Mgr Le Stang au Salon de l’Agriculture

Interview de Mgr Gérard Le Stang, évêque d’Amiens, présent au Salon de l’Agriculture lundi 28 février 2022.

– Monseigneur, vous êtes actuellement au salon de l’Agriculture, quel est le sens de votre visite ?

Le diocèse d’Amiens qui recouvre le département de la Somme, est en grande partie rural. Beaucoup de gens y vivent de l’agriculture ou de l’agroalimentaire. En me joignant à la délégation d’évêques accueillis au Salon de l’agriculture, je veux témoigner de la proximité et du soutien de l’Église au monde rural. Chaque évêque le fait dans son diocèse mais il faut en témoigner aussi au niveau national.

– Quel est le contenu de cette visite ?

La journée est dense. Elle inclut un nombre important de rencontres : avec des responsables de chambres d’agriculture, d’enseignement agricole et de maisons familiales rurales (MFR), avec des responsables syndicaux et de coopératives, avec des organisations comme INAPORC ou des espaces innovants comme « la ferme digitale » …sans oublier la visite au Pavillon 3 : celui de la Région des Hauts de France où se trouvent mes amis de la Somme ! (Si j’ai le temps, je ferai un petit détour par le pavillon breton, pour ne pas oublier mes racines !)

– Depuis votre arrivée dans le diocèse, vous avez rencontré plusieurs acteurs du monde agricole, quel regard portez-vous sur celui-ci ?

Avant tout, je voudrais partager une admiration : tous les agriculteurs que j’ai rencontrés, jeunes ou moins jeunes, hommes et femmes, sont passionnés par leur métier. Ils s’y donnent avec beaucoup d’énergie. Pour eux, c’est un métier qui a un sens évident. Comment ne pas partager leurs convictions ? Cela reste, évidemment, un métier d’avenir, malgré des questions cruciales.
Il y a de grandes disparités dans notre département, quant à la taille des exploitations, les productions, du type de production (conventionnel, ou bio). De gros efforts sont faits pour mieux respecter l’environnement (culture raisonnée). L’époque est rude, mais elle est aussi passionnante, car il y a beaucoup de créativité pour diversifier les productions et repenser la vie en rural.

– A  Amiens des agriculteurs ont manifesté mardi dernier, qu’en avez-vous pensé ?

Les agriculteurs veulent vivre de leur travail. Cela est bien normal. Il est injuste et incompréhensible que ceux qui nourrissent les populations ne puissent pas vivre de leur métier. Il existe une souffrance souvent cachée dans de nombreuses exploitations du fait de ces prix non rémunérateurs (producteurs de lait, endives, …). La MSA a reçu la mission de créer un service téléphonique de soutien psychologique aux agriculteurs en difficultés (09.69.39.29.19). Les appels y sont nombreux, par des hommes et des femmes souvent seuls et se sentant accablés par un métier qu’ils aiment mais qui ne leur permet plus de vivre. Les conséquences de la guerre en Ukraine risquent d’aggraver la situation. On ne peut pas rester indifférent à tout cela. L’Église a toujours été proche des agriculteurs et veut le rester encore aujourd’hui.

N’est-ce pas là une crise globale qui nous dépasse ?

Il n’y a pas de fatalité. Un problème majeur depuis plusieurs années est celui de la transmission des exploitations et de l’installation des jeunes, à cause des contraintes administratives et des normes multiples, des pressions de la mondialisation, de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution. La désertification du monde rural et la fin de certaines productions dans notre pays – comme celle du lait -, seraient préjudiciable pour tous.
Pendant ce temps, près de 10 millions de personnes ne mangent pas à leur faim dans notre pays et ont recours à la banque alimentaire ou autres organisations solidaires. C’est fou. Il faut réfléchir autrement, non ? Au-delà des microréalisations intéressantes pour cultiver autrement, tout cela met en lumière un système global qui doit évoluer pour que tout le monde s’y retrouve. Bien des jeunes seraient pourtant heureux de vivre en rural, de faire fructifier la terre, et de travailler dur pour nourrir leur pays ! On le voit dans les lycées agricoles ou les MFR. Comme chrétien, je me sens très concerné par tout cela. C’est un enjeu de Bien Commun très important.

– Vous participez, du 22 au 24 avril prochain, au rassemblement « Terres d’Espérance », à Châteauneuf-de-Galaure, dans la Drôme. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette rencontre ?

Ce rassemblement a une autre visée, tout en étant un peu liée au sens de notre présence au Salon de l’Agriculture. L’enjeu est de stimuler la vie de notre Église en rural. Beaucoup de chrétiens ne se résignent pas à voir leur Église se rabougrir et prospérer seulement en ville. Rejoints par des néo-ruraux, chrétiens d’été ou de week-end, ils ont des initiatives tous azimuts pour faire vivre l’Église en rural. Cette floraison est belle dans notre pays. Voilà pourquoi, les évêques de diocèse ruraux ont pris l’initiative de ce rassemblement, qui peut enfin avoir lieu.

Je me rendrai donc à Châteauneuf-de-Galaure avec une dizaine de diocésains passionnés par ces questions. Ce sera un temps joyeux d’échanges de pratiques, d’expériences ou d’événements. Un temps de réflexion et de recherche commune. Un temps de célébration et de fête aussi. Belle espérance, non ?