Homélie de la messe de Noël

Noël 2021
Homélie de Mgr Gérard Le Stang.
Cathédrale d’Amiens.

Frères et sœurs,

Le peuple qui marchait dans les ténèbres, a vu se lever une grande lumière. Ce soir, ce peuple qui a vu se lever une grand lumière et qui célèbre le Prince de la Paix, c’est nous, rassemblés en ce lieu et unis à tant d’autres disciples de Jésus.

Aussi, ce soir, malgré les ténèbres et la misère dans lesquelles tant se débattent ou errent, je ne joindrai pas ma voix à ceux qui, ne croyant pas ou ne croyant plus à l’espérance de Noël, ne parlent de l’air du temps qu’en termes lugubres, comme l’épreuve du moment était plus rude que celles traversées par le petit peuple biblique, ou par notre pays et notre monde tout au long de son histoire.

L’heure est plutôt à détecter, avec une intense attention, la lumière au cœur de la nuit. « En effet, écrit Saint Augustin, d’où vient la paix sur la terre, sinon de ce que la Vérité a germé de la terre, autrement dit, que le Christ est né de la chair ? Et c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux a fait un seul peuple, pour que nous soyons des hommes pleins de bienveillance, tendrement attachés les uns aux autres par le lien de l’unité. » (Saint Augustin, sermon de Noël)

Au fond d’une grotte pour animaux, le Fils de Dieu a pris corps et âme humaine. Au plus bas du monde, dans ce lieu bouseux et boueux, Saint Joseph a étalé un peu de paille pour que la Vierge Marie enfante, et dépose le bébé dans une mangeoire à bestiaux. C’est le mystère même de l’Incarnation. Dieu a fait germer la vie de son Fils bien-aimé dans le creux de ce monde, de nuit. Le Fils, consubstantiel à son Père comme nous le redit désormais la traduction revue du Credo de Nicée, le Fils qui vit de la vie même de son Père, devient consubstantiel aux hommes, un seul et le même Jésus-Christ, pleinement Dieu et pleinement homme, dans la nuit du monde. Sa naissance cachée, ignorée est un non-événement, sans gloire apparente, comme le sera sa mort – tant pis pour les médias affamés de polémiques ou d’émotions factices ! –. La naissance de Jésus est si cachée que même le diable, dit Saint Ignace d’Antioche, en a ignoré l’avènement. Seuls en furent témoins les anges du ciel et quelques veilleurs de nuit, bergers pauvres de la Judée de ce temps. Voilà qui en dit long.

Pourtant, frères et sœurs, dans cette majestueuse cathédrale, nous osons chanter : Adeste fideles, laeti triomphantes…(Accourrez fidèles, joyeux et triomphants). « Venez à Bethléem… Embrassons saintement celui qui, pour nous, s’est fait pauvre et qui est couché sur la paille », poursuit le chant. Oui, accourez joyeux et triomphants, fidèles du Christ !

Quel est donc cet évêque, me direz-vous, qui invite son peuple à être triomphant ? Ne conviendrait-il pas à l’Église de ce temps, petit reste craintif et honteux, de faire profil bas et de se calfeutrer dans ses sacristies ? Eh bien, non, l’honnêteté et la véritable humilité est d’être joyeux et triomphant, face au mystère de Bethléem. Dieu, posé à même le sol, au plus bas du monde, venu pour les malades et les pécheurs, fait éclater nos cœurs d’une joie intense et illumine d’un sourire triomphal nos visages…même masqués.

Regardez l’espérance de Dieu : il anéantit toute ténèbre en cette petite lumière. Regardez l’humilité de Dieu : il s’abaisse pour prendre la condition de l’esclave (Ph 2, 6) ! Regardez la charité de Dieu : par le plus ignoré des enfants de ce monde, il suscite un peuple de fils de Dieu, unis par une même charité !

Frères et sœurs, en cette nuit, nous nous rappelons que chrétiens, nous sommes dépositaires d’un Cadeau infiniment précieux, le Don du Fils de Dieu lui-même. Il est l’Espérance même du monde, et il se confie à nous. Voilà pourquoi, il nous faut être humblement joyeux et triomphants.

Aujourd’hui comme hier, le monde va comme il va, au milieu de biens des épreuves, même si, considérant notre pays en regard de bien d’autres, il ne faut pas exagérer dans la plainte et la dureté des jugements. Nous vivons dans un pays en paix, dans un état de droit, et je pense aux représentants de l’état et aux élus qui cette nuit, visitent les services d’urgence, les casernes de pompiers, les forces de l’ordre pour les remercier et les encourager. Je pense à tant d’associations sur le pont, en ce temps de Noël pour visiter, consoler, apporter le cadeau d’une amitié, d’une présence et parfois d’un peu de nourriture. Je pense à ces chrétiens rassemblant des personnes seules ou démunies, que j’ai visités avant cette messe, à Saint Honoré, à Cœur Soleil dans les quartiers Nord d’Amiens, ou dans cette paroisse même. Le monde marche au milieu de bien des épreuves, oui, mais depuis la nuit de Bethléem, l’humanité et la Création tout entière, ajoute Saint Paul, ne peut plus ignorer qu’elle vit un enfantement, qui certes dure encore, mais qui la destine à la Gloire du Ciel et non aux affres de l’enfer ou du néant.

Alors, Saint Peuple de Dieu, reprend conscient du don que tu as reçu. Le Christ n’est plus seulement présent dans la crèche de Bethléem. Il a désormais élu domicile en nos cœurs de croyants, même s’ils ne sont pas toujours plus présentables que la crèche. Il est en nous, enfants et jeunes pleins de vie, bien sûr, mais aussi adultes, anciens, riche de tant de sagesse. L’Église, de façon mystérieuse et souvent bien cachée, est le corps de Jésus en ce monde, et, envers et contre tout, elle rayonne de la clarté de Noël.

Alors, oui, sois joyeux, et triomphant, saint peuple de Dieu.

La foi t’est donnée pour t’orienter de nuit !

La charité t’est donnée pour illuminer la nuit !

L’espérance t’est donnée pour aller plus loin que la nuit.

Deviens, en ce monde, témoin de la joie insubmersible de Noël : elle engloutit toute ténèbre. Elle est la lumière du Sauveur, du Prince de la Paix. Amen.

Frères et sœurs, en cette nuit, nous nous rappelons que chrétiens, nous sommes dépositaires d’un Cadeau infiniment précieux, le Don du Fils de Dieu lui-même.

Il est l’Espérance même du monde, et il se confie à nous. Voilà pourquoi, il nous faut être humblement joyeux et triomphants.