Homélie de Mgr Le Stang pour la messe du jour de Pâques

Frères et sœurs,

Jamais en d’autres temps, on n’aurait eu idée de faire coïncider la grande réderie d’Amiens et le week-end pascal, qui fait de l’accès à la cathédrale une course d’obstacles. Mais en ce jour, pas question de ronchonner, c’est Pâques. Il est vrai qu’on pourrait nous soupçonner, de plus, de quelques jalousies, car au moment où tout le monde sort tout ce qui gît dans ses caves ou cavernes d’Ali baba, nous n’avons, nous, à offrir, qu’un tombeau vide (à la rigueur un suaire et quelques linges… mais nous en aurons besoin pour faire des reliques). Alors, que toute frustration se transforme en joie : oui, le tombeau est vide ! Le Trésor que nous y avions entreposé, le corps mutilé et crucifié de Jésus, ne s’y trouve plus.

On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a déposé. Marie-Madeleine pense encore que le corps a été déplacé. Elle est encore en deuil et s’agrippe à la vie passée avec celui qui l’a délivrée et dont elle est devenue proche…Il lui faudra que Jésus se fasse plus lumineusement connaître à elle. Le disciple que Jésus aimait, lui, comprend immédiatement ce qu’il se passe. Il vit et il crut. Mystère de la foi, qui a à voir avec celui de l’amour. Il n’y a rien de plus grand que l’amour de Dieu. Quiconque a pressenti cela une fois dans sa vie, passe plus rapidement à la foi. Cet amour de Dieu, peu aimé en ce monde, ne peut pas mourir : il est éternel. Et celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts, nous ressuscitera, nous aussi.

Laissons place à la joie pascale en nos cœurs. La joie de ceux qui savent que Jésus est le Seigneur ressuscité, qui a traversé la croix et la mort sans se laisser annihiler par elles.

Voilà pourquoi, frères et sœurs, Saint Paul nous dit : recherchez maintenant les réalités d’en haut. Cela ne veut pas dire fuir notre réalité quotidienne mais y refuser le médiocre et le superficiel, y fuir le mal sous toutes ses formes. Non plus aller de l’avant vers un monde illusoire, mais s’ajuster à la terre où nous sommes plantés et la faire fleurir car les réalités d’en haut nous y sont déjà offertes en gage. En faire non plus un lieu de mort, un entrepôt de bric-à-brac inutile, un tombeau malodorant et pollué, mais un lieu tourné vers la vie pour tous et vers la vie en Dieu, qui sont toujours reliées.

La résurrection fait apparaître sous nos yeux le grand désir de Dieu pour notre monde et pour nous-mêmes. Depuis toujours, Dieu nous a voulu pour la vie et appelé à la vie. Il y a dans le fait même que nous existions en ce monde, un appel à la vie, que pourtant l’homme arrive à contrarier ou à dévier de 1000 façons. Mais Dieu ne renonce pas pour autant à ce projet de vie qui inclut la liberté. Dangereuse mais si passionnante liberté humaine. La venue de son Fils parmi nous était-elle au programme de son projet ou n’est-il devenu homme que parce que nous avons fait foirer son projet ? On peut en discuter, comme l’on fait les grands théologiens. Ce qui est sûr, c’est qu’aussi loin qu’on remonte dans les temps bibliques, jamais Dieu n’apparaît comme quelqu’un qui prend plaisir à la mort du pécheur, un Dieu sadique ou méchant. Toujours il est dans une dynamique d’alliance, de pardon, de vie nouvelle, d’espérance pour reconstruire par-dessus les décombres de nos conflits et de nos guerres.

Alors, frères et sœurs, ce matin, laissons place à la joie pascale en nos cœurs. La joie de ceux qui savent que Jésus est le Seigneur ressuscité, qui a traversé la croix et la mort sans se laisser annihiler par elles. Laissons place au printemps de l’espérance, à partager concrètement à toute personne, en particulier à celle qui en manque, de cette espérance. Laissons place au désir de connaître Jésus vivant, au ciel certes au-delà de notre mort, physique mais aussi dès cette terre car, il nous l’a dit je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. Amen.

Cathédrale Notre-Dame d’Amiens

Pâques 2022