Portrait d’un visiteur de prison

Rencontre avec  Jean-Claude SOUDAN, visiteur de prison .Sollicité par le Secours Catholique il a rejoint l’équipe des visiteurs de la maison d’arrêt d’Amiens.

Quand j’évoque occasionnellement cette activité avec des personnes que je rencontre, les réactions sont souvent assez contrastées : « Ce ne doit pas être facile » ; « Je n’arriverai jamais à faire çà » ; « C’est courageux de la faire » ; « Comment peut-on devenir visiteur ? » ; ou encore « Tu vas voir des taulards maintenant … ? »

Pourquoi vous êtes-vous engagé dans cette « mission » ?

J’ai toujours eu un intérêt pour la nature humaine dans sa diversité ; j’aime les gens et je pense qu’on s’enrichit toujours en rencontrant des personnes différentes de son réseau habituel ; je crois en l’homme, et même si on a dérogé un jour on peut toujours se refaire ; je crois aussi que quelqu’un sur sa route peut parfois faire changer les choses ; je suis aussi croyant, et aider ceux qui ont eu moins de chance dans la vie fait partie de ma contribution à construire un monde meilleur.

Mon approche de la prison a commencé par le fait d’être témoin de moralité dans un procès d’assises où un de mes anciens élèves, quelques années après avoir quitté l’école d’agriculture que je dirigeais, était jugé pour assassinat. Mon témoignage l’avait touché et il m’en avait remercié par courrier ; ce fut le début d’une correspondance et de quelques visites dans son centre de détention à Caen pendant ses 14 années de détention.

Sollicité par le Secours Catholique, par sa branche « Amitié sans visage », j’avais aussi entretenu une correspondance avec un détenu anonyme.

Il y a trois ans et demi, une amie, visiteuse de prison à Amiens m’a demandé de les rejoindre pour un essai…, depuis je renouvelle ma carte tous les deux ans !

J’ai, selon les périodes, entre 3 et 5 détenus, toujours les mêmes, que je visite pratiquement chaque semaine. Les visites s’effectuent dans des boxs de quelques M2, les mêmes que ceux attribués aux avocats. L’entretien s’effectue en tête à tête et en toute confidentialité.

Le temps passé pendant la visite est souvent enrichissant pour le détenu comme pour le visiteur. L’échange au départ a souvent comme thème : sa vie quotidienne, ses problèmes avec ses codétenus, travail ou pas au sein de la prison… mais au fur et à mesure des visites le climat de confiance s’établit et les problèmes de famille sont plus présents, ses addictions, la perspective de la sortie.

La raison de son incarcération est évoquée tôt ou tard par lui, ou quelque fois pas ; nous n’avons pas à lui poser de questions sur ce sujet mais cette connaissance nous permet de mieux le connaitre, surtout dans ses faiblesses, afin de l’aider dans sa réhabilitation.

Quelle satisfaction pour le visiteur, ou quelle émotion, quand il entend son détenu lui dire : « Avec toi j’aborde des problèmes que je n’aborderais pas avec ma famille… » ou encore « Si tu n’avais pas été là à ma visiter il y a longtemps que je ne serai plus là…. ». Entendu aussi sur le stand des visiteurs aux Salon des Associations cette année à Amiens : « Je suis un ancien braqueur. J’ai fait 11 ans de prison. Je travaille maintenant chez Bouygues. Et c’est grâce à des gens comme vous que j’ai pu m’en sortir… »

Les personnes emprisonnées sont certes là pour payer une faute, et ils ne le contestent pas en général. Leur condamnation résulte d’agissements que réprouve la société et qui sont punis par la loi. Mais pour un grand nombre d’entre eux, les raisons de leur incarcération découlent d’un départ dans la vie qui ne leur a pas été très favorable : famille inexistante ou à problème, alcool, drogue, chômage, promiscuité, guerre ou misère dans leurs pays d’origine, concours de circonstance…

Chacun de nous peut un jour connaitre la prison ; je visite actuellement un monsieur de 74 ans, incarcéré pour 5 ans pour avoir causé un accident mortel après un après-midi un peu arrosé avec des copains.

Le pape François, dans un livre d’entretien publié cette année « Le nom de Dieu est miséricorde » ne dit-il pas : « Chaque fois que je franchis le seuil d’une prison, pour une célébration ou pur un visite, je me demande toujours pourquoi eux et pas moi ? Leurs chutes auraient pu être les miennes…. »

 « Chaque fois que je franchis le seuil d’une prison, pour une célébration ou pur un visite, je me demande toujours pourquoi eux et pas moi ? Leurs chutes auraient pu être les miennes…. »

Pape François

Article paru dans  » Toujours jeune »
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