Retour sur l’Assemblée plénière des évêques à Lourdes

Une assemblée d’évêques éprouvante mais nécessaire.

Ce sont deux noms propres. Deux personnes. L’un évêque, l’autre cardinal. Des frères et des amis, des hommes estimés de tous, des prêtres et évêques donnés à leur mission. Et pourtant, dans leur vie, l’inacceptable apparaît, qui nous remplit de stupeur et de honte. Il faut nommer le mal. Le mal subi, le mal commis. Des personnes, mineures et jeunes majeurs, ont été abîmées et leur souffrance se vit au présent. Pour ces personnes victimes, pas question de « tourner la page » ou de se voiler la face devant ces actes horribles. Il faut soumettre les coupables à une justice digne, soutenir les victimes dans leur rude chemin de reconstruction, et garder une vive mémoire de ces faits, pour rester réactifs.

Les évêques concernés, les deux cités et les trois dont les causes sont en cours (les autres cas ont été jugés), sont, certes, des anciens. Ils n’ont pas participé, l’an passé, à la prise en compte du rapport de la CIASE. Certains invoquent une époque qui n’avait pas la même conscience des abus qu’en notre temps. Mais cette explication ne suffit pas : que des mineurs ou des personnes vulnérables aient pu être abîmés par des hommes de Dieu, cela ne peut se concevoir. Ni aujourd’hui, ni hier. Cela ne se discute pas. Cela ne se cache pas. Cela ne s’excuse pas. Le pouvoir des ministres ordonnés est celui de Jésus crucifié, qui donne humblement et chastement sa vie. S’il n’est pas celui-là, ce pouvoir sacré est déviant et païen.

L’an passé, après le rapport de la CIASE, des mesures ont été prises et des chantiers ouverts. Au moins une centaine de personnes, réparties en divers groupes selon leur expérience ou spécialité, s’activent pour contribuer à rendre l’Église plus sûre. Les affaires récentes ont montré des angles morts, notamment pour des crimes commis par des évêques, et donc jugés à Rome. L’assemblée plénière de Lourdes a relu ce qui a mal fonctionné. Elle a cherché à comprendre pourquoi l’information a si mal circulé et n’a pas été rendue publique. Croyez bien qu’aucun évêque en poste n’a voulu cacher intentionnellement quoi que ce soit. Cette époque est révolue. Cette crise a été rude mais salutaire pour mettre à plat des points non encore traités et informer au mieux le Peuple de Dieu, dans le respect des victimes et des accusés. Le processus de transformation de notre Église est sans retour. Nous le devons aux personnes victimes, et aux générations à venir.

Beaucoup reste à faire, et à faire ensemble. Les normes et les lois, les déplorations et la colère ne changeront rien si une vraie culture de la bientraitance et de la vigilance des mineurs et personnes vulnérables n’imprègne pas tous nos comportements, en Église et en société. Que des personnes psychologiquement déviantes, pour diverses raisons, parfois parce qu’elles ont été elles-mêmes abusées dans leur jeunesse, aient la tentation de passer à l’acte, cela arrivera encore. A nous, par nos pratiques éducatives, nos relations saines et notre réactivité, d’agir pour ne rien laisser passer, au moindre indice de dérive. C’est à ce prix que notre Église sera sainte à l’avenir, et que notre société sera un bon terreau pour les jeunes.

C’est aussi la condition pour grandir en amitié et dans la foi avec les prêtres et les évêques, dans la reconnaissance de leur vocation et de leur mission. Je suis certain que l’Église est dans la main du Seigneur. Ce qui lui arrive est une redoutable confrontation à sa trahison et à son péché. En allant au bout de cette démarche, elle va en sortir purifiée et renouvelée par son Sauveur, honorant son enseignement. Chacun, pour ce faire, doit abandonner son orgueil et la volonté de sauver la face pour accepter que rayonne uniquement la sainte face de Jésus crucifié.

+ Mgr Gérard Le Stang
Évêque d’Amiens.