De la violence faite aux femmes, et à quelques autres…

Le projet de loi n’est pas voté. Il doit encore passer au sénat. Mais comment ne pas être stupéfait de l’amendement glissé, une nuit d’été, alors que les français étaient en vacances et qu’il n’y avait plus beaucoup de députés à l’assemblée ? Cet amendement demande que l’interruption médicale de grossesse soit possible à tout moment, non seulement en cas de danger de santé pour la mère ou en cas de grave malformation de l’enfant comme cela est permis par la loi aujourd’hui, mais aussi en cas de « détresse psychosociale ».

Comment ne pas être sidéré par la violence multiforme que cela induirait ?

Comment peut-on oser penser que c’est en éliminant son enfant à naître qu’on aidera une femme enceinte prise dans une « détresse psycho-sociale » – un terme que l’on ne prend même pas la peine de définir et qui risque de devenir un pseudo remède-miracle à toute situation non conforme ? Quel mépris pour les femmes ! Comment penser qu’une femme parviendra à mieux assumer sa vie en posant un tel acte de mort ?

Notre société capitule et se débarrasse sur les femmes1 d’une question qui devrait interroger toute la société sur son devoir de protection et d’accompagnement des plus vulnérables. Quand cessera-t-on cette violence faite aux femmes ? Quand prendrons-nous tous ensemble à bras le corps les sujets cruciaux de l’éducation, du corps (connaissance, responsabilité et relation), de la liberté et de l’altérité, de la promesse de la vie, de la nécessaire paternité responsable, de la solidarité durable dans l’épreuve, de l’accueil social de la différence, etc. ?

Le message de ce projet de loi est très clair : la vie humaine n’est pas sacrée, la loi du plus fort s’impose au plus faible, et sa vie ne revêt pas une dignité inaliénable. Dans le rural précaire ou dans nos cités déshumanisées comme dans tous les milieux, les jeunes et les moins jeunes « en galère » reçoivent cinq sur cinq le message. Ils le reçoivent d’autant plus qu’ils font souvent l’expérience de ce semblant de tolérance qui n’est rien d’autre que de l’indifférence et, pour eux, une expérience d’humiliation. Ils ont compris depuis longtemps que leur vie n’avait pas beaucoup de prix aux yeux de la société. En adoptant une telle loi, ne légalise-t-on pas la violence pour tous et de tous ? Comment leurs en vouloir alors si, en situation de « détresse psycho sociale », ils s’en prennent aux forces de l’ordre, aux possédants, aux tenants de l’ordre établi, à ceux qui leurs font peur, aux plus pauvres qu’eux ou aux migrants, hors de tout cadre légal ?

Quelle valeur accordons-nous ainsi à la vie ?

Si légalement on ne peut pas parler d’infanticide puisque le bébé n’est pas né, comment réellement qualifier autrement ce que permettrait ce projet de loi ? Les femmes ne sont pas dupes : je n’ai jamais entendu une femme dire qu’elle portait en son sein un zygote, une blastula ou un fœtus mais bien un enfant. Les données de la science confirment l’intuition des femmes : dès la fécondation – dès que l’ADN est fixé, tout est là -, la croissance d’un enfant débute, avec ses étapes à venir.

En cette fête de l’Assomption, je prie pour toutes les femmes en détresse, ceux qui les accompagnent durablement, ceux qui les abandonnent et tous ceux qui participent à l’élaboration des lois. Ceux qui sont en colère aussi. Je demande à Marie d’intercéder pour un sursaut des élus et de la société. Que cette dernière ne cherche pas à construire un monde où seulement les « autorisés » pourront vivre mais où tous et chacun, quelle que soient leurs différences, pourront trouver leur place et vivre dignement. Par Marie, je les confie tout cela à la miséricorde et à l’amour fou de Dieu2. En son Assomption, Marie en est le signe déjà réalisé: nous sommes tous faits pour le salut.

+ Olivier Leborgne, évêque d’Amiens

1 Un certain nombre de femmes contraintes à poser ce geste ont voulu me rencontrer. Parfois plusieurs années après, prisonnières d’un acte de mort dont elles ne savent où parler – incroyable tabou dans notre société -, elles cherchaient d’abord à être écoutées et, pour certaines, dans la miséricorde de Dieu et son amour fou, la possibilité de rechoisir la vie et l’avenir. Ce qui me frappe, c’est que jamais aucun homme concerné n’est venu en parler. (retour au texte)

2 Si des hommes croyants lisent ces quelques lignes alors qu’ils ont été confrontés à cette situation, qu’ils n’aient pas peur de courir au confessionnal. L’acte de mort dont ils ont été complices pourrait leur pourrir la vie bien au-delà de ce dont ils ont conscience. Qu’ils viennent, dans la miséricorde, recevoir le pardon, grâce de vie plus forte que la mort, grâce de réconciliation, d’espérance et d’avenir. (retour au texte)