Homélie de Mgr Le Stang pour la messe chrismale

Frères et sœurs,

Au cœur de cette messe chrismale, il y a la bonne odeur du Christ, l’odeur de sa sainteté. A des étapes essentielles de nos vies chrétiennes, nous recevons cette odeur de sainteté du Christ, par le signe d’une onction d’huile, mélange parfumé, œuvre de parfumeur, selon l’expression du Livre de l’Exode (Ex 30,25). Ceux que la maladie a privé de l’odorat au cours des mois passés savent combien il est bon de sentir en son corps et ses sens la bonté de la Création et ses odeurs. Dans la foi, nous expérimentons plus encore la joie de recevoir en nous l’onction parfumée de Jésus qui remplit notre vie et nous communique l’Esprit Saint.

Dans un beau petit livre récent de Régis Burnet, ayant pour titre 24h00 dans la vie de Jésus (PUF 2021), on lit : Si les ruineuses fragrances importées (l’encens, la myrrhe, la cannelle, la muscade, le nard, le safran) étaient certainement assez rares dans le monde de Jésus, iris, anis, sauge, marjolaine, lis et rose parfumaient les huiles à moindre coût. Il est donc bien probable que Jésus sentit bon. (P. 148). Jésus, homme parmi les hommes, exhalait les bonnes odeurs d’une création préservée. Comme Fils unique de Dieu, oint de l’Esprit Saint, il prépare plus encore nos cœurs à communier à la divine fragrance.

Une des prières du missel, pour la bénédiction du saint chrême s’adresse ainsi au Créateur : C’est toi qui as voulu au commencement que la terre produise des arbres fruitiers. Ainsi est né l’olivier, parmi toutes les plantes, dont les fruits allaient nous donner la bonne huile qui servirait à faire le saint chrême, (…) et dont l’onction, dès que les eaux du baptême ont effacé nos péchés, donne à nos visages la joie et la sérénité.

Le baptême et la confirmation donnent à nos visages joie et sérénité ! Repensons avec émotion que nous avons été oints de cette huile. Réveillons le désir qu’elle pénètre plus profondément en nous-mêmes, pour chasser de nos vies les puanteurs qui infestent notre monde, les ferments toxiques de la division, de la haine et de la mort. Tu as reçu l’onction de Dieu, en es-tu conscient ? Tu peux parler, écouter, agir, te donner avec l’onction royale du baptême, l’onction qui fait grandir dans la liberté intérieure et la joie de se donner. Ce parfum inimitable de la vie de Dieu fait naître en nous un désir, un enthousiasme, une vocation ; le désir de permettre que toute l’Église ne sente jamais le renfermé ni le rance, et qu’en revanche, elle offre à chacun de se sentir bien et de bien sentir les autres, en communion de fraternité, de compassion, de justice et de bonté.

Cette onction concerne de manière toute particulière les prêtres et l’évêque, au jour de leur ordination dont ils vont dans un instant renouveler les promesses. L’évêque reçoit l’huile sur sa tête, pour conduire son diocèse avec une onction qui vient de Jésus, et les prêtres dans leurs mains pour transmettre activement le Christ au peuple de Dieu, là où ils sont envoyés, en célébrant les sacrements, avec cette même onction de Jésus. Cette onction de la tête et des mains remet sous nos yeux le sens profond et le don précieux du ministère ordonné. L’évêque a besoin des mains de ses prêtres. Non qu’il ne fasse rien lui-même de ses dix doigts, mais parce que la vocation de tous les baptisés à la sainteté a besoin d’être nourrie, sanctifiée, rassemblée par les mains des prêtres qui ne sont pas faites pour écraser mais pour servir, donner, partager, unir, et aussi pour être élevées vers Dieu en sacrifice de louange et de supplication.

Frères et sœurs, je vous demande ceci : émerveillez-vous ce soir du mystère du sacerdoce. Prêtres et évêque, nous sommes vos frères et tout dans notre Église doit être habité, traversé par cette fraternité entre baptisés, qui marchent ensemble et se laissent rejoindre par le Christ. Mais contemplez en même temps ce mystère du sacerdoce apostolique. Ressentez un peu la joie des prêtres et de l’évêque, qui ont un bonheur profond à être l’ami de l’Époux, Jésus, l’unique Sauveur. Pensez à la vocation unique de ces hommes : elle ne les dispense pas des faiblesses humaines et du chemin de conversion que tout chrétien doit vivre. Chacun d’eux porte pourtant en lui le secret de l’amitié du Christ qui lui a dit personnellement : suis-moi. Trésor de la vocation, qu’aucune contrariété du ministère ne peut ni ne doit éteindre. Ce trésor de l’appel du Christ, je sais aussi que des jeunes le portent en eux en 2022, mais qu’ils hésitent à faire le pas. Alors, en communauté chrétienne, diocésaine, prions le Père de la moisson pour qu’ils aient l’audace et l’humilité de dire au Christ : si tu le veux, Seigneur, je te rejoins pour faire briller ton nom.

Avec les prêtres et chacun de vous, il nous faut donner plus de vigueur à la mission dans notre diocèse, sortir de la torpeur des mois passés, et réfléchir encore et encore, pour ouvrir des voies nouvelles : alors que notre diocèse achève sa consultation demandée par le Pape François, en vue du synode de 2023 à Rome, j’ai demandé, depuis des mois, au Père Samuel Leyronnas de préparer un plan pour renouveler la formation des chrétiens dans notre diocèse, car notre temps a besoin de baptisés mieux formés, enfants, jeunes et adultes. J’ai demandé au vicaire général Yves Delépine de consulter tous azimuts en vue de créer un service de transformation missionnaire de nos paroisses et communautés, pour faire suite à l’élan du dernier synode diocésain. J’ai demandé aussi au vicaire général Nicolas Jouy d’unifier et rendre plus performantes toutes les initiatives pour mieux faire route avec les pauvres. Chacun d’eux veille, dans sa démarche, à associer le maximum de laïcs, de consacrés, de diacres et de prêtres, pour cette continuité de la mission et de la diaconie qui répand chez nous la bonne odeur du Christ depuis tant de siècles. A la rentrée de septembre, je souhaite que nous ayons bien avancé en ces domaines.

Pour conclure, comment ne pas penser à vous chers catéchumènes, dont certains sont parmi nous ce soir : en ces heures qui vous préparent au baptême, l’huile des catéchumènes a donné force à votre combat spirituel et à votre marche vers le baptême. Merci de nous relancer dans notre élan vers le Christ par votre intégration dans son Église.

Et comment ne pas évoquer aussi cette huile qui va être bénie en vue de soulager l’âme, l’esprit et le corps des malades. Non pas une huile de fin de vie seulement, mais une onction pour tous ces moments de la vie où les personnes sérieusement fatiguées ou malades ont besoin de la consolation de Dieu et de ressentir combien il est proche d’elles. Nous avons des progrès à faire pour que ce sacrement soit proposé plus spontanément aux personnes en souffrance. Cela fait partie de notre mission d’évangélisation et de compassion car Jésus a besoin de nous pour porter à tous sa bonne odeur. C’est pour les malades et les pécheurs qu’il est venu. Amen.

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens