Retour sur la Messe chrismale à la Cathédrale Notre-Dame d’Amiens

Homélie et photos de la messe chrismale célébrée par Mgr Bruno Feillet, évêque auxiliaire de Reims le mardi 30 mars 2021, en la Cathédrale Notre-Dame d’Amiens.

Homélie de Mgr Bruno Feillet

Frères et sœurs, la dernière parole de cet évangile est l’homélie la plus courte de toute l’histoire de la chrétienté. Revoyons la scène, si vous le voulez bien.

On lui présente le livre d’Isaïe, mais on ne lui dit pas quel passage lire. C’est Jésus qui le trouve, le choisit, le proclame et le commente : « Cette parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ».

La citation exacte du livre d’Isaïe, nous l’avons lue dans la première lecture. Il s’agit de la venue du Messie et de tous les signes qui accompagnent sa présence. Le Messie, le Christ, l’Oint du Seigneur, celui sur qui repose l’Esprit de Dieu, c’est bien Jésus. Et tout au long de son ministère public, se déploient des œuvres de miséricorde qui attestent de son identité. « Si vous ne croyez pas mes paroles, croyez au moins mes œuvres » dit Jésus dans l’Evangile de Jean (Jn 10, 25). Le commentaire de Jésus, pour sobre qu’il est, annonce en toute simplicité qu’il est le Messie puisqu’en lui s’accomplit l’Ecriture et tout spécialement celle du livre d’Isaïe.

L’accomplissement des Ecritures, c’est plus que la réalisation d’une promesse au sens étroit du terme. Il s’agit ici de manifester et de déployer tout ce qui était contenu dans la promesse et que l’on ne pouvait percevoir alors.

En effet, lorsqu’Isaïe annonce que tout le peuple sera appelé « prêtres du Seigneur » et « Serviteurs de Dieu », tous comprennent que le peuple d’Israël constituera l’ensemble des prêtres qui offriront des sacrifices au temple de Jérusalem pour la totalité des nations. Mais Jésus, fera de toutes les nations un « royaume et des prêtres de Dieu ». La manière d’être prêtre sera cependant bien différente. Pour Isaïe, on le devenait de père en fils, par engendrement. Dans la nouvelle Alliance, nous le devenons par le baptême grâce à celui qui nous a délivrés de nos péchés.

Si pour Isaïe, l’exercice du ministère consistait à offrir des animaux en sacrifice, pour les chrétiens, il s’agit désormais de prier pour le monde et de s’offrir soi-même en sacrifice à l’image du Christ.

Pourtant, dans ce peuple des sauvés, certains seront appelés tout particulièrement à exercer le ministère presbytéral d’une manière nouvelle. Non d’abord en raison de leurs mérites ou de leurs talents, mais gratuitement, par choix de Jésus. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. » (Jn 15, 16). Lorsque nous regardons le choix des 12 apôtres que fit Jésus, leurs parcours politiques, leurs caractères et leurs charismes propres, il n’est pas certain qu’en personnes raisonnables, nous l’aurions approuvé. Or, si nous avons rencontré le Christ, si nous avons été baptisés, c’est en raison de leur foi, cette foi que nous proclamons tous les dimanches dans le symbole des apôtres. Cette foi qui a été transmise de génération en génération à travers les évêques, successeurs des apôtres et leurs collaborateurs, prêtres et diacres. Ces hommes, frères et sœurs, qu’ils

viennent d’ici, de la Somme, ou de beaucoup plus loin, ils sont le don que Dieu fait à votre diocèse. J’en connais quelques-uns et parfois depuis longtemps. Mais ce que je dis, je le dis de tous.

Cependant, ne croyez pas que j’ai une vision cléricale de la transmission de la foi. Combien de fois ai-je été non seulement édifié, mais poussé à croire mieux et avec plus d’enthousiasme par nombre de familles chez qui la foi était comme chevillée au corps. En fait, c’est tout le peuple de Dieu, nourrit de sa Parole et du pain de vie et animé de son Esprit qui reçoit la joie de connaître le Christ, la grâce d’être sauvé et la mission d’en témoigner.

Pourtant les prêtres ont une place particulière dans ce peuple. Permettez-moi de leur adresser la parole.

Chers frères, dans quelques instants, vous allez renouveler les engagements que vous avez pris le jour de votre ordination. Il s’agit pour vous et pour moi avec vous de redire notre volonté d’être plus unis au Seigneur Jésus, de chercher à Lui ressembler mais aussi de renoncer à nous-mêmes, en restant fidèles à nos engagements et attachés à notre mission dans l’Eglise. Vous noterez avec moi que dans cette formule, l’attachement au Christ précède l’accomplissement de nos engagements. Tout est là. Aucun d’entre nous ne peut persévérer dans sa mission s’il n’est d’abord profondément attaché au bon maître.

Nous connaissons l’adage conjugal : « loin des yeux, loin du cœur ». Pour notre vie, c’est la prière quotidienne, qui attache notre cœur au Christ. Nous perdrons le sens de notre ministère si nous perdons cette prière profonde qui nous relie au Seigneur Jésus. Le reste nous sera donné par surcroît.

Vous le savez, la nature de notre ministère se déploie dans trois dimensions dont l’ordre n’est pas anodin. Il s’agit d’abord d’annoncer la Parole, de sanctifier le peuple de Dieu et enfin d’assurer le service du gouvernement. Lorsque dans la première communauté chrétienne, il y eut un souci dans la distribution de la nourriture pour les veuves, les fidèles se sont tournés vers les apôtres qui leur ont répondu : « Il n’est pas bon que nous délaissions la Parole de Dieu pour servir aux tables » (Ac 6, 2). Ce n’est pas qu’ils étaient paresseux, ou pire encore qu’ils voulaient se faire servir. Non. Ils avaient une vive conscience de leur mission première d’une part et d’autre part que tout le monde ne peut pas tout faire. Et c’est ainsi que fut inventé le ministère diaconal. Ce que je retiens de cet épisode fameux est la priorité absolue que les apôtres ont estimé devoir à la prière et au service de la Parole (Ac 6, 4).

N’étant pas votre évêque, je ne me permettrais pas d’orienter l’action pastorale de votre diocèse, d’autant plus que vous venez de vivre un grand synode et que votre nouvel évêque vous sera donné le jeudi de l’Ascension. Mais je vous partage fraternellement ce qui habite le cœur de mon diocèse comme je suis sûr vous le ferez un jour à votre tour pour nous. A vrai dire, c’est déjà le cas puisque nous allons bientôt accueillir votre ancien évêque, Mgr Leborgne, qui viendra nous parler des fraternités missionnaires de proximité, fruit éminent de votre dernier synode.

Je voudrais enfin évoquer la bénédiction des saintes huiles que nous vivrons après le renouvellement des engagements des prêtres.

On parle peu de l’huile des catéchumènes aussi, laissez-moi vous raconter un épisode de ma vie pastorale dans une école catholique de Valenciennes. Sylvain est en CM1 et quelques semaines avant son baptême, dans la chapelle de son école et devant toute sa classe, je lui impose l’huile des catéchumènes pour qu’il soit fort dans les derniers jours qui le séparent de son entrée dans la foi. C’était un jeudi matin. Je ne sais plus quelle monition j’ai faite à cette occasion, mais le dimanche suivant, je vois la maman de Sylvain le traîner dans l’église et me dire : « Monsieur l’abbé, dites-lui qu’il peut se laver les mains ». Alors très solennellement, je l’ai autorisé à se laver les mains. Bien sûr. Mais, voyez-vous, si j’ai donné l’autorisation avec autant de sérieux, c’est que ce petit garçon avait mis toute la générosité de son jeune âge dans cette étape qui le conduisait au baptême. Quelque part, c’était édifiant.

Combien de fois, les prêtres qui ont donné le sacrement des malades avec l’huile bénie à chaque messe chrismale ont vu les malades trouver la paix dans l’épreuve de la maladie. Que ce sacrement soit célébré dans une famille pour l’un des leurs ou dans une grande célébration paroissiale, diocésaine ou à Lourdes, c’est toujours un moment fort où s’accomplit la miséricorde du Christ et se réalise sa présence toute spéciale aux côtés de celui qui souffre.

Le Saint-chrême, cette huile parfumée, accompagne des rites sacramentels qui ne s’accomplissent qu’une fois dans la vie des croyants. Le jour de son baptême le nouveau baptisé est marqué du saint-chrême pour manifester que, désormais, il est « prêtre, prophète et roi » ; il est le signe de la confirmation qui accompagne la parole sacramentelle : « sois marqué de l’Esprit-Saint, le don de Dieu » ; les mains du prêtre nouvellement ordonné sont ointes du Saint-Chrême pour qu’il « fortifie et sanctifie le peuple chrétien » ; il est répandu sur la tête du nouvel évêque pour que « soit rendu fécond son ministère ». Et assurément, il servira pour les baptêmes de Pâques et de toute cette année, mais aussi à la consécration de votre prochain évêque.

Frères et sœurs, voulez-vous que nous prenions un temps de silence pour vivre ensemble le renouvellement des engagements de vos prêtres et la bénédiction des saintes huiles qui accompagneront la sanctification de tout votre diocèse.

Mgr Bruno FEILLET
Evêque auxilliaire de Reims

Message de Mgr Gérard Le Stang aux prêtres d’Amiens

Chers frères,

Ce Mardi Saint, autour de Mgr Bruno Feillet, avec les diacres et tout le Peuple de Dieu, durant la messe chrismale, vous renouvelez les engagements pris au jour de votre ordination.

Par ma nomination comme évêque de votre diocèse, me voilà déjà membre du presbyterium d’Amiens. Aussi, je me sens profondément solidaire de notre mission commune, en communion avec chacun d’entre vous, jeunes et anciens, priant pour vous tous, en ce jour béni. Que grandisse davantage en nous la charité pastorale et diaconale !

Demain mercredi, au cours de la messe chrismale dans la Cathédrale Saint Corentin, je dirai au revoir au presbyterium de Quimper, dont je ne fais plus partie depuis ce samedi 20 mars, après plus de 30 ans de service et de fraternité avec tant de ministres ordonnés et de chrétiens, depuis mon ordination le 17 juin 1990. Vous soupçonnez ce que cela peut signifier.

L’amour d’une Église locale, d’un Peuple donné, d’un terroir et d’un territoire que le Seigneur nous confie, nous saisit tout entier. Ouvert à la mission universelle de l’Église, nous découvrons aussi que nous ne sommes pas propriétaires de notre Église ou de nos missions reçues : Dieu nous demande d’accepter joyeusement, d’être envoyé pour servir son peuple, ailleurs et autrement. Que sa volonté soit faite.

Ces changements que nous vivons ensemble sont une manière de nous unir à la Pâque de Jésus, une manière d’éprouver existentiellement ce que célèbre la liturgie de ces jours saints.

Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

Belle Semaine sainte à tous.

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque nommé d’Amiens