Confinement dans le confinement… ou quand il ne reste plus que la prière!

Confinement dans le confinement… ou quand il ne reste plus que la prière!

Il s’en suit alors des longues journées marquées par des heures encore plus longue à dormir ou à « me traîner ».

C’est impuissant que j’ai assisté à l’impossibilité généralisée de célébrer dans nos églises, à la fermeture du Kingdom Coffee qui laissait présager la fermeture de la Mission St-Leu. C’est impuissant que j’ai abandonné « mon » équipe au moment de l’entrée dans le confinement pour tous. C’est impuissant que je recevais des messages fraternels d’encouragement, de soutien, sans trouver la force d’y donner suite.

Non sans difficulté, je célébrai quotidiennement l’Eucharistie en offrant, en m’unissant à ceux que le Seigneur me confie à travers mes différentes missions.

Il m’arrive parfois de dire « je vous dépose dans la patène » comme pour essayer de traduire ma prière pendant la célébration de la Messe. En ce temps éprouvant, elle fut bien lourde cette patène tant on voudrait y déposer le monde, notre monde qui se fait souffrant, aidant, espérant, malade, courageux, en quête de sens, tournant tantôt à l’endroit, tantôt à l’envers.

Il a été bien difficile à poser cet acte de foi en la puissance de la prière, en la fécondité d’une prière, bien pauvre mais là n’est pas la question, la fécondité d’une prière « cloitrée ». L’heure n’est plus à la théorie, à l’enseignement, mais à la « pratique ».

Des échos parviennent d’autres « cloîtres », de ceux qui disent leur soif de l’Eucharistie alors qu’ils en sont privés, leur soif de rencontres fraternelles alors qu’ils sont géographiquement isolés, leur soif de venir en aide alors qu’ils ne sentent pas (et peut-être à juste titre) compétents! Quelle source d’Espérance et de soutien pour la prière. Pendant plusieurs jours, je n’avais finalement guère plus que la prière comme activité.

Une Amie religieuse m’a aidé. Elle m’a rappelé qu’elle priait avec ses soeurs avec les mots suivants:

« Le monde est en flammes. Sens-tu l’urgence de les éteindre ? Élève ton regard vers la Croix. Du coeur ouvert jaillit le sang du Rédempteur, le sang qui éteint les flammes de l’enfer. Libère ton coeur dans l’accomplissement fidèle de tes vœux, et le flot de l’amour divin le remplira jusqu’à le faire déborder et lui fera porter du fruit jusqu’aux confins de la terre. Entends-tu le gémissement des blessés sur tous les champs de batailles d’Ouest en Est ? Tu n’es ni médecin ni infirmière, et tu ne peux panser leurs plaies. Tu es enfermé dans ta cellule et tu ne peux pas parvenir jusqu’à eux. Entends-tu le cri d’angoisse des mourants ? Tu voudrais être un prêtre et les assister. Es-tu émue de la détresse des veuves et des orphelins ? Tu voudrais être un ange consolateur et te porter à leurs secours. Lève les yeux vers le Crucifié. Si tu es son épouse, dans la fidèle observance de tes vœux, son précieux sang sera aussi le tien. Liée à lui, tu seras présente partout, comme il l’est aussi. Non pas ici ou là, comme le médecin, l’infirmière ou le prêtre, mais sur tout les fronts, en chaque lieu de désolation – présente, dans la force de la Croix. Ton amour compatissant, l’amour qui vient du Coeur divin, te portera partout, et partout répandra son sang précieux – qui apaise, qui guérit, qui sauve.

Les yeux du Crucifié se posent sur toi : il t’interrogent, ils te scrutent. Es-tu prêt à refaire alliance avec le Crucifié ? Que vas-tu lui répondre ? « Seigneur, à qui irions-nous ? Toi seul as les paroles de la vie éternelle« . » (Ste Thérèse-Bénédicte de la Croix, 14 septembre 1939)

Ces mots s’adressent à des religieuses. Si nous ne sommes pas religieux, reprenons cette méditation non pas pour renouveler « l’accomplissent fidèle de [nos] voeux », mais pour renouveler « l’accomplissement de notre devoir d’état ».

Que le Seigneur nous accorde d’y trouver réconfort et nous renouvelle dans l’assurance de la puissance de la prière.

Ce temps de confinement dans le confinement m’aura permis d’éprouver ma prière et de re-choisir de la mettre au coeur de ma vie.

A l’école du Carmel, j’entends de manière renouvelée ce que disait le bienheureux Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus:  « L’oraison, écrit-il à un ami, est en quelque sorte le soleil et le centre de toutes les occupations de la journée. On a l’impression chaque soir qu’on n’a guère fait que cela d’important… L’oraison est une grande consolation ici et me fait oublier tout le reste ». Qu’est-ce que l’oraison? Sainte Thérèse d’Avila répond: « L’oraison mentale n’est, à mon avis, qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé ». Ce temps de désert me fait entrer de nouveau en Terre Promise, il me sort de mon tombeau. Le chemin se poursuit passant d’un confinement dans le confinement à un confinement. Un pas après l’autre. Une Pâque après l’autre, d’année en année avant La Pâque!

Je prie pour vous. Priez pour moi.

 

Arnaud Lejeune, responsable diocésain des vocations et prêtre accompagnateur de la Mission St-Leu.