Interview de Mgr Le Stang pour son 1er anniversaire d’ordination épiscopale

1. Monseigneur, vous fêtez ce jour, le premier anniversaire de votre ordination épiscopale : quel regard portez-vous sur cette première année dans la Somme ?

J’avais tout à découvrir, et j’ai beaucoup découvert ! Devenir évêque à 58 ans, c’est quitter sa famille, ses amis, sa paroisse… pour une aventure nouvelle et inattendue. Le Pape François a écrit dans Fratelli tutti cette phrase que j’aime : « La vie n’est pas un temps qui s’écoule, mais un temps de rencontre ». Je n’ai pas vu le temps passer, et j’ai vécu des centaines de magnifiques rencontres, et de belles collaborations. Il y a beaucoup de foi et de créativité missionnaire dans ce diocèse, en dépit de ses fragilités ou peut-être aussi grâce à elles. L’Esprit du Christ continue de convertir de nouvelles personnes, parfois très éloignées de l’Église, des jeunes souvent. C’est vraiment étonnant.

2. Que fait un breton quand il arrive en Picardie ? Le Picard est-il si différent du Breton ?

Le breton est voyageur. Il s’enracine et s’adapte là où le vent d’Ouest l’a poussé ! Il me semble que beaucoup de gens apprécient d’avoir un pasteur aux origines rurales, venant d’une région qui a une identité forte. Je découvre aussi beaucoup de connivences entre les tempéraments picard et finistérien. Mais je ne cherche pas vraiment à comparer. Quand on aime ceux vers qui on est envoyé, il n’y a pas de place pour la nostalgie. Je vais de l’avant.

3. Comment décrivez-vous notre diocèse d’Amiens ?

Un an c’est bien peu pour connaître un diocèse et en parler avec justesse. Il me vient, en pensant à mes diocésains, cette phrase de l’Évangile à propos de la Vierge Marie : « Elle méditait tout cela dans son cœur ». Il y a ici un comportement discret et réfléchi qui est beau car il ne se paie pas de mots, et cela n’empêche pas une attention à l’autre et un sérieux dans le service.

4. Quelles sont les différences entre votre ancienne vie de prêtre et la vie actuelle d’évêque ?

Les ministères que j’ai vécu comme prêtre ont été variés. J’ai fini par la mission de curé, peut-être la plus belle. J’ai bien conscience que l’évêque n’est pas le curé du diocèse. Il fait confiance aux prêtres et aux laïcs qui sont proches de tous dans les paroisses, aumôneries, écoles etc. L’évêque apprend à être un veilleur : il essaie de sentir l’odeur du troupeau de l’ensemble du diocèse, et de discerner ce que l’Esprit dit à l’Église en ces temps. Il lui faut pour cela beaucoup écouter, non seulement la vie de son Église mais aussi la vie du monde. La part d’enseignement prend aussi une place notable : on attend la parole de l’évêque. Et puis, il lui faut prendre des décisions pas toujours faciles, qui concernent des personnes ou engagent l’avenir : cela exige une réflexion posée, priante, sereine, et accepter de ne pas tout savoir d’emblée et de prendre conseil. Dieu est patient et tenace, vous savez… Qu’Il m’aide à l’imiter !

L’évêque apprend à être un veilleur : il essaie de sentir l’odeur du troupeau de l’ensemble du diocèse, et de discerner ce que l’Esprit dit à l’Église en ces temps.

5. Changement de vie, changement de rythme : vos nouvelles habitudes picardes ? Vous êtes un grand sportif, arrivez-vous à dégager du temps pour pratiquer du sport ? Que fait un évêque sur le peu de temps libre qu’il lui reste ?

Pour l’instant, je n’ai guère d’habitudes. Chaque journée est différente … et souvent très remplie. La pratique du sport, pour l’heure, se situe entre passé et espérance ! Au présent, bien peu. Mais je reste confiant. J’essaie de continuer aussi à lire et à essayer de comprendre le monde dans lequel nous vivons : avouez que ce n’est pas simple tous les jours ! Je préserve aussi un peu de temps pour me rendre auprès de ma mère, entrée dans sa 90ème année : à cet âge, chaque rencontre est un moment précieux.

6. Qu’est ce qui vous rend le plus heureux dans votre mission d’évêque ?

La rencontre des gens, si différents. Et ensuite, de les saisir tous dans ma prière, de remercier Dieu et de prier pour eux. Et puis, je suis émerveillé par tout ce qui est fait pour permettre aux enfants et aux jeunes de rencontrer le Christ. Enfin, il y a comme une jubilation à ressentir l’œuvre de l’Esprit Saint en beaucoup d’endroits et chez beaucoup de personnes, chrétiennes ou non. Les visites pastorales, de ce point de vue, sont un vrai cadeau dans mon ministère.

7. Il y a 1 an, vous proclamiez avec force « Peuple de Dieu qui est dans la Somme, Confiance, lève-toi, le Seigneur t’appelle ». Quels élans, quelles orientations allez-vous donner au diocèse aujourd’hui ?

C’est encore un peu tôt pour formuler des orientations comme tel, car il me faut discerner davantage les pierres d’attente, et faire mûrir les décisions avec les divers conseils du diocèse, notamment celui des prêtres. J’ai essayé de recueillir aussi le meilleur de ce qui a été désiré et formulé à la suite du synode diocésain de 2018. Les équipes qui se sont réunies cette année, en réponse au Pape François pour le synode romain de 2023 ont permis aussi d’identifier certaines attentes. Pour avancer concrètement, j’ai demandé d’évaluer et de faire des propositions en quatre domaines : le soutien à l’enfance et aux familles, le service des plus pauvres, l’élaboration de projets missionnaires concrets au plus près du terrain, et la formation des chrétiens et des prêtres. Il nous faudra aussi ouvrir des perspectives pour ajuster la mission sur le vaste territoire diocésain, notamment en rural, avec des ressources plus limitées en moyens et en personnes. Tout cela est très stimulant.

8. Un an plus tard, quel message voulez-vous adresser à votre peuple de la Somme ?

Le même : Confiance, lève-toi, le Seigneur t’appelle !