Homélie de Mgr Le Stang pour l’ordination diaconale de Jorge Cardoso et Landri Dossou

Frères et sœurs, Chers Landri et Jorge,

Jésus, depuis longtemps, s’est invité chez vous : aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer dans ta maison. Est-ce en raison de votre petite taille comme pour Zachée ? Pas sûr ! Plutôt parce qu’il y avait chez vous, depuis toujours, une soif de le rencontrer qui, sans que vous soyez juchés sur un sycomore, a tout de même attiré l’attention de Jésus ? Mystérieuse alchimie de ces rencontres qui, mêlées à la grâce de Dieu, provoquent nos conversions, suscitent nos vocations et transforment nos vies en profondeur.

Zachée, chef des percepteurs, complexé sans doute en raison de sa taille (l’argent n’achète pas tout), et peu estimé de son entourage, se fait hôte de Jésus. Cette rencontre le retourne : il en devient ami des pauvres et partage ses biens. Jésus, en se révélant à lui, le révèle à lui-même. Sa raison d’être en ce monde ne consiste pas à compenser la petitesse par la bassesse, mais à laisser déborder vers les autres l’amitié divine dont il est gratifié.

L’un et l’autre, vous avez découvert, de longue date, comme Zachée, cette expérience du bonheur paradoxal et propre à la condition chrétienne : il est plus gratifiant de servir que d’être servi. Il est plus heureux d’offrir son hospitalité que de se figer dans l’hostilité. Il est plus noble de partager ce qu’on a reçu que de tout agripper entre ses doigts crochus ; Il est beau, oui, d’être serviteur à cause de l’Évangile ! Il est beau, oui, de vivre le service comme une expression élevée de l’amour, au nom de Jésus, non pas un moyen d’emprise ou une quête de reconnaissance mais comme l’expression pudique et humble d’une affection et du désir désintéressé du bonheur d’autrui. C’est dans un tel terreau, celui de votre vie d’homme et de baptisé, d’époux, de père et de frère, que votre vocation diaconale a germé. Et c’est dans ce terreau d’un cœur ouvert au Christ et donné à vos frères qu’elle produira ses plus beaux fruits. Dans cette espérance, déjà, nous pouvons rendre grâce à Dieu.

Vous l’avez peut-être déjà pressenti, vous avez sans doute entendu des diacres en parler, le diaconat n’est ni une planque ni une promotion. Il vous met même, en quelque sorte, dans une situation d’inconfort, en vous plaçant, parfois avec une certaine tension, au croisement de réalités aussi variées que la vie du monde et celle de l’Église, que la condition de ministre ordonné et celle d’homme marié et de père de famille, en vous enjoignant aussi de tenir ensemble les exigences de la prière, de l’obéissance à l’évêque et les exigences multiples du quotidien. Tout cela ensemble, c’est du sport ! On dit de l’Esprit Saint qu’il réalise en nous l’harmonie des contraires. Qu’il vienne alors en vous ! C’est lui qui, au carrefour de tant de réalités, vous aidera à tout unifier dans l’amitié de Jésus qui veut sans cesse demeurer chez vous, en vous. C’est lui qui vous aidera à faire de toute votre vie un reflet de sa condition de serviteur, dans laquelle la croix et la joie marchent toujours main dans la main.

Devenir image vivante de Jésus Serviteur, par la grâce de l’ordination et l’engagement de tout votre être. C’est bien de cela qu’il s’agit. Vous ne serez plus un baptisé laïc, appelé comme tout laïc à être témoin de Jésus dans la vie du monde. Vous serez ministre ordonné, avec les évêques et les prêtres, appelé en premier lieu à édifier l’Église pour qu’elle soit tout entière signe et moyen de salut. Certes, c’est l’Église avec tous les baptisés, frères et sœurs en Jésus, égaux entre eux et portés par l’Esprit Saint, qui est le signe et le moyen offert au monde pour rencontrer Jésus Sauveur. Dans cette Église, il revient cependant aux évêques, aux prêtres et aux diacres, à ceux qui reçoivent le sacrement de l’ordre, de communiquer d’une manière particulière que Jésus Sauveur est présent au milieu de nous et continue de se donner à nous, comme Tête de son Corps, comme unique Prêtre de son Peuple, comme Pasteur et Époux, et comme Serviteur. Dans votre cas, en annonçant la Parole, par vos fonctions liturgiques et surtout par votre charité active, vous avez à signifier que Jésus est bien au milieu de nous comme Serviteur, en particulier des pauvres, des malades et des pécheurs ; à signifier que Jésus continue de parler à tous, à prier pour tous, et à être, en tout, l’humble serviteur, venu pour servir et non pour être servi.

C’est donc une vocation de ministre ordonné que vous recevez. Elle vous place non pas au-dessus des autres, mais à leurs pieds, pour les servir comme Jésus. Elle a une force symbolique et ce que vous êtes précède ce que vous faites.

On dira : « C’est Landri ou Jorge, il est diacre ». Que fait-il ? On ne sait trop mais c’est un homme d’Église, à haut potentiel ecclésial ! Votre diaconat certes deviendra concret à travers les missions que vous recevrez, selon les besoins précis de ceux vers qui vous serez envoyés mais d’abord vous êtes diacres.

Cette vocation de diacre (et de tout ministre ordonné) est belle : Inutile de vous dire que nous devons agir fermement chaque fois que la manière de la vivre risque de faire écran à la rencontre avec Jésus plutôt que de la rendre possible. Cela arrive et chaque fois, crée du scandale et parfois même des sacrilèges. Recevoir une vocation et une ordination est donc aussi une immense responsabilité. Si par notre vie ou notre ministère, nous bloquons le passage vers Dieu plutôt que de le permettre, honte à nous. Nous aurons à rendre des comptes, le moment venu, devant le Seigneur lui-même. C’est dire que nous ne pouvons pas être diacre, prêtre ou évêque à notre compte, mais en fraternité avec d’autres, en ne cessant jamais de nous former, en ayant une vie spirituelle solide nourrie par le sacrement du pardon et de l’eucharistie, et par la lecture de la Parole de Dieu qui agit en nous comme un sérum de vérité. Que votre vie conjugale et familiale, et vos engagements dans la cité, soient aussi des indicateurs permanent de la qualité de votre diaconie.

Maintenant nous allons prier pour que vienne sur vous l’Esprit de Dieu, et que vous receviez la grâce qui fait les diacres, le charisme du diaconat instillé en vous par l’Esprit Saint, à l’appel de l’Église. Et nous continuerons de prier pour que, selon le mot de Saint Paul aux Thessaloniciens, notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ; par sa puissance, qu’il vous donne d’accomplir le bien que vous désirez et qu’il rende active votre foi. Ainsi le nom du Seigneur sera glorifié en vous et vous en lui… Ce désir intense de Paul est aussi celui de votre évêque et de tous ceux qui vous entourent. Ne perdez pas de vue cette Parole de Dieu. Votre fidélité à l’incarner vous rendra vraiment serviteurs humbles de vos frères et accomplira votre vocation à la sainteté. Notre prière vous porte pour que cela se produise en votre existence théologale et diaconale. Amen.

 

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens