ce qui est vital pour l’homme. Et nous le mettrions sous le boisseau ? (Mt 5,15)

 

Je confie au Seigneur toutes nos instances éducatives (écoles catholiques, mouvements de jeunes, paroisses), et nous nous confions tous ensemble à l’Esprit Saint – car c’est l’affaire de tous – pour que nous  prenions toujours plus au sérieux cette question, et que nous osions non seulement ce qui est possible, mais sans doute un peu plus.

 

Bonnes vacances. Goûtez la vie, c’est-à-dire Le Vivant ! Et partagez-le selon ce que le Seigneur vous inspirera.

 

+ Olivier LEBORGNE
Évêque d’Amiens

 Alors me venait une question iconoclaste : Est-il plus urgent d’apprendre à nos enfants à lire et à écrire, ou de les introduire à la rencontre de Jésus ?