Qui veut se débarrasser de la dignité humaine ?

Qui veut se débarrasser de la dignité humaine ?

 

Alors que je saluais un groupe de personnes sans domicile fixe, l’une d’entre elles, sans doute à bout, cherchant comment subvenir à ses besoins et me disant sa disponibilité pour quelque travail que ce soit, m’a déclaré : « je suis à vendre ! »

L’expression m’a saisi. Echo d’une humanité désespérée, d’une dignité qui ne se reconnait plus parce qu’elle n’est plus reconnue.

Une question a surgi alors, croisant également d’autres sujets d’actualité : qui veut se débarrasser de la dignité humaine ?

La situation économique et sociale est complexe, déstabilisée encore plus par la pandémie de la Covid 19 et du confinement. Certains évoquent une « monde d’après. » Je ne le vois pas venir. La bourse semble se porter étonnamment bien. Comment comprendre cela ? N’y aurait-il pas là le signe de notre incapacité à inventer d’autres chemins que celui d’un capitalisme financier ultralibéral qui ne fait de l’homme qu’une variable d’ajustement, sacrifié sur l’autel de la rentabilité et des dividendes de quelques-uns ?

Dans le même mouvement, comment ne pas être étonné de la rapidité avec laquelle le parlement, en cette sortie de confinement, a remis le projet de loi bioéthique au programme, en y ajoutant deux nouveautés[1] qui ne font qu’accentuer la mise à disposition du vivant et de l’enfant à naître ? Il ne s’agit pas de nier la souffrance et le manque que vivent certains, mais peut-on y répondre sérieusement en sacrifiant la dignité de la personne humaine, et en mettant l’enfant à disposition de quelques intérêts particuliers ? Quel progrès peut se manifester là ?  Là encore, je n’y vois qu’une nouvelle tentative de se débarrasser de la dignité humaine au profit de quelques-uns et d’intérêts financiers sous-jacents de quelques autres.

Comment alors oser parler d’environnement et d’écologie, comme si la personne humaine n’en était pas partie prenante, l’une des composantes fondamentales ? L’homme et la nature forment ensemble un authentique écosystème. La nature et la personne humaine sont embarqués solidairement dans l’aventure de la Création. Le pape François, dans son encyclique Laudato Si, montre combien « tout est-lié » et promeut une écologie intégrale qui met toutes ces réalités en alliance. Une certaine conception du progrès a pensé que la nature était à disposition et a entretenu un rapport de prédation vis-à-vis d’elle. On en voit aujourd’hui les dégâts.

Il nous faut quitter ce rapport de prédation, de l’homme vis-à-vis de la nature, de l’économie vis-à-vis de l’homme et de l’homme vis-à-vis de ses alter-egos. L’homme va-t-il encore longtemps rester un loup pour l’homme ? Combien de temps encore le plus fragile sera-t-il soumis à la loi du plus fort ?

Nous ne pouvons pas échapper à cette question : voulons-nous, ou ne voulons-nous pas, nous débarrasser de la dignité humaine ?

+ Olivier Leborgne

 

[1] D’une part, la technique dite ROPA selon laquelle, pour un couple de femme, l’une d’elle peut donner son ovocyte qui, fécondé in vitro, est implanté dans l’autre femme qui accouchera ; d’autre part, le test DPI-A qui vise à détecter les anomalies chromosomiques pour ne pas implanter des embryons qui seraient porteurs de telles anomalies dont la trisomie.

Il nous faut quitter ce rapport de prédation, de l’homme vis-à-vis de la nature, de l’économie vis-à-vis de l’homme et de l’homme vis-à-vis de ses alter-egos. L’homme va-t-il encore longtemps rester un loup pour l’homme ? Combien de temps encore le plus fragile sera-t-il soumis à la loi du plus fort ?