Clôture de la visite pastorale dans le secteur du Vimeu Rural

Chers frères et sœurs,

Il est beau que cette visite pastorale se termine le premier dimanche de l’Avent car l’Avent est un temps où nous nous tournons vers l’avenir. Nous annonçons l’avenir même. Non pas sous forme de prédiction car nous n’avons pas de don de prémonition, mais sous forme de promesse. La foi en Jésus nous donne de parler de l’avenir d’une autre manière que ceux qui n’ont pas reçu la grâce de la foi. Il y a un projet de Dieu pour l’humanité qui est fort concret, et qui doit s’incarner dans la vie de nos communautés chrétiennes en ce lieu où nous sommes enracinés, en ce temps que nous vivons. Pour que se réalisent les promesses de Dieu, tout ne dépend pas de nous mais un peu tout de même.

Quel est ce plan de Dieu ? Dans la première lecture, le livre d’Isaïe, écrit huit siècles avant la venue de Jésus, donne ces deux indications : Dans les derniers jours, des peuples nombreux marcheront vers Jérusalem, dont le nom signifie « cité de la Paix », ou « fondation de la paix ». Le Prophète dit : ce n’est pas seulement le peuple juif qui marche vers la cité de la Paix, mais des peuples nombreux. L’alliance ne sera plus réservée au peuple élu, mais offerte à tous les peuples. Nous savons bien aussi le nom qu’lsaïe donne au Messie de Dieu, ce nom nous l’entendons la nuit de Noël : Il sera appelé Dieu-fort, conseiller-merveilleux, Prince de la Paix. Pour nous, ce Prince de la Paix, c’est Jésus, le Fils de Dieu, l’agneau innocent qui vient la nuit de Noël. C’est vers Lui que marchent les nations de la terre non pour offrir des sacrifices mais pour entendre sa parole : qu’il nous enseigne ses chemins. C’est notre espérance pour nous-mêmes et pour tous les gens qui nous entourent : d’une manière qui nous dépasse, beaucoup sont en marche vers la cité de la paix, vers le Prince de la Paix. Ils ne viennent pas forcément dans nos églises, pour diverses raisons, mais leur désir de rencontrer le Prince de la Paix, ce Sauveur que nous aimons, est là. A nous de les aider à le rencontrer, si du moins nous avons, de notre côté, une foi vive en Jésus. L’autre image utilisée par Jésus est celle du Jugement de Dieu, qu’il va exercer entre les hommes en conflit de sortes que leurs armes de guerre deviendront inutiles et qu’ils pourront en faire des outils agricoles non plus pour apprendre la guerre mais vivre dans l’unité, la paix et la lumière de Dieu.

Cette vision du grand pèlerinage de l’humanité vers le Prince de la Paix, Saint Paul, dans la seconde lecture nous rappelle qu’elle se réalise en Jésus, et que nous, les chrétiens nous vivons déjà cette rencontre avec la lumière de Dieu révélée en Jésus. Le baptême nous a fait revêtir le vêtement blanc, le vêtement de lumière, Jésus lui-même. Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ (Gal). Mais nous pouvons perdre ce vêtement de lumière. Comment ? En laissant s’attiédir, s’endormir, se corrompre notre foi. En faisant les œuvres de ténèbres, dit Saint Paul, qui donne des exemples : orgies, beuveries, luxure, débauche… Oui, la promesse de rassembler tous les peuples en Jésus est belle et vraie mais par notre comportement, nous pouvons retarder sa réalisation.

Plusieurs fois, j’ai entendu que des chrétiens donnent des contre­ témoignages, qu’ils ne s’engagent pas dans la foi en cherchant toutes sortes de raisons (c’est trop long, c’est trop loin…), ou qu’ils affirment une foi chrétienne alors que leur vie contredit cette foi. Il est bon d’entendre la supplication de Saint Paul : « revêtons-nous des armes de lumière, revête-vous du Seigneur Jésus-Christ ». Hier après-midi, avec les acteurs de la paroisse, nous avons évoqué les abus qui font tant de mal à notre Eglise : abus sexuel, de pouvoir, de conscience, spirituel, de confiance… commis non seulement en grand nombre dans la société et les familles mais aussi dans l’Église par des chrétiens, des prêtres, des évêques. Tous, nous mesurons bien qu’il revient à notre génération de préparer l’Église et le monde de demain aux jeunes chrétiens, aux jeunes prêtres qui prendront notre relai. Ne pas mettre un couvercle sur les débauches, les violences faites aux femmes, aux mineurs, aux personnes vulnérables… et tant d’actes mauvais qui retardent la venue de Jésus, qui se fait de plus en plus proche. Nous sommes capables par notre manière tiède ou ténébreuse de vivre la foi chrétienne, de ralentir cette alliance finale entre Dieu et les hommes, en particulier les petits et les pauvres. Que ce premier dimanche de l’Avent soit une interpellation forte pour nos paroisses : l’heure est venue de sortir de notre sommeil.

Nous ne sommes pas nombreux ? N’a-t-il pas suffi d’un Noé pour empêcher l’humanité entière d’être engloutie par le déluge, selon l’image de la genèse reprise par Jésus. Les gens ne se doutaient de rien… et tous périrent, sauf ceux qui se fièrent à Noé et entrèrent dans l’arche de l’alliance. Qui est ce petit peuple vigilant ?… ce petit groupe qui ne fait pas partie de ceux qui ne se doutent de rien, mais attendent la venue de Dieu plus réveillé que s’il s’agissait d’un cambrioleur ? En faisons-nous partie ? Le jugement de Dieu, son appel, son passage, sa venue toute proche nous poussent à garder notre cœur ouvert. L’une sera prise, l’autre laissée. Je me souviens de cette religieuse en mission en Algérie qui, à la messe du matin, avait entendu ce texte et deux heures après marchant dans une rue d’Alger avec une sœur de sa communauté furent prises dans un attentat dans lequel sœur Odette mourut. L’une sera prise l’autre laissée. Qui sait pourquoi? Restez éveillés.

 

Dans son film Reste un peu, l’humoriste juif Gad Elmalech raconte comment à 10 ans, entrant dans une église avec sa sœur, il vécut une rencontre avec la Vierge Marie alors que sa sœur ne ressentait rien. Bien des années plus tard, en allant à Lourdes pour produire un spectacle, il comprit que c’était Notre­ Dame de Lourdes qu’il avait rencontrée, et qui le fait cheminer aujourd’hui vers la foi chrétienne. L’un sera pris l’autre laissé. Gardons nos cœurs ouverts, prêts à la rencontre, unis les uns aux autres.

Dans ces trois paroisses que j’ai visitées ces derniers jours, j’ai vu beaucoup de merveilles de Dieu, à commencer par vos prêtres, qui traversent les continents pour que vous puissiez continuer à revêtir le Christ. J’ai rencontré aussi beaucoup d’hommes et de femmes de foi, dans les Equipes de Conduite Pastorale, les catéchistes, animateurs liturgiques, soutiens des plus pauvres… des hommes et des femmes parfois fatigués par le manque de relève ou parce que trop de baptisés négligent le dimanche, se comportent en consommateurs et pas assez en acteurs habités par la foi, l’espérance et la charité, heureux de les transmettre.

Dieu nous a offert le cadeau mystérieux et merveilleux de croire en lui, de sentir sa présence et son amour dans notre vie, de savoir que notre mort prochaine ne sera pas le dernier mot de notre vie mais un passage vers une lumière plus grande. Il nous faut faire grandir cette foi dans nos communautés, et essayer de la partager, non pas comme une corvée mais comme un débordement d’enthousiasme. Dans ce temps que nous vivons, des enfants, des jeunes, des adultes cherchent Dieu, parfois se convertissent, parfois intègrent la communauté chrétienne. Ils ne sont pas plus nombreux que ceux qui entrèrent dans l’arche de Noé, mais ils sont l’avenir de notre Église. Préparons-leur la route, nous qui les précédons en ce pèlerinage vers la Cité de la Paix où Dieu sera tout en tous. Tenez-vous donc prêts. C’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’Homme (c’est-à-dire Dieu lui-même), viendra. Amen.

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens