Célébration des obsèques de Mgr Jacques Noyer

La célébration des obsèques de Mgr Jacques Noyer s’est déroulée ce jeudi 11 juin 2020 en la Cathédrale Notre-Dame d’Amiens. De nombreux fidèles présents pour rendre un dernier homage à celui qui fut évêque du Diocèse pendant 16 ans. De nombreux témoignages également pour souligner et rappeler les nombreux engagements et choix pastoraux de Mgr Jacques Noyer.

Je suis la porte, déclare Jésus dans le passage de l’Evangile que nous venons d’entendre.

Ces derniers jours, je retrouvais des photos de Mgr Noyer le jour de son ordination épiscopale et lors des nombreuses visites pastorales qu’il a effectué en terre de Somme pendant ses 17 années d’épiscopat dans le diocèse. Je repensais à nos quelques rencontres, à ce que j’ai lu de lui – il avait une vraie parole et une belle plume – et à ce qu’on m’a dit de lui. Et je l’imaginais.

Je l’imaginais remontant l’allée centrale de cette cathédrale, avec sa stature, son regard, ses cheveux, son pas…

Sa stature faite de force et de douceur, rassurante et entrainante, déstabilisante aussi parfois, en tous les cas refusant les faux équilibres. Son regard, fait de profondeur, de recherche, de désir de rencontre, de quête de vérité avec parfois un soupçon d’inquiétude (les événements lui échappaient à lui aussi, tant dans l’Eglise que dans le monde), un regard d’horizon toujours plus large qu’il semblait dévoiler à chacun en le désignant aussi pour l’Eglise. On pourrait parler de ses cheveux encore, foisonnant et denses, de telle sorte qu’on n’a jamais pu y déposer une calotte durablement. Il parait que cela avait choqué quelques personnes le jour de son ordination épiscopale. Il n’avait pas choisi cette chevelure, mais elle semblait aussi dire quelque chose de lui : densité de présence et liberté intérieure. Lire la suite

Père André DUBLED

Jacques Noyer, le Père Noyer vient de fêter ses 93 ans. Il écrit le 20 avril dernier :

« Est-ce l’effet du confinement ? Je n’ai jamais reçu tant de signes d’amitié pour mon anniversaire. Il me plaît de les lire comme on raconte l’histoire d’un arbre en comptant les auréoles de son aubier… L’an prochain Facebook vous invitera à me souhaiter un joyeux anniversaire et je sourirai sur ma photo d’accueil même si je suis déjà mort depuis des mois. Et j’en serai heureux. Et j’en suis heureux aujourd’hui par avance. La mort n’empêche pas de vivre. c’est ce que j’ai appris d’un tombeau vide et d’une silhouette effacée. »

Le 11 décembre 2018 Jacques Noyer écrit :

« Je tiens à redire toute la confiance que je porte au Père de Jésus-Christ, cette source d’amour qui crée et sauve le monde. L’Église Catholique est le lieu où je l’ai découvert et servi. J’ai partagé sa sainteté avec fierté. J’ai partagé ses fautes avec honte. Parce que je sais que je serai jugé comme j’ai moi même jugé, je voudrais porter sur tous ceux que j’ai connus un regard plein de miséricorde et de paix. Dieu me pardonnera mes insuffisances comme vous me les pardonnez vous même. Ne soyez pas tristes alors car j’entre dans la joie de Dieu. »

Dans son livre « Le manteau partagé » en 1997 Jacques Noyer écrit :

« La foi devra passer l’ultime défi, là où les mots ne peuvent suffire, ni les faux-semblants. Ce sera l’instant décisif. Jusque-là tout est provisoire, demain peut reprendre hier ! Le sens de la vie demeure flottant jusqu’à cet instant. Je ne saurai jamais si ma foi est vraie qu’au moment de ma mort. Serai-je capable de mourir en disant oui à la vie ? Mourir sans perdre le goût et la volonté de vivre, mourir en jetant aux autres la moitié de son manteau comme une promesse de retrouvailles, comme un appel à recoudre. Mourir en laissant à la terre la moitié de son être avec les souvenirs des combats, des échecs et des victoires en espérant qu’ils soient leçons de vie.

Mourir en attendant de retrouver le Christ. Nous reconnaîtrons le Christ orné ou blessé de tout ce que nous avons fait aux autres.

Et puis vivre, vivre pour toujours, vivre de Dieu… vivre de la vie qu’on a aimée malgré tout… survivre avec le Christ qui a vaincu le mal. »

Un berger nous a devancés. A nous aujourd’hui dans nos vies il revient d’écrire l’évangile dont a témoigné Jacques Noyer… Un bon berger.

André Dubled Vicaire général du Père Noyer.

Dominique DEVISSE

Jacques s’en est allé le matin du mardi 2 juin. Dans sa délicatesse  Il a attendu le début de la phase 2 du dé confinement pour nous permettre de venir nombreux lui dire « A Dieu » et lui exprimer notre reconnaissance, hier Au Touquet et ce matin en la cathédrale d’Amiens.

Le mercredi 26 février nous entrions en carême, le 17 mars nous entrions en confinement puis nous avons vécu la montée vers Pâques, le temps pascal, Entre Ascension et Pentecôte  le père Noyer s’est préparé à vivre son passage en commençant le jour de l’Ascension par un transfert en hélicoptère. La fête de la Pentecôte, fête importante pour le Père Noyer que cette fête qui met l’Eglise et chacun en mission…Il l’a vécu en service de réanimation à l’hôpital de Berck. Après ce temps inédit, ce mardi 2 juin c’était pour l’Eglise l’entrée dans le temps ordinaire… et Jacques s’en allé après quelques heures seulement de ce temps ordinaire (10 heures pour être précise)  pour entrer dans une réalité où il n’y a plus de temps et où le temps nous l’espérons devient extraordinaire.

Nous sommes réunis pour laisser partir A Dieu, un Père, celui  qui fut pendant 16 ans le pasteur de ce diocèse, un frère, un compagnon de route, un grand monsieur, une belle personne …

Il était tout à la fois ciseleur des mots, éveilleurs des consciences, lanceur d’alerte, passionné, révolté, suscitateur, pasteur, accompagnateur, boussole.  Il a gardé jusqu’au bout sa belle intelligence des situations et des personnes et sa capacité à s’indigner. Sa foi, il n’a cessé de la questionner et il l’a traduite en paroles souvent imagées et en actes.

De toutes les émotions qui m’étreignent ce matin celle qui domine c’est la gratitude pour le chemin parcouru aves Jacques. Il m’a donné de penser, d’espérer, de travailler dans et pour une Eglise plein vent, une Eglise dans laquelle il est possible de co-construire dans le respect mutuel.

Avec vous ce matin je crois que le Dieu de Jésus-Christ dit à Jacques : « Bon et fidèle serviteur entre dans la joie de ton Seigneur ».

Dominique Devisse
Responsable de la Diaconie de la Somme

Monseigneur Jacques Noyer, dans son destin d’homme rempli d’humilité, de simplicité, de connaissance, de sagesse par l’accueil qu’il réservait à toutes les communautés religieuses au sein de la cathédrale Notre Dame d’Amiens, déployait toute sa générosité avec prestance pour que chacun y reçoive et exprime, à son tour, l’importance des relations d’hommes et de femmes valorisantes pour tous.           

Un grand homme d’église qui ne s’est pas contenté d’enseigner comme on remplit un vase mais qui a su allumer un feu qu’aucune flamme ne touche : l’amour du prochain.

Moussa Abdellatif
Rencontre et dialogue interreligieux.

Je suis un ancien élève de l’abbé Noyer quand il enseignait la philosophie au lycée de Hafreingue Chanlaire de Boulogne sur mer… Un ami un complice de plus de 50 ans en somme. Voici quelques mots en guise de témoignage : D’abord une anecdote : Lors de l’enterrement de Mgr Loeulliet, ici dans cette cathédrale, Jacques Noyer évêque émérite d’Amiens était allé se recueillir sur le tombeau des évêques. Il ne restait que deux places disponibles et comme le diocèse détenait le record mondial d’avoir 4 évêques encore en vie en même temps, il avait glissé plein de malice : « Faut pas que je tarde trop si je veux avoir encore de la place ».

Jacques nous a quitté après un accroc de santé récent à l’ascension il était revenu chez lui, libéré par l’hôpital de Boulogne. Grand Jacques (comme l’appelait affectueusement ses élèves d’Hafreingue de Boulogne) était un merveilleux Monsieur, déroutant, imprévisible parfois, mais toujours un extraordinaire sourcier de l’amour dont les hommes ont tant besoin et qu’il débusquait dans chaque signe des temps. Chacun de nous peut revendiquer la relation particulière qu’il savait entretenir avec lui… C’était cela le charisme du berger (son image favorite pour qualifier la mission de l’évêque qu’il fut) il connaissait chacun de nous par son nom et l’aimais d’une affection spéciale. Des prêtres professeurs d’Hafreingue il était le dernier, présent à chacun des nombreux à-Dieu. Sa haute silhouette, sa chevelure magnifique était le repère de tous, son panache blanc. Nous sommes tristes aujourd’hui à la pensée de ne plus aller, au-devant de lui, recevoir sourire et bras ouverts. On dit que le noyer, l’arbre, a des racines aussi profondes en terre que ses branches sont ouvertes vers le ciel… et il donne des fruits solides et délicieux et ça il le savait et en jouait très bien !

Merci de tout cœur au vieux noyer dont les murmures savaient toujours éveiller en nous, au cœur de nos vies quotidiennes, un sens profond par le désir d’aimer. Merci de rester en nos cœurs et à nos côtés. J’adresse une pensée toute spéciale à tous ceux et celles qui fidèlement restaient à ses côtés.

Pierre Marie Thobois.

« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ ». C’est une des paroles fortes du concile Vatican II. Seigneur rends nous capable, jour après jour, de nous montrer solidaires de nos frères et sœurs en humanité. Montre-nous en ces temps de crise comment être proche de ceux qui souffrent. Seigneur nous t’en prions.

Le Père Noyer était un homme de dialogue. Il l’a montré à de nombreuses reprises dans ses choix pastoraux. Notre monde a plus que jamais besoin de dialogue. Suscite Seigneur dans l’humanité des femmes et des hommes de dialogue. De celles et de ceux qui sauront s’accepter dans leurs différences pour faire avancer plus grand que leurs propres intérêts. De celles et de ceux qui oseront simplement et courageusement risquer leur parole, avec la part de lumière qu’ils ont reçu. Seigneur nous t’en prions.

Au moment du conclave qui verra l’élection du pape François, celui-ci prend la parole pour demander « que l’Église sorte d’elle-même pour aller vers la périphérie existentielle de l’humanité et qu’elle devienne une mère qui vive la joie douce et réconfortante d’évangéliser ». A l’aube de ses 80 ans le père Noyer disait « Regarde toujours au-delà de ton horizon familier c’est là que des frères t’attendent ». Seigneur suscite en ton Église des femmes et des hommes qui n’auront pas peur de vivre aux périphéries, d’affronter les questions qui se posent aujourd’hui et d’entraîner l’Église avec eux sur ces nouveaux chemins.