Homélie : célébration de l’appel décisif des catéchumènes

Chers frères et sœurs en Jésus,
Chers amis catéchumènes,

Dans votre cheminement, vous avez ouvert la Bible à bien des reprises, seuls ou avec vos accompagnateurs. Vous avez essayé de comprendre comment Dieu continue de nous parler aujourd’hui à travers ces textes anciens. Avec un texte de la Bible, nous sommes toujours comme un écureuil avec une noisette : il faut s’y casser un peu les dents pour arriver à goûter le fruit intérieur. C’est le bonheur de la vie chrétienne : toute notre vie, et même chaque jour, la Parole de Dieu a quelque chose à nous dire, à condition de bien la grignoter, de la manger et de bien la digérer. Alors, scrutons l’Évangile de ce premier dimanche de carême : les tentations de Jésus, en Matthieu.

Jésus, plein d’entrain, va au désert. 40 jours pour prendre son élan, avant de commencer sa vie publique, comme autrefois son Peuple juif passa 40 ans au désert. Vous aussi, vous vivez les 40 jours du carême, avec élan et détermination, dans la prière (avec un peu de stress et une grande attente) pour bien vivre votre baptême. Le désert, c’est beau : il y a un silence extraordinaire, une pureté du ciel, des horizons formidables, on y sent une présence du divin. On y organise aujourd’hui de superbes treks avec du bon matériel (pour ceux qui ont de l’argent). Mais le désert, du temps de Jésus comme aujourd’hui, c’est rude aussi, surtout quand on y passe 40 jours seul : les nuits sont froides, on n’y trouve pas à manger, on est sans ami, on a du mal à s’orienter. On peut y éprouver de terribles tentations, dont celle du désespoir. Beaucoup d’entre vous savent bien ce qu’est une « traversée du désert » : Dieu est peut-être là mais on ne le connaissait pas, on ne s’y intéressait pas. Alors, on est perdu et on souffre pour différentes raisons (des deuils, épreuves, harcèlement, manque d’estime de soi, de son corps, perte d’emploi, doute sur le sens de la vie, anxiétés fortes…). Ces temps d’épreuve ont parfois été longs, avec des tentations parfois terribles. Et pourtant, ils furent le temps où Dieu vous a fait signe, est venu parler à votre cœur, et vous dire : Je suis là, tout proche, et je t’aime. Ne crains rien.

Alors creusons les tentations de Jésus. Il y en a trois. On peut beaucoup les commenter. J’en retire quelques mots, qui peuvent vous aider :

–  Première tentation : le diable dit à Jésus de transformer les pierres en pain, en un clic. Jésus refuse. Il est vraiment homme, les pieds sur terre : Le diable veut supprimer le temps. Il est toujours comme cela. Il refuse la réalité humaine qui compose toujours avec le temps. Nous aussi, on est tenté de supprimer le temps, et de tout savoir, de tout avoir très vite, surtout à l’heure du smartphone. Les parents, pourtant, savent bien que les choses ne murissent qu’avec le temps : le petit enfant pleure toute la nuit, l’ado ne cesse de se rebeller. Ça passera avec le temps. Cela peut prendre des mois ou des années. On est patient, par amour. Pour cheminer vers le baptême, pour devenir un saint, pour évangéliser le monde, il faut aussi compter sur ce qui construit nos vies humaines : le temps, le corps, les relations. Jésus est un vrai homme et jamais sa relation à Dieu ne lui font fuir la condition humaine.

–  Deuxième tentation : le diable cite la Bible, et dit à Jésus, s’Il est le Fils de Dieu, de sauter du haut du Temple. Dieu le sauvera. Jésus refuse cette mauvaise interprétation de l’Écriture. Non seulement, certes, il est homme mais il est aussi Dieu, le Fils de Dieu. Mais il n’est pas en concurrence avec son Père mais en communion d’amour avec Lui, grâce à l’Esprit Saint qui les unit. Vous allez être baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Un seul Dieu, trois personnes unies entre elles sans concurrence mais par amour car Dieu est amour. Toute interprétation de la Parole de Dieu qui oublie que Dieu est amour est une mauvaise interprétation, qui nous fait entrer en concurrence envers Dieu, ou en colère ou en défiance envers Lui. Nous pouvons tous mal parler de Dieu et dire des bêtises. La présence de Dieu en nous, et le partage de la Parole en Église nous aide à bien l’interpréter aujourd’hui.

–  Troisième tentation. Le diable, de plus en plus tyrannique, propose un marché à Jésus : si tu m’adores, tu deviens le roi du monde ! Jésus refuse. En citant à nouveau les Écritures, il rappelle qu’on n’adore que Dieu. La Parole nous nourrit et elle nous conduit à la vraie adoration : Dieu nous aime. Il n’est pas méchant, ni lointain, ni tyrannique. Il est là à chaque instant. Il respecte notre liberté. Il ne vit pas notre vie à notre place même si elle est rude, mais, il nous soutient dans nos combats par sa grâce. Lui seul mérite adoration, et il faut parfois du temps pour comprendre cela.

Ainsi voyez trois voies précieuses sont ouvertes par cet Évangile :

  • Dieu respecte notre corps, notre histoire, notre intelligence, les étapes de notre vie, du début à la fin. Il respecte notre humanité, notre liberté, et Il est devenu lui-même un homme. Il ne s’intéresse pas à notre péché mais veut notre croissance dans la liberté de l’amour, car Dieu EST la liberté de l’amour. Libre non pas de faire n’importe quoi mais libres pour aimer.
  •  Dieu nous parle. Il nous invite à lire, à écouter et à interpréter sa Parole avec justesse, dans un dialogue avec Lui qui dure toute la vie. Sa Parole nous nourrit. Elle est inépuisable, une source de paix et d’espérance.
  •  Dieu est notre unique Créateur et Sauveur. Lui seul, et non nos idoles, nos addictions, nos passions même, mérite notre adoration. Lui seul nous fait sortir de nos déserts les plus austères, pour être servis par les anges.

Les sacrements de l’initiation sont une porte d’entrée pour faire partie du Peuple de Dieu appuyé sur la Parole, sur la Révélation de Dieu, et sur Jésus lui-même qui est la Parole faite chair, devenue homme. De fondement (pour ma vie), dit Saint Paul, je ne veux pas connaître d’autre que celui qui s’y trouve : Jésus-Christ (lui-même).
On dit parfois des sacrements : ce sont les signes visibles d’une réalité invisible. Les paroles et les gestes : le plongeon dans l’eau du baptême, la communion à l’hostie, l’onction de Saint-Chrême. Plongeon, communion, onction : ce sont des signes humains mais aussi des moyens que Dieu choisit pour purifier et sanctifier. Signes visibles d’une réalité invisible, qui touche notre cœur, notre corps, notre âme. L’Église toute entière est un signe et un moyen que Dieu a choisi pour se donner au monde : les chrétiens qui vous accompagnent, les prêtres si proches, les messes, les groupes de partage, les aumôneries, les paroisses… tout cela forme le grand Corps du Christ qui est l’Église, signe et moyen que Dieu a voulu, malgré toutes les imperfections de cette Église, pour que tous puissent dire avec Saint Paul : Jésus m’a aimé et s’est livré pour moi.
Les sacrements, ce n’est pas de la magie. Le prêtre, qui est un homme, va reprendre aujourd’hui avec la même force et la même efficacité, les gestes humains et les paroles de Jésus, vrai homme et vrai Dieu : faire renaitre à la vie, chasser les démons, guérir, oindre, nourrir en disant « ceci est mon corps, ceci est mon sang », ma vie pour vous. Jésus l’a fait, il le refait aujourd’hui pour vous par ses prêtres et toute son Église. Un jour, Il reviendra lui-même pour nous rassembler tous en Son amour, l’Église du ciel et celle de la terre. En attendant, vous avez une grande mission : soyez les témoins des merveilles que Dieu fait pour vous. Prenez votre part de l’annonce de l’Évangile, avec toute l’Église, en gardant au cœur la parole de Jésus : je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Amen.

 

+ Mgr Gérard le Stang
Evêque d’Amiens